Semen 08–1993, Configurations discursives Enonciation argumentation et discours
Semen 08–1993, Configurations discursives Enonciation argumentation et discours : le cas de la généralisation Magid Ali-Bouacha Index | Plan | Texte | Bibliographie | Notes | Citation | Auteur • Signaler ce document • Sommaire • Article précédent • Article suivant Index Mots clés : activité discursive, Analyse de discours, Argumentation, Enonciation, généralisation Plan 1. Discours et analyse de discours 1. 1. Hypothèses 1. 2. Propositions 2. Généralisation et discours Texte intégral 1. Discours et analyse de discours 1. 1. Hypothèses 1 S'il fallait reconnaître un quelconque mérite aux différentes analyses de discours qui se sont multipliées dans les années 60-80, ce serait sans aucun doute celui d'avoir dynamisé une large réflexion sur la notion de discours en sciences du langage. Cette réflexion est née d'une double nécessité : • nécessité de construire une théorie du discours pour l'intégrer ensuite à un modèle théorique de l'analyse de discours. • nécessité de mettre en regard une pratique de manipulation discursive et des méthodes de descriptions linguistiques déjà existantes. 2 Ces contraintes ont eu deux effets qui peuvent apparaître contradictoires et qui sont en réalité dans un rapport corollaire : la raréfaction progressive des analyses de discours (au sens où cette appellation tendait à recouvrir une discipline autonome) et la recentration de la problématique du discours dans le cadre des études linguistiques. 3 En illustration du premier effet — la limitation des analyses du discours — je voudrais évoquer le cas de deux modèles particulièrement féconds : celui de l'Analyse Automatique du Discours de M. Pêcheux, qui a bouclé en quelque sorte la phase de l'approche morpho- syntaxique du discours et celui de la sémiotique narrative et textuelle élaborée par "l'Ecole de Paris" qui a montré de son côté les limites d'une sémantique discursive. 4 En ce qui concerne l'A.A.D., je dirai simplement que Pêcheux a produit une théorie du discours si forte qu'elle a phagocyté en quelque sorte la théorie de l'analyse du discours qui lui était corrélée. De quoi s'agit-il très brièvement ? Le discours observé à travers l'agencement et la forme des phrases est appréhendé en tant que trace d'une formation discursive considérée comme une superstructure qui en maîtrise les processus de production. Selon cette thèse, qui s'inscrit davantage dans la pensée de Bakhtine1 et d'Althusser que dans celle de Foucault, la théorie du discours devient théorie du monde. • 1 "Les rapports de production et la nature (...) 5 Pour ce qui concerne le modèle sémiotique élaboré autour de Greimas, la démarche est tout autre. Il s'agit cette fois de dégager, à partir de la manifestation textuelle, les modes d'organisation de la signification à différents niveaux du "parcours génératif" et de la mise en discours. Analyser un texte revient alors à y reconnaître une conformité aux macrostructures dégagées par le modèle, l'apport de l'analyste consistant à montrer la spécificité de leur mise en oeuvre et la complexification à laquelle elles donnent lieu dans le cadre du texte considéré. La théorie du discours se ramène dans ce cas à une théorie du texte. 6 On retrouve ainsi, dans les deux modèles, la même volonté totalisante de rendre compte du procès de la signification à partir d'une théorie trop "consistante". Ceci restreint considérablement les valeurs explicatives de l'analyse — étape indispensable à une théorisation — et la contraint d'une certaine manière à répéter indéfiniment le fatidique "ça marche". 7 Examinons maintenant l'évolution de la notion de discours dans les sciences du langage et plus précisément dans les modèles strictement linguistiques. On peut en gros filtrer deux propriétés : • Le discours est constitué d'une suite de phrases et à ce titre, c'est sa composante transphrastique — c'est-à-dire la nature et la combinaison des enchaînements assurant la cohésion de l'ensemble textuel — qui est retenue en priorité. • Le discours correspond à une activité langagière porteuse de sens ; c'est la composante énonciative — c'est-à-dire l'ensemble des systèmes de repérages et de régulations opérés par un énonciateur produisant du "texte" dans une langue donnée, à l'intention d'un co-énonciateur2 qui est cette fois privilégiée. • 2 Ces notions ainsi que cette façon de concevoir les (...) 8 Renvoyant dans un cas à l'articulation d'un texte du point de vue de son ordonnancement syntagmatique et dans l'autre à la subjectivité et à l'intersubjectivité dans le langage, le discursif reste pris dans une double détermination de type quantification/qualification somme toute bien compréhensible dans une problématique linguistique. En réalité les choses ne sont pas aussi simples et le filtrage bi-polaire évoqué ci-dessus est loin d'être stabilisé. 9 La tradition linguistique française en matière de discours, inaugurée notamment par les travaux de Guillaume et de Benveniste a entretenu l'idée d'un isomorphisme entre discours et profération dans la mesure où l'un et l'autre supposent la mise en oeuvre de la langue par un individu, idée qui a largement contribué à la mise en place de la propriété 2. Lorsque Benveniste parle du double fonctionnement subjectif et référentiel du discours, il construit une articulation fondamentale à ses yeux entre une première opposition moi/toi instaurant une relation interlocutive symétrique, réversible et isotope et une seconde opposition moi-toi/lui décrochée par rapport à la première et permettant un discours sur le monde. Il décrit ainsi, à travers la catégorie de la personne, la qualité essentielle du discours qui réside selon lui, dans la volonté de dire à l'autre l'état du monde. Lorsqu'il note que le discours est à la fois "porteur d'un message et instrument d'action", il semble reconduire la distinction opérée par Morris entre une sémantique et une pragmatique autonomes. Lorsqu'il définit enfin les instances de discours comme "les actes discrets et chaque fois uniques par lesquels la langue est actualisée en parole par un locuteur" (Benveniste, 1966) il confond volontairement (ou non ?) discours et énonciation. Dans tous les cas et même si pour lui "la phrase est l'unité du discours" (ibid.) Benveniste refuse d'envisager l'analyse de discours au-delà de l'analyse de la phrase. "La proposition ne peut entrer comme partie dans une totalité de rang plus élevé. Une proposition peut seulement précéder ou suivre une autre proposition, dans un rapport de consécution. Un groupe de propositions ne constitue pas une unité d'un ordre supérieur à la proposition. Il n'y a pas de niveau linguistique au-delà du niveau catégorématique" (ibid., p. 129). 10 En énonçant de telles lois, Benveniste postule que le discours est dans la phrase, l'articulation corollaire : la phrase est dans le discours — étant réduite à une relation de consécution. Déclarant par ailleurs que "les types de phrases qu'on pourrait distinguer se ramènent tous à un seul, la proposition prédicative", et qu'il n'y a pas de phrase hors de la prédication", (ibid.), il semble mettre sur le même plan discours, phrase et prédication. Tout se passe. comme si la phrase, que l'on peut toujours ramener à une proposition serait la représentation idéale d'une assomption réussie de la langue grâce à un sujet parlant qui structure sa perception des objets du monde pour rendre compte de son expérience à autrui. La structuration des parties de la phrase, unité ultime et supérieure du discours, se conforme à "la constitution logique du monde" (Carnap). 11 Cette manière d'envisager l'articulation phrase/discours peut apparaître tout à fait antinomique de la propriété 1 qui voit au contraire, dans la composante transphrastique du discours la qualité première de sa spécificité. Dans cette problématique inaugurée par Harris dans un article très célèbre en France depuis sa traduction en 1969, la phrase n'est pas considérée comme un système de signes autonomes mais plutôt comme une combinaison de segments pouvant appartenir à des classes de segments récurrents. Le postulat qui avait pour a priori méthodologique de pouvoir étendre à l'analyse du discours les procédures de l'analyse linguistique a généré des descriptions dont l'objectif affiché visait la réduction du discours à une proposition/phrase de hase susceptible d'en restituer la "structure" ou le "sens". On aboutit ainsi par un renversement curieux mais somme toute prévisible, à la même homologie phrase/discours : "une phrase est un discours court, un discours est une phrase complexe" (Marandain, 1979, p. 25). 12 Ces deux approches de la notion de discours qui comme nous l'avons vu ne sont pas forcément contradictoires, ont donné lieu cependant à des travaux nettement distingués. Plus soucieux de la cohérence théorique et méthodologique de la démarche que des potentialités jugées illusoires d'une recherche pluridisciplinaire, les analystes du discours ont toujours opté pour l'une ou l'autre de ces approches, séparant de façon irréductible l'étude du processus de l'énonciation linguistique et l'analyse des modes d'enchaînement de la pensée d'une phrase à l'autre. Sans vouloir faire une sorte d'épistémologie négative de l'analyse de discours, disons que cette irréductibilité a empêché, à un moment donné, de restituer au discours toute sa complexité. 13 La complexité discursive doit être comprise non seulement du point de vue de la double détermination quantitative et qualitative mais aussi de celui de la grande variété des productions textuelles auxquelles elle renvoie. Comment observer cette complexité ? 14 Il faut d'abord distinguer entre le discours, objet théorique uploads/Philosophie/ enonciation-argumentation-et-discours-le-cas-de-la-generalisation.pdf
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- Publié le Dec 12, 2022
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