La critique et l'historiographie artistique et littéraire Il est un autre ensem

La critique et l'historiographie artistique et littéraire Il est un autre ensemble de questions que l'on trouve dans les traités d'esthétique, qui, bien qu'elles y soient opportunément placées, appartiennent de façon intrinsèque à la logique et à la théorie de l'historiographie : ce sont celles qui concernent le jugement esthétique et l'histoire de la poésie et des arts. L'esthétique, en démontrant que l'activité esthétique ou l'art est une des formes de l'esprit, une valeur, une catégorie, quelque nom que l'on veuille lui donner et non (comme l'ont pensé les théoriciens de diverses écoles) un concept empirique que l'on peut rapporter à une certaine classe de faits utilitaires ou mixtes, a donc, en établissant l'autonomie de la valeur esthétique, démontré et établi par là même qu'elle est l'objet d'un jugement spécial, le jugement esthétique et le sujet d'une histoire, d'une histoire spéciale, l'histoire de la poésie et des arts, l'historiographie artistique et littéraire. Les questions qui ont été agitées autour du jugement esthétique et de l'historiographie artistique et littéraire se trouvent être au fond, même en ce qui concerne le caractère propre de l'art, les mêmes questions méthodologiques rencontrées dans tous les domaines de l'historiographie. On s'est demandé si le jugement esthétique était absolu ou relatif; mais tout jugement historique (et tel est le jugement esthétique qui affirme la réalité et la qualité des faits esthétiques) est toujours à la fois absolu et relatif : absolu dans la mesure où la catégorie au moyen de laquelle il se forme possède une vérité universelle; relatif, dans la mesure où l'objet construit par elle est historiquement déterminé; c'est pourquoi, dans le jugement historique, la catégorie s'individualise et l'individualité « s'absolutise ». Ceux qui par le passé niaient le caractère absolu du jugement esthétique (esthéticiens sensualistes, hédonistes, utilitaires)niaient en fait la qualité et la réalité de l'art, son autonomie. On s'est demandé si la connaissance d'une époque, de toute l'histoire d'une époque donnée, est nécessaire au jugement esthétique; or elle l'est certainement car, comme nous le savons, la création poétique présuppose toutes les autres formes de l'esprit qui la transforment en image lyrique et chaque création esthétique présuppose toutes les autres créations à un moment historique donné (passions, sentiments, coutumes, etc.). A partir de là, on voit également combien sont dans l'erreur tant les partisans d'un pur jugement historique de l'art (les historicistes) que ceux d'un pur jugement esthétique (les esthétisants) ; car les premiers veulent voir dans l'art tout le reste de l'histoire (conditions sociales, biographie de l'auteur, etc.) au lieu de voir, en même temps et surtout, l'histoire propre à l'art, et les seconds veulent juger l'oeuvre d'art en dehors de l'histoire, c'est-à-dire en la privant de son authenticité et en lui donnant une signification imaginaire ou en la comparant avec des modèles arbitraires. Finalement une sorte de scepticisme s'est manifesté quant à la possibilité d'entrer dans un rapport de compréhension avec l'art du passé : scepticisme qui, en ce cas, devrait s'étendre à tous les autres domaines de l'histoire (celui de la pensée, de la politique, de la religion, de la moralité) et qui se réfute lui-même par une réduction à l'absurde parce que l'art et l'histoire que l'on dit modernes ou du présent sont « passés » au même titre que l'art et l'histoire des époques les plus reculées, comme eux, redeviennent présents mais seulement dans l'âme qui les ressent et dans l'intelligence qui les comprend. Qu'il y ait par ailleurs des oeuvres et des époques artistiques qui nous restent obscures, signifie seulement qu'actuellement les conditions pour les revivre de l'intérieur et pour les comprendre nous font défaut de même que les idées, les coutumes et les actions de tant de peuples et de périodes. L'humanité comme l'individu se souvient de certaines choses et en oublie beaucoup d'autres sauf en en réactivant le souvenir quand le cours de son développement spirituel l'y amène. Une dernière question se pose qui concerne la forme convenant à l'histoire artistique et littéraire; celle-ci, à travers le type principalement constitué à l'époque romantique et qui prévaut encore aujourd'hui, expose l'histoire des oeuvres d'art en fonction des concepts et des besoins sociaux des différentes époques, comme étant leur expression esthétique en les reliant étroitement à l'histoire civile : ce qui conduit à négliger et presque à étouffer le caractère propre et individuel des oeuvres d'art, celui qui les fait oeuvres d'art et interdit de les confondre l'une avec l'autre et de les traiter comme documents de la vie sociale. Il est vrai que, dans la pratique, cette méthode est corrigée par cette autre que l'on pourrait dire « individualisante » et qui met en évidence le caractère propre de chaque oeuvre ; mais ce correctif a le défaut de tout ce qui ressortit à l'éclectisme. Pour en sortir, il n'y a pas d'autre parti que de développer d'une manière conséquente l'histoire individualisante et de traiter les oeuvres d'art non pas en relation avec l'histoire sociale mais chacune comme un monde en soi dans lequel, de temps à autres, se concentre l'histoire tout entière, transfigurée et transcendée, grâce à la fantaisie, dans l'individualité de l'oeuvre poétique qui est une création et non une réflexion, un monument et non un document. L'oeuvre de Dante n'est pas seulement un document sur le Moyen Age ni celle de Shakespeare un document sur l'époque élisabéthaine; pour cette fonction il existe beaucoup d'autres sources d'informations tout aussi abondantes sinon plus chez les mauvais poètes et les non-poètes. On a objecté que, par cette méthode, l'histoire artistique et littéraire prend la forme d'une suite d'essais et de monographies sans lien entre eux; mais il est clair que le lien est fourni par toute l'histoire humaine constituant un tout dont les personnalités poétiques forment une part très importante (l'avènement de la poésie shakespearienne n'est pas moins importante quel'avènement de la Réforme ou de la Révolution française) et c'est justement parce qu'elles en font partie qu'elles ne doivent pas se plonger et se perdre dans cette histoire, c'est-à-dire dans les autres parties de cette histoire, mais maintenir leur importance et leurs caractères propres et originaux. L'Histoire de l'esthétique L'histoire de l'esthétique, en raison de son caractère de science philosophique que nous avons déjà souligné, ne peut être séparée de l'histoire de toute la philosophie qui l'éclaire et en est éclairée. Elle permet par exemple de voir comment l'orientation dite subjectiviste que la pensée philosophique a prise avec Descartes, favorisant la recherche autour de la puissance créatrice de l'esprit, a favorisé aussi indirectement la recherche concernant la puissance esthétique; et, d'autre part, pour ce qui concerne l'influence exercée par l'esthétique sur le reste de la philosophie, il suffit de rappeler combien la conscience avancée de la fantaisie créatrice et de la logique poétique contribuèrent à libérer la logique philosophique du formalisme et de l'intellectualisme traditionnel et, rapprochant le mouvement de la pensée du mouvement de la poésie, à l'élever à la logique spéculative ou dialectique dans la philosophie de Schelling et de Hegel. Mais si l'histoire de l'esthétique doit être intégrée dans l'ensemble de l'histoire de la philosophie, celle-là doit être, à d'autres égards, étendue au-delà des limites à l'intérieur desquelles elle est maintenue d'ordinaire et où il est d'usage de la faire coïncider avec la série des oeuvres des philosophes dits de métier et des traités dialectiques que l'on appelle « systèmes de philosophie ». On retrouve souvent les pensées philosophiques nouvelles ou leurs germes vivants et dynamiques dans les livres qui ne sont pas le fait de philosophes professionnels ni d'apparence systématiques; pour l'éthique, dans les livres d'ascètes ou de religieux, pour la politique dans les livres d'historiens, ou pour l'esthétique, dans ceux des critiques d'art et ainsi de suite. En outre, on se souvient que, rigoureusement parlant, le sujet de l'histoire de l'esthétique n'est pas uniquement le problème de la définition de l'art, résolu par cette définition quand elle a été ou sera trouvée, mais les problèmes infinis qui surgissent toujours à propos de l'art et parmi lesquels ce seul problème de la définition de l'art est identifié et concrétisé et seul compte véritablement. Ces remarques qu'il faut garder présentes à l'esprit permettent de tracer le cadre général d'une histoire de l'esthétique qui puisse servir d'orientation préliminaire sans courir le risque qu'elle soit comprise d'une façon rigide et simpliste. Dans ce cadre général, et parce que cela correspond non seulement aux besoins de l'exposition mais aussi à la vérité historique, il convient d'accepter la proposition commune selon laquelle l'esthétique est une science moderne. L'antiquité gréco-romaine ne spécula pas, ou très peu, sur l'art mais s'employa surtout à en créer la didactique : non pas la « philosophie », pourrait-on dire, mais la « science empirique » de l'art. Tels sont ses traités de « grammaire », de « rhétorique », de « procédés oratoires », d«< architecture », de « musique », de « peinture » et de « sculpture » ; ils ont posé les fondements de toutes les didactiques ultérieures et de la nôtre qui a simplifié et interprété ces traités uploads/Philosophie/ essais-d-x27-esthetique.pdf

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