Publié dans la revue Grand N, n° 95 (2015) Equilibre ou équilibres ? La balance

Publié dans la revue Grand N, n° 95 (2015) Equilibre ou équilibres ? La balance en question Michaël CANU LDAR-Université Paris Diderot m.canu134@uniandes.edu.co Cécile de Hosson LDAR-Université Paris Diderot cecile.dehosson@univ-paris-diderot.fr Mauricio Duque GIAP-Université de Los Andes maduque@uniandes.edu.co Dans cet article nous examinons l’impact de l’étude scolaire classique de la balance sur la compréhension de l’équilibre chez les élèves. L’étude de la balance est proposée à l’école primaire dans le cadre du programme relatif aux « leviers et balances, équilibres » au cycle 3. Il apparaît une différence entre les intentions du programme qui parle d’équilibres et l’enseignement usuel qui, par les choix des objets étudiés généralement, en fait essentiellement un enseignement d’un seul type d’équilibre. Nous constatons que les étudiants qui arrivent dans l’enseignement supérieur, ont des conceptions relatives à ces notions qui, d’une part, pour certaines, peuvent être reliées très directement à l’étude de cet objet technologique, comme le fait de considérer uniquement les cas d’équilibres stables, et d’autre part, sont très résistantes au changement. L’intérêt de ce dispositif technique, désormais absent de la vie quotidienne, est donc tout à fait discutable, en l’état actuel de son enseignement. Mots clefs : didactique de la physique, conceptions, équilibre, stabilité Introduction Les programmes du cycle 3 contiennent un volet « objets techniques » dans lequel il est demandé d’aborder les « leviers, balances, équilibres ». En CE2, CM1 notamment, les progressions pédagogiques du ministère préconisent de traiter les points suivants : Tableau 1: progressions pédagogiques pour le cycle 3 : leviers, balances, équilibres CE2 CM1  Réaliser des équilibres (mobiles, balance romaine, Roberval…)  Mesurer des masses à l’aide de différents types de balances. Vocabulaire : balance, masse, équilibre.  Analyser et comparer le fonctionnement de différents objets techniques de la vie quotidienne.  Identifier le levier et ses principes (rapport force / distance à l’axe).  Repérer des objets qui utilisent le principe du levier. Vocabulaire : axe de rotation, pivot, force, distance, levier. Publié dans la revue Grand N, n° 95 (2015) Dans les « Grilles de références pour l’évaluation et la validation des compétences du socle commun au palier 21 » de 2011 relatif au Livret Personnel de Compétences, nous trouvons une rubrique « Maîtriser des connaissances dans divers domaines scientifiques et les mobiliser dans des contextes scientifiques différents et dans des activités de la vie courante » pour laquelle « l’indication pour l’évaluation » est formulées sous cette forme : « Il [l’élève] est capable de prévoir ou d’interpréter quelques situations d’équilibre, en particulier lorsque les forces qui s’appliquent ne sont pas à égale distance de l’axe ou dans le cadre de l'utilisation de balances à plateaux ». Dans le « socle commun de connaissances, de compétences et de cultures » (2005, 2013), les connaissances relatives au domaine « leviers, balances, équilibres » apparaissent à travers l’exercice de capacités comme celles de «percevoir le lien entre sciences et techniques » et de «comprendre qu'un effet peut avoir plusieurs causes agissant simultanément, percevoir qu'il peut exister des causes non apparentes ou inconnues ». En effet, l’étude des objets techniques comme les balances ont vocation à servir de support2 à la « loi des leviers » (lien entre science et technique) et à la mise en évidence de l’action des deux poids dans l’équilibre (des causes non apparentes qui agissent simultanément). On peut cependant se demander dans quelle mesure l’étude des objets techniques proposés (leviers, balances) permet réellement le développement de ces capacités. Après avoir fait un point sur la notion d’équilibre et son lien avec les objets (systèmes mécaniques) proposés aux élèves, nous analyserons, d’une part, dans quelle mesure ils peuvent ou non répondre au développement des connaissances et des capacités visées et, d’autre part, quelles conceptions ils sont susceptibles de véhiculer chez les élèves. Clarification des savoirs en jeu : systèmes et équilibre Si l’on adopte le point de vue général de la Théorie Générale des systèmes (von Bertalanffy, 1975), on appelle système, un ensemble de grandeurs - des variables et des paramètres - reliées entre elles par des relations, que l’on peut traiter comme une seule entité. Ce peut être un objet physique, une population, une solution chimique, etc. Si l’on souhaite en étudier le comportement, il est coutume d’en chercher tout d’abord une représentation mathématique (bien qu’il existe d’autres méthodes par exemple en médecine). Dans celle-ci, les relations entre les gradeurs apparaissent comme des fonctions des différentes variables dont l’ensemble constitue un système d’équations. Le comportement du système (réel) peut alors être modélisé par ce système (mathématique) qui, généralement, peut se mettre, moyennant certaines hypothèses simplificatrices, sous la forme relativement simple suivante : Où x est un vecteur contenant les variables d’intérêt du système, u est un vecteur contenant l’ensemble des variables qui permettent d’agir sur le système (que l’on 1 Fin du cycle 3 2 Des situations de découverte ou de réinvestissement. Publié dans la revue Grand N, n° 95 (2015) appelle les entrées, s’il en elles existent) et t, la variable temporelle. Ici, apparaît x à droite de l’égalité et sa dérivée par rapport au temps à gauche, c’est ce que l’on appelle une équation différentielle. Cette équation relie donc l’évolution des grandeurs du système au cours du temps, à leurs taux de variations et aux grandeurs d’entrée. On peut alors considérer un point particulier du système, xe pour lequel il n’y a pas de variation des variables par rapport au temps (soit une dérivée nulle), pourvu que dans le même temps, il n’y ait pas de variation de l’entrée ue. Placé en ce point, le système ne peut plus évoluer seul, sans une variation de l’entrée (s’il y en a une) ou une modification extérieure directe de l’une des variables (ce que l’on appelle une perturbation), c’est un point fixe, stationnaire, ou d’équilibre, pour le système. Nous avons adopté ici un point de vue particulier en considérant que notre système était muni d’entrées, ce qui n’est bien entendu pas toujours le cas, mais qui représente le cas le plus général : si le système ne possède pas ce type de grandeurs permettant d’agir sur son état interne, c’est alors un cas particulier pour lequel u = 0. Ce point de vue est celui de l’automatique, domaine des sciences qui s’intéresse à la commande des systèmes (souvent industriels) et qui est la branche technologique de la Cybernétique, la « théorie entière de la commande et de la communication, aussi bien chez l'animal que dans la machine » (Wiener, 1946). Dans toutes les disciplines, les relations entre les grandeurs que l’on a établies ci- dessus et qu’exprime la fonction f (entre des espaces de dimensions supérieures ou égales à 1), s’obtiennent à partir des lois spécifiques régissant ces disciplines : les lois de Newton en mécanique, les lois de la thermique, etc. Et l’équation différentielle trouvée en annulant la dérivée de xe prend alors un sens particulier, équilibre statique (repos) ou dynamique (mouvement rectiligne et uniforme par exemple) en mécanique par exemple. Dans tous les cas cependant, l’interprétation que l’on peut en faire, revient à définir un état stationnaire, c’est-à-dire indépendant du temps, pour la ou les variables que l’on considère pertinentes pour notre système. Examinons deux exemples issus de la mécanique : un cas de système commandé et un autre libre (c’est-à-dire « non commandé », sans entrée par exemple) :  Il est simple de produire une force appliquée à un chariot mobile le long d’un rail de guidage (c’est typiquement l’application des moteurs dits linéaires). Dans ce cas, on peut modéliser le système « chariot » par une équation différentielle du type M.ac(t) = -F.vc(t) + K.u(t), dans laquelle M est la masse du chariot mobile, ac est son accélération par rapport au sol, K le gain tension/force du moteur, F un coefficient de frottements visqueux, vc la vitesse du chariot par rapport au sol et u le signal de commande que l’on applique à l’entrée du système (une tension, ici). Un équilibre est donc obtenu dans ce cas pour une entrée u constante (nulle ou non), ce qui correspond à une vitesse du chariot constante (mouvement rectiligne et uniforme) ou nulle (repos), soit un équilibre mécanique si l’on considère le référentiel du sol comme étant galiléen.  Dans le cas de la balance de type « égyptienne » (c’est-à-dire à bras égaux et plateaux suspendus), que l’on peut modéliser par une simple barre homogène en rotation autour d’un axe fixé à un support, la modélisation va aboutir à une équation faisant intervenir la position angulaire du bras (par exemple par rapport à la verticale), la masse totale du bras et la distance entre le centre de masse du bras et l’axe de rotation. Plus précisément, on va obtenir une Publié dans la revue Grand N, n° 95 (2015) équation différentielle liant la dérivée seconde cet angle et sa dérivée première (via les frottements visqueux de l’axe) et les autres paramètres : la résultante du poids du bras (le système) appliquée au centre de masse et la distance entre ce point uploads/Philosophie/ grandn-final.pdf

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