TENTATIVES DE COMPRÉHENSION des 10 premières propositions de l’Éthique de Spino

TENTATIVES DE COMPRÉHENSION des 10 premières propositions de l’Éthique de Spinoza Mémoire Rémi Laroche Maîtrise en philosophie Maître ès arts (M.A.) Québec, Canada © Rémi Laroche, 2015 iii RÉSUMÉ Ce mémoire, intitulé Tentatives de compréhension des 10 premières propositions de l’Éthique de Spinoza, se présente comme une démarche de lecture ayant pour but de réussir à produire la claire connaissance du texte de Spinoza à partir des critères de vérité de sa philosophie. Cet effort de compréhension est mené grâce à l’analyse des effets sur l’esprit du lecteur des dix premières propositions de l’Éthique de manière à utiliser les obstacles et les difficultés rencontrées pour progresser dans la connaissance. v TABLE DES MATIÈRES RÉSUMÉ ........................................................................................................................................... iii NOTES PRÉLIMINAIRES .............................................................................................................. vii INTRODUCTION .............................................................................................................................. 1 Tentative de compréhension de la proposition 1 ............................................................................... 21 Tentative de compréhension de la proposition 2 ............................................................................... 31 Tentative de compréhension de la proposition 3 ............................................................................... 41 Tentative de compréhension de la proposition 4 ............................................................................... 53 Tentative de compréhension de la proposition 5 ............................................................................... 65 Tentative de compréhension de la proposition 6 ............................................................................... 77 Tentative de compréhension de la proposition 7 ............................................................................... 85 Tentative de compréhension de la proposition 8 ............................................................................... 93 Tentative de compréhension de la proposition 9 ............................................................................. 101 Tentative de compréhension de la proposition 10 ........................................................................... 109 CONCLUSION ................................................................................................................................ 115 Habitudes de pensée ..................................................................................................................... 115 Comprendre ce qu’on ne comprend pas ....................................................................................... 119 Réfléchir les effets du texte sur soi et penser hors du texte ........................................................ 121 Désir de connaître ....................................................................................................................... 127 APPENDICE ................................................................................................................................... 129 BIBLIOGRAPHIE .......................................................................................................................... 135 vii NOTES PRÉLIMINAIRES J’étais deleuzien, ou en tout cas, en tant qu’artiste peintre, j’utilisais la philosophie de Deleuze pour nourrir ma pratique artistique. Si j’ai cessé de peindre c’est parce que je me suis passionné pour l’enseignement de la philosophie au collégial. Par contre, si j’ai cessé de chercher à m’inspirer des œuvres de Deleuze, c’est parce que je me suis mis à lire Spinoza. Ma première rencontre avec les idées du philosophe hollandais a pour origine les livres de Deleuze intitulés, Spinoza et le problème de l’expression ainsi que Spinoza Philosophie pratique. J’ai aussi lu, à cette époque, les textes qui avaient pour titre, Spinoza et la méthode générale de M. Gueroult et Préface à l’anomalie sauvage d’Antonio Negri. J’avais aussi l’habitude d’écouter Spinoza : immortalité et éternité, un CD édité chez Gallimard dans la collection à voix haute. Je me souviens que j’aimais peindre en entendant Deleuze parler des «rapports de convenance entre notre corps et les corps extérieurs», car, en tant que peintre, j’étais extrêmement sensible au problème des affects. Cette question représentait mon principal sujet de réflexion, j’y puisais toutes sortes d’idées pour inventer des procédés d’expression picturale que je mettais à exécution pour mener mes recherches en peinture. La connaissance des affects était aussi le fil conducteur que je privilégiais pour étudier ce type d’invention chez mes peintres préférés : Cézanne, Klee, Vélasquez, Bacon, Pollock, Riopelle. Quelques années plus tard, une fois familiarisé avec certains aspects de l’Éthique, j’y référai à nouveau pour comprendre les raisons qui expliquent l’expression de la joie dans l’art populaire. Ce qui m’intéressait, concernant le problème de la connaissance des affects, c’est la relation entre corps et idées, sensations et conceptions, entre ce qui passe à partir de la formation de représentations et le développement d’une réelle capacité d’expression, donc entre le fait de sentir et de comprendre de manière à apprendre comment exprimer la vie implicite à la relation entre ce qui affecte un sujet humain et ce qu’il arrive à créer comme œuvre d’art. C’est ainsi que je voyais les choses, influencé bien évidemment par la philosophie de Deleuze, pour qui le problème de la vitalité est central. Dans chacun de ses livres, son effort est constant pour libérer le désir et les pulsions afin que la vie puisse s’exprimer. Mais, dès lors que la connaissance des affects est associée à l’augmentation de notre capacité à agir, à vivre, à s’exprimer et à exister, Deleuze l’a viii clairement vu, la portée éthique des questions qui surgissent nous renvoie à nous-mêmes.1 Or une fois renvoyé à soi-même, les choses commencent à changer. Quelles choses? Premièrement le type de question posée. Par la suite, à travers la question, ce qui change c’est aussi ce que nous désirons connaître. Et, partant de la transformation du désir de connaître, change encore la manière de connaître. Avec Deleuze, suivant sa façon de penser, je réfléchissais l’œuvre à faire, c’est-à-dire ce que je pouvais créer comme moyen d’expression, alors qu’à la lecture de Spinoza, je me suis mis à réfléchir, beaucoup plus concrètement, c’est-à-dire directement sur le plan de ma propre vie affective, pour essayer de trouver comment passer de la passion à l’action. Or, dans le contexte de la mise en pratique de la philosophie de Spinoza, la logique de l’expression n’est plus la même, car l’œuvre et les actions humaines n’ont plus pour fonction d’exprimer un point de vue subjectif, mais bien ce qui suit de l’ordre de la nature à même la constitution de ce point de vue. Comprenant cette exigence, je suis donc passé d’un effort de création reposant sur l’exploration littéraire et imaginaire des agencements conceptuels dans l’œuvre de Deleuze, à l’effort de rationalisation des idées déduites par Spinoza. Ce changement d’habitude et d’attitude a son importance pour bien comprendre la démarche que j’ai privilégiée, car c’est par lui que s’explique le type d’analyse développée dans les Tentatives de compréhension des dix premières propositions de l’Éthique que vous allez lire. Il y a une énorme différence entre le fait de reprendre les idées de Spinoza pour les utiliser hors du contexte déductif de l’Éthique dans un processus de création et le fait de chercher à comprendre et à réfléchir en quoi et par quoi elles sont vraies. La différence est tout aussi notable entre produire un commentaire de l’Éthique qui consiste à décrire le système philosophique de Spinoza pour 1 «Il y a bien une philosophie de la «vie», écrit Deleuze, chez Spinoza : elle consiste précisément à dénoncer tout ce qui nous sépare de la vie, toutes ces valeurs transcendantes tournées contre la vie, liées aux conditions et aux illusions de notre conscience. La vie est empoisonnée par les catégories de Bien et de Mal, de faute et de mérite, de péché et de rachat. Ce qui empoisonne la vie, c’est la haine, y compris la haine retournée contre soi, la culpabilité. Spinoza suit pas à pas le terrible enchaînement des passions tristes : d’abord la tristesse elle-même, puis la haine, l’aversion, la moquerie, la crainte, le désespoir, le morsus conscientiae, la pitié, l’indignation, l’envie, l’humilité, le repentir, l’abjection, la honte, le regret, la colère, la vengeance, la cruauté… Son analyse va si loin que, jusque dans l’espoir, dans la sécurité, il sait retrouver cette graine de tristesse qui suffit à en faire des sentiments d’esclaves. La vraie cité propose aux citoyens l’amour de la liberté plutôt que l’espoir des récompense ou même la sécurité des biens; car «c’est aux esclaves, non aux hommes libres, qu’on donne des récompenses pour leur bonne conduite». Spinoza n’est pas de ceux qui pensent qu’une passion triste ait quelque chose de bon. Avant Nietzsche, il dénonce toutes les falsifications de la vie, toutes les valeurs au nom desquelles nous déprécions la vie : nous ne vivons pas, nous ne menons qu’un semblant de vie, nous ne songeons qu’à éviter de mourir, et toute notre vie est un culte de la mort.» (DELEUZE, Gilles, Spinoza Philosophie pratique, Paris, Minuit, 1981, P. 40.) ix reproduire sa structure logique ou l’image de son ontologie et savoir comment connaître la liberté de l’esprit à partir de la connaissance des affects.2 Cette exigence Deleuze la met en relief, il la perçoit et j’aurais même tendance à penser qu’il cherche à créer des œuvres qui peuvent se comprendre comme l’un de ses effets, mais je crois que ces effets sont médiatisés et traduis par sa propre conception de la philosophie qui considère le concept comme une sorte de chose qui s’actualise en soi, comme si les idées n’avaient pas à être distinguées entre celles qui proviennent de la raison, de l’imagination et de l’intuition que la pensée ressaisit comme attribut d’une substance, mais entre ce qui s’exprime comme désir de vie.3 En ce sens, l’actualisation des choses en devenir qui prennent forme sur ce qu’il nommera «le plan d’immanence», se fait sur un fond d’horizon ouvert à la création de concepts.4 Pour Deleuze, «Le plan d’immanence n’est pas un concept pensé ni pensable, mais l’image de la pensée, l’image qu’elle se donne de ce que signifie penser, faire usage de la pensée, s’orienter dans la pensée…» 5 Dans le spinozisme la pensée est chose 2 «Une idée adéquate en nous, écrit Deleuze, se définirait formellement comme une idée dont nous serions cause; elle serait cause matérielle et efficiente d’un sentiment; nous serions cause adéquate de ce sentiment lui-même; or un sentiment dont nous sommes cause adéquate est une action. C’est en ce sens que uploads/Philosophie/ spinoza.pdf

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