Correspondances en Onco-Théranostic - Vol. VI - n° 1 - janvier-février-mars 201

Correspondances en Onco-Théranostic - Vol. VI - n° 1 - janvier-février-mars 2017 17 d o s s i e r t h é m a t i q u e Prolifération et cycle cellulaire L’évaluation de Ki67 dans le cancer du sein : actualités Ki67 assessment in breast cancer: an update F. Penault-Llorca*,**,***, B. Bayol*,***, N. Radosevic-Robin*,** * Département d’anatomie et de cytologie pathologiques, centre Jean-Perrin, Clermont-Ferrand. ** Inserm U1240, université d’Auvergne, Clermont-Ferrand. *** Faculté de médecine, université d’Auvergne, Clermont-Ferrand. R É S U M É S u m m a r y » Bien que la détection immunohistochimique de l’antigène Ki67 soit utilisée depuis de nombreuses années pour évaluer la prolifération cellulaire dans les cancers, ce biomarqueur n’est toujours pas recommandé pour une utilisation en routine dans la prise en charge des cancers du sein. La principale explication de cette non- reconnaissance demeure l’absence de procédure standardisée applicable pour son emploi, ainsi que des interrogations persistantes concernant l’interprétation du marquage et l’intérêt clinique de ce biomarqueur. De nos jours, l’évaluation de Ki67 est principalement utilisée comme facteur pronostique permettant de guider la décision d’une thérapie adjuvante, mais également comme facteur prédictif de réponse au traitement néo-adjuvant dans le cancer du sein RE+/HER2–. Dans les cancers RE–/HER2+ et RE–/HER2–, un Ki67 élevé en post- néo-adjuvant est associé à un pronostic défavorable. Nous rapportons ici les paramètres infl uençant la validité analytique de l’immunodétection de Ki67, les éléments de preuve de son utilité clinique ainsi que les recommandations actuelles pour son utilisation dans la prise en charge du cancer du sein. Mots-clés : Cancer du sein – Ki67 – Immunohistochimie – Facteur pronostique – Facteur prédictif – Recommandations. Although immunohistochemical detection of the Ki67 antigen has been used for many years to assess cancer proliferation, this marker is still not recommended for routine use in clinical management of breast cancer. The major reason for this situation is the lack of a standardized procedure for Ki67 assessment as well as persistence of several issues of debate with regards to the Ki67 assay interpretation and the marker’s clinical utility. Nowadays Ki67 assessment is principally used for estimation of prognosis and guiding the decision on adjuvant treatment choice, as well as for prediction of response to neoadjuvant treatment in ER+/HER2– breast cancer. In ER–/ HER2+ and ER–/HER2– tumours, a high post-neoadjuvant Ki67 index is associated with an unfavourable prognosis. We review here the elements impacting analytical validity of the Ki67 immunohistochemical assay, the evidence of its clinical utility and the current recommendations for its use in breast cancer management. Keywords: Breast cancer – Ki67 – Immunohistochemistry – Prognosis – Prediction – Guidelines. K i67 est une protéine nucléaire non histone située dans le cortex nucléolaire. Elle est impliquée dans les premières étapes de la synthèse de l’ARN ribo- somal par l’enzyme ARN polymérase I. Cette protéine a été identifi ée pour la première fois par J. Gerdes et al., en 1983, dans une lignée cellulaire d’un lymphome de Hodgkin (1) . La molécule a été nommée Ki en référence à l’université de Kiel ; le nombre 67 était le numéro du clone de l’anticorps capable de la détecter. Le gène codant pour Ki67 (MKI67) est situé sur le chromosome 10 en position 10q25-ter et est constitué de 15 exons et de 14 introns. L’exon 13 comporte 16 répétitions d’un motif hautement conservé de 66 paires de bases , appelé le motif Ki67 (2) . Ki67 est exprimé dans le noyau pendant les phases G1, S, G2 et M du cycle cellulaire, mais non pendant la phase G0 (état de quiescence cellulaire). Durant l’interphase, la protéine Ki67 est localisée dans les fi bres denses du nucléole. Pendant la mitose, elle est associée à la périphérie des chromosomes condensés. L’expression de Ki67 varie tout au long du cycle cellulaire et atteint son niveau maximal pendant la mitose. Bien que sa fonction ne soit pas complètement élucidée, son rôle dans la division cellulaire et dans la synthèse de l’ARN ribosomal est clairement établi. L’expression de Ki67 est classiquement détectée par immunohistochimie (IHC) afi n d’évaluer la proliféra- tion cellulaire dans les tissus, et est rapportée sous forme d’un index Ki67 (souvent dénommé simplement “Ki67”). Celui-ci représente le pourcentage de cellules marquées au sein de la population étudiée (dans les cancers, il s’agit du pourcentage de cellules tumorales marquées). L’index Ki67 n’est pas parfaitement corrélé Correspondances en Onco-Théranostic - Vol. VI - n° 1 - janvier-février-mars 2017 18 d o s s i e r t h é m a t i q u e Prolifération et cycle cellulaire Figure 1. Marquage immunohistochimique pour le Ki67, utilisant le clone MIB-1 (Dako, × 40) . Toute intensité de marquage nucléaire indique une cellule Ki67 positive. Les fl èches noires montrent des noyaux marron clair positifs. à celui de l’histone H3 phosphorylée (PhH3) ni à l’in- dex mitotique (r = 0,79 et r = 0,83, respectivement), comme l’ont rapporté L.H. Lee et al. dans une série de cancers du sein (3) . Cela indique que PhH3 et Ki67 fournissent des informations biologiques distinctes et doivent ainsi être analysés séparément. PhH3 est une protéine nucléaire histone impliquée dans la conden- sation des chromosomes et dans la progression du cycle cellulaire durant la mitose et la méiose. Il s’agit d’un marqueur potentiel de l’activité mitotique, tandis que Ki67 doit être considéré comme un marqueur de l’activité proliférative. Validité analytique Le manque de standardisation des pratiques affecte la validité analytique du Ki67. Un groupe international de pathologistes, d’oncologues et de biologistes a examiné les données disponibles relatives à Ki67 en tant que biomarqueur du cancer du sein au stade précoce afin d’établir des recommandations (4) . Plusieurs clones d’anticorps, tels que MIB-1, MM-1, Ki-S5 et SP6, ont été testés pour la détection du Ki67 par technique d’IHC sur des coupes de tissus fixés au formol et inclus en paraffine (FFPE). L’anticorps le plus populaire et le plus largement utilisé est le clone MIB-1. Phase préanalytique Comme pour toute immunodétection, plusieurs para- mètres préanalytiques tels que le temps de fi xation, le type de fi xateur, la durée de fi xation et le stockage des lames comportant des coupes de tissus paraffi nés non colorés peuvent interférer dans la détection du Ki67 (4) . Les recommandations actuelles valables pour l’immuno- détection du récepteur aux estrogènes (RE) [8 à 72 heures de fi xation au formol neutre tamponné] (5) peuvent être appliquées pour la détection du Ki67. Heureusement, le Ki67 est l’un des biomarqueurs les plus robustes en IHC, présentant des marquages relativement constants sur des échantillons de tissus traités dans des conditions diff érentes (fi xation, conditions de prétraitement , pro- tocoles d’IHC). Phase analytique La phase analytique est assez classique. Il convient de noter que les protéases et les méthodes à faible pH pour la restauration antigénique doivent être évitées. Le résultat donne un marquage nucléaire. Une cellule est considérée positive quelle que soit l’intensité du marquage (fi gure 1) . Par conséquent, il est important d’avoir une contre-colo- ration optimale. En eff et, si celle-ci est faible, cela risque d’entraîner une surestimation de la mesure du Ki67. Phase postanalytique La phase postanalytique est la plus critique. La faible reproductibilité rapportée pour l’évaluation du Ki67 résulte principalement d’un manque de consensus concernant la zone tumorale à analyser : le front d’inva- sion tumoral e, la surface tumorale entière ou les zones de hot spots où l’activité proliférative est la plus élevée . Un groupe d’experts internationaux, l’International Ki67 in Breast Cancer Working Group, a défi ni des recomman- dations concernant le scoring du Ki67 (encadré) [4] . En résumé, le Ki67 peut être évalué soit sur des biopsies, soit sur des coupes tumorales entières. Au moins 3 champs au fort grandissement doivent être parcourus afi n d’ap- précier les diff érentes intensités de marquage présentes sur la surface d’intérêt. Le front d’invasion tumorale et les zones de hot spots doivent être inclus dans le score global (fi gure 2) . Le Ki67 représente le pourcentage de cellules marquées parmi le nombre total de cellules cancéreuses invasives dans la zone étudiée. L’ International Ki67 in Breast Cancer Working Group a conclu que l’évaluation de la prolifération cellulaire pré- sentait un intérêt dans la pratique clinique, notamment dans les essais cliniques. L’anticorps monoclonal MIB-1 est le plus largement répandu dans la littérature pour la détection par IHC du Ki67. Des eff orts de standardisation ont récemment été accomplis afi n d’améliorer la repro- Correspondances en Onco-Théranostic - Vol. VI - n° 1 - janvier-février-mars 2017 19 L’évaluation de Ki67 dans le cancer du sein : actualités Figure 2. Scoring du Ki67. A) Méthodologie pour les zones de hot spots : l’évaluation est eff ectuée dans la zone avec le plus grand nombre de noyaux positifs (cercles noirs). B) Trois champs au fort grandissement incluant une zone de hot spots. Au moins 3 champs au fort grandissement doivent être parcourus afi n d’apprécier les diff érentes intensités du marquage présentes sur l’ensemble de la surface d’intérêt. uploads/Philosophie/ ki-67.pdf

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