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REVUE Socles/VARIA ISSN 2335-1144, EISSN: 2588-2023 Volume 10, Numéro 1, année

REVUE Socles/VARIA ISSN 2335-1144, EISSN: 2588-2023 Volume 10, Numéro 1, année 2021, pages 274-303. * Auteur correspondant L’ar(t)gumentation : Qu’est-ce qu’une bonne argumentation publicitaire ? Sabrina Taguemout-Touel 1* 1Université M’Hamed Bougara, Boumerdès, Laboratoire LESMES/ s.taguemout@univ-boumerdes.dz Date de soumission 11-11-2020 date d’acceptation 3-7-2021 date de publication 18-7-2021 RESUME L’argumentation publicitaire se trouve au carrefour de deux paramètres qui lui sont indissociables : l’art et la rentabilité. Il s’agit d’un art car elle requière de la créativité et de l’originalité pour capter l’intérêt du consommateur. Elle doit, en même temps, veiller à ne pas perdre de vue l’objectif pour lequel elle a été conçue : provoquer l’action d’achat. L’objectif de cet article s’inscrit dans la continuité du questionnement posé par Olivier Reboul(2001) : « Qu’est-ce qu’une bonne argumentation ? ». Néanmoins, notre intérêt vire exclusivement sur l’argumentation publicitaire. A la fin de cet article, nous avons proposé d’autres critères d’évaluation d’une argumentation publicitaire tels que l’usage réfléchi des sens implicites et l’emploi d’un discours concis et attrayant. Mots –clés: argumentation publicitaire - persuasion - art- critères d’efficacité et d’honnêteté. L’art-gumentation : Qu’est-ce qu’une bonne argumentation publicitaire ? L’ar(t)gumentation : What is a good advertising reasoning? ABSTRACT The advertising argument is at the crossroads of two parameters which are inseparable from it: art and profitability. It is an art because it requires creativity and originality and punch to capture the interest of the audience. At the same time, it must take care not to lose sight of the objective for which it was designed: to provoke buying action. The objective of this article is in line with the questions posed by Olivier Reboul (2001): "What is a good argument? " However, our interest is exclusively focused on advertising arguments. At the end of this article, we proposed other criteria for evaluating an advertising argument such as the thoughtful use of the implicit senses and the use of concise and attractive speech. Keywords: advertising argument - persuasion - art - criteria- efficiency and honesty criteria. Sabrina Taguemout-Touel revue Socles 276 Introduction En marketing, la communication comprend toutes les informations et les messages que l’entreprise produit, qu’ils soient conscients ou involontaires, ces éléments détermineront l’image que les clients se feront des annonceurs. C’est ce qui explique la volonté de ces derniers de contrôler leur communication et veiller à véhiculer de bonnes images en faisant appel aux deux voies de la communication : à travers et hors médias. Le terme de publicité renferme toutes les formes de communication via les médias de masse. La publicité fait constamment recours à l’argumentation pour persuader1 l’autre. Mais la question que nous nous posons est la suivante : Qu’est- ce qu’une bonne argumentation publicitaire ? Cette interrogation s’inscrit dans la continuité du questionnement d’Olivier Reboul (2001) : « Qu’est-ce qu’une bonne argumentation ? ». Notre présente recherche se propose d’actualiser ce questionnement à l’ère des nouveaux procédés publicitaires et de présenter d’autres critères afin de pouvoir les appliquer à l’argumentation publicitaire. Cette actualisation s’impose compte tenu du développement des stratégies publicitaires actuelles engendrant les nouveaux procédés de dépublicitarisation2. Ces derniers sont nourris de 1 La persuasion fait recours aux sentiments et à l’affectivité alors que la conviction fait appel à la logique et à la rationalisation du destinataire. 2 La dépublicitarisation est un procédé publicitaire qui détourne la publicité de son objectif effectif (informer pour vendre) dans le but de faire L’art-gumentation : Qu’est-ce qu’une bonne argumentation publicitaire ? sens implicites et peuvent être interprétés de différentes manières. Notre objectif est de proposer des critères d’évaluation des argumentations publicitaires (majoritairement issus des nouveaux procédés de dépublicitarisation). Nous présenterons d’abord les critères proposés par Reboul, O (2001) pour ensuite exposer nos propres critères. Pour cela, nous avons, au début, visionné quatre-vingt-six publicités télévisuelles (algériennes et françaises) disponibles sur internet3. Nous avons décortiqué et analysé leurs contenus. Puis, nous nous sommes intéressé aux commentaires laissés par les internautes à ces publicités, et ce dans le but de relever toutes leurs impressions (ce qui les a émus, attirés, froissés ...). A l’issue de l’analyse des publicités et des commentaires laissés par les internautes, nous avons dressé de nouveaux critères de jugement des discours publicitaires en nous basant sur deux paramètres indissociables : l’efficacité et l’honnêteté. Outre les publicités audiovisuelles, les critères proposés sont également applicables à d’autres supports tels que les affiches publicitaires et les spots radiophoniques. Notre travail est centré exclusivement sur le discours publicitaire (qui fait partie de la communication audiovisuelle). Nous avons opté pour les publicités télévisuelles parce que ces oublier la dimension de sollicitation. Elle brouille le message publicitaire en passant par exemple par le divertissement ou le ludique. 3 Les publicités faisant partie de notre corpus sont toutes disponibles sur internet et le public peut y laisser ses appréciations, ce qui nous permet de mesurer leur effet sur les téléspectateurs. Sabrina Taguemout-Touel revue Socles 278 dernières conjuguent la bande image et la bande sonore dans leur composition, ce qui les rend plus attractives pour les téléspectateurs et requière moins d’effort de déchiffrement de leur part. 1. L’argumentation ; problèmes de définition et caractéristiques communicationnelles L’argumentation est un champ très vaste qui peut être appréhendé de différentes manières. Le domaine par lequel on le perçoit peut déterminer la conception que l’on en se fait. Peut-on donner une définition exhaustive à l’argumentation ? Nous pensons que non. Ce sujet a fait couler beaucoup d’encre divisant ainsi des chercheurs spécialisés en argumentation et les définitions des dictionnaires. C’est pour cela que la plupart des ouvrages portant sur l’argumentation débutent par un essai de définition. Avant de tenter de définir l’argumentation, il est important de noter que la nôtre s’inscrit du côté de celles qui ont été proposées par les chercheurs du domaine argumentatif tels que Perelman, et Tyteca, (2008), Plantin, (1996), Foulquié, (1962) et Amossy, (2016). A ce propos, Foulquié (1962) pense que : « toute argumentation est l’indice d’un doute car elle suppose qu’il y a lieu de préciser ou de renforcer l’accord sur une position déterminée, qui ne serait pas suffisamment claire ou ne s’imposerait pas avec une force suffisante » (Cité par Vignaux, 1998 : 03) ». Perelman et Olbrechts-Tyteca pensent qu’en L’art-gumentation : Qu’est-ce qu’une bonne argumentation publicitaire ? argumentation, le plus important n’est pas de présenter ce qui semble être logique pour l’orateur, mais ce qui pourrait l’être pour l’auditoire : « L’important, dans l’argumentation, n’est pas de savoir ce que l’orateur considère lui-même comme vrai ou comme probant, mais quel est l’avis de ceux auxquels elle s’adresse » (Perelman et Olbrechts-Tyteca, 2008 : 31). Plantin quant à lui, rallie le doute à la cohérence dans l’action argumentative, selon lui : « L’argumentateur déplie l’intuitif. Il articule une logique à un discours, dans une langue maîtrisée où s’exprime une pensée correcte, mais également séduisante, qui sait être sérieuse ou ironique, sans cesser d’être cohérente » (Plantin, 1996 : 15). Par cette prise de position, nous nous opposons aux définitions inhérentes à l’argumentation par la plupart des dictionnaires de langue qui la présentent comme un processus logique concordant à une même conclusion ; autrement dit, les dictionnaires présentent l’argumentation comme une succession d’arguments rationnels qui conduit à un résultat identique. Le dictionnaire Le Robert définit l’argumentation comme suit : « Ensemble d'arguments tendant à une même conclusion » (Dictionnaire Le Robert Dico en ligne, 2021). Nous estimons que ce qui est logique n’a pas besoin d’être argumenté puisqu’il ne va pas engendrer de divergence d’opinions. Bien au contraire, l’argumentation est requise en cas de doute ou de désaccord : « Le but de l’activité argumentative est la construction d’un consensus, la résolution des différences Sabrina Taguemout-Touel revue Socles 280 d’opinion. La dissonance est signe de manque ou d’erreur » (Plantin, 1996 : 19). En effet, une argumentation est nécessaire en cas de doute. Selon Adam : « Le discours argumentatif vise à intervenir sur les opinions, attitudes ou comportements d’un interlocuteur ou d’un auditoire en rendant crédible ou acceptable un énoncé » (Adam, 1992 : 116). Le discours argumentatif apparaît donc comme une solution pouvant aboutir à un accord commun, soit en changeant l’opinion de l’auditoire, en revoyant sa propre conception ou en modifiant ses schèmes argumentatifs pour avoir des résultats satisfaisants. 2. Qu’est-ce qu’une bonne argumentation ? Il ressort de ce que nous avons vu que l’argumentation est requise en cas de discordance ou de désaccord. D’ailleurs, son champ d’étude n’a pas fait exception à cette règle. Par exemple, pour retracer ses origines, les chercheurs sont divisés et n’arrivent pas à se mettre d’accord sur la période de parution de l’argumentation. Certains auteurs l’associent à l’antiquité grecque, d’autres à Aristote. Nous estimons, pour notre part, que l’argumentation a toujours existé car elle répond à un besoin de tout être humain : influencer ses semblables. Dans la sphère privée aussi, on fait continuellement recours à l’argumentation pour les choses les plus anodines : prouver que le chemin que nous empruntons est le meilleur ou pour inciter quelqu’un à tester un plat au restaurant. Mais la question que uploads/Philosophie/ l-x27-ar-t-gumentation-qu-x27-est-ce-qu-x27-une-bonne-argumentation-publicitaire.pdf