Langue française L'enseignement des langues de spécialité à des étudiants étran
Langue française L'enseignement des langues de spécialité à des étudiants étrangers Marie-Thérèse Gaultier, Jacques Masselin Citer ce document / Cite this document : Gaultier Marie-Thérèse, Masselin Jacques. L'enseignement des langues de spécialité à des étudiants étrangers. In: Langue française, n°17, 1973. Les vocabulaires techniques et scientifiques. pp. 112-123; doi : 10.3406/lfr.1973.5624 http://www.persee.fr/doc/lfr_0023-8368_1973_num_17_1_5624 Document généré le 13/06/2016 М.-Тн. Gaultier E.N.S Saint-Cloud et (C.R.E.D.I.F) et J. Masselin, Conseiller pédagogique (Chili). L'ENSEIGNEMENT DES LANGUES DE SPÉCIALITÉ A DES ÉTUDIANTS ÉTRANGERS 1. Langue courante et langue de spécialité : le point de vue du professeur. Sans chercher à revenir sur les caractères propres aux langues de spécialité, ni sur les liens qui les rattachent à la langue courante de la vie quotidienne \ peut-être pourrait-il être utile d'indiquer ici quelques faits qui intéressent plus particulièrement le professeur de français chargé d'enseigner une langue de spécialité à, des étudiants étrangers. Sans doute convient-il d'abord de noter, comme l'a fait M. Malm- berg 2, que la thèse de Saussure sur l'arbitraire du signe linguistique ne s'applique que partiellement aux langues de spécialité. Certes, celles-ci présentent dans l'ensemble une communauté de traits structuraux avec la langue courante, même si elles choisissent et organisent ces traits structuraux autrement que dans le langage ordinaire; mais elles renvoient à une substance sémantique spéciale, ignorée du non-spécialiste francophone, et connue du spécialiste dont la langue maternelle n'est pas le français. Alors que pour l'étudiant étranger l'apprentissage de la langue courante nécessite l'assimilation d'un autre système conceptuel lié à des conventions sociales arbitraires, l'apprentissage d'une langue de spécialité renvoie le plus souvent le spécialiste étranger à des concepts qui lui sont déjà familiers. Sans doute y a-t-il là un élément non négligeable qui facilite l'apprentissage. Cette « transparence » sémantique peut se doubler d'apparentes similitudes formelles au plan du lexique : on retrouve par exemple entre concave (français), concave (anglais), concavoja (espagnol) une identité sémantique et une ressemblance graphique que l'on ' 1. Cf. Gardiri, Orientations bibliographiques, A. Phal 4.1 et 4.3, A. Phal et J. L. Descamps, 4.2. 2. B. Malmberg, « Systèmes lexicaux et systèmes conceptuels », in Les Langues de spécialité. Analyse linguistique et recherche pédagogique. Actes du stage de Saint- Cloud, 23-30 novembre 1967, (Aidela), p. 90. 112 ne retrouve nullement entre maison, house, et casa; mais peut-être ne faut-il pas exagérer l'importance de cette ressemblance; toute langue de spécialité participe le plus souvent 3 du système phonologique et morphosyntaxique de la langue naturelle à laquelle elle se rattache, et l'impression d'identité morphologique que l'on pourrait éprouver en comparant les trois adjectifs ci-dessus dans des listes de mots isolés s'atténue dès qu'il s'agit — de les repérer dans un énoncé oral, — de les faire fonctionner soi-même dans un énoncé en langue étrangère. Il va sans dire que les liens du lexique avec la syntaxe entraînent, d'autre part, d'importantes différences entre le lexique de la langue maternelle et celui de la langue-cible, et cela d'autant plus que les langues de spécialité emploient une gamme très variée de moyens de dérivation et font au moins autant appel à la dérivation syntagmatique qu'à l'affîxa- tion. Que l'on compare, par exemple, agitateur stirring rod varilla de agitaciôn transformation quaternization transformaciôn en dérivé quaternaire en derivado cuaternario molécule en chaîne longue long chain molecule molecula de cadena larga Ces quelques exemples nous permettent de voir que l'identité des concepts de référence ne dispense nullement l'étudiant d'une étude fine des aspects morpho-syntaxiques de la langue-cible, et que l'étude d'une langue de spécialité nécessite en fait une bonne connaissance des structures fondamentales de la langue courante. L'apprentissage semble devoir être facilité aussi par le fait que, dans certains de ses aspects, la langue des sciences et des techniques présente une simplicité relative par rapport à la langue courante. A. Phal a noté en particulier 4 qu'elle se caractérise par une plus grande simplicité du système verbal, et cela pour deux raisons : — suppression de toute référence personnelle, d'où un passage de l'instance du discours courant (celle du « je-tu ») à l'instance du « il », l'emploi exclusif de pronoms « impersonnels » (on, nous représentant la globalité et non la pluralité), et la fréquence des constructions passives; — prépondérance accordée au point de vue aspectuel sur le point de vue temporel. Certes, ces caractères de la langue des sciences et des techniques impliquent une étude plus poussée des constructions passives et de la nominalisation que celle à laquelle doit procéder l'étudiant qui apprend la langue courante. En revanche, ils doivent permettre un gain de temps appréciable dans l'étude du système verbal. Si, à propos d'une spécialité 3. Il faut penser aux emprunts non intégrés dans le système de la langue, à certaines désinences du pluriel du type minimum-minima, etc. 4. Cf. Orientations bibliographiques, A. Phal, 4.1. 113 LANGUE FRANÇAISE, 17 8 donnée, on se borne à étudier la langue du texte écrit et de l'exposé soutenu, on peut pratiquement faire l'économie de l'étude de l'intonation affective et des registres de langue si importante dans l'apprentissage de la langue courante. Il ne s'agit pas de nier pour autant l'existence de plusieurs registres de langue pour une même spécialité. L'apprentissage de la langue médicale tirera un large parti du passage d'un registre à un autre (« jargon » des spécialistes, langue de la consultation, ton soutenu de la communication scientifique...). Mais ceci amène à s'interroger sur les publics à qui peut s'adresser l'enseignement des langues de spécialité, sur leurs besoins, et sur le contenu de l'enseignement qui doit leur être dispensé. 2. Publics, objectifs et contenus. Sans que l'on puisse prétendre ici traiter en détail cet aspect capital à nos yeux 5, il convient cependant de noter l'importance d'une étude attentive du public considéré et de ses besoins pour une détermination des objectifs, du contenu et des méthodes de l'enseignement qui devra lui être proposé. En effet, pour un public donné, plusieurs facteurs sont à considérer, en tenant compte de leurs relations réciproques : a) Cadre et conditions de l'apprentissage : s'agit-il d'enseigner la langue-cible dans un pays où on l'emploie journellement? Si on l'enseigne dans le pays d'origine de l'étudiant, s'agit-il en fait d'un enseignement intégré dans lequel la langue étrangère doit servir à l'étude d'une ou de plusieurs autres disciplines? L'étudiant n'a-t-il au contraire, en dehors de la classe, aucun contact avec la langue qu'il apprend en vue d'échanges ultérieurs avec des locuteurs francophones, ou simplement pour être capable de lire une documentation écrite en français? L'apprentissage de la langue-cible s'effectuera-t-il individuellement ou en groupe, et dans ce cas le groupe considéré sera-t-il composé de membres parlant la même langue maternelle ou non? Le cours de langue de spécialité est-il exten- sif et s'intègre-t-il dans un curriculum scolaire /universitaire? S'agit-il au contraire d'un cours intensif du type pré-stage linguistique? b) Catégories de publics : a-t-on affaire à des étudiants pour qui la langue-cible constitue un moyen d'accès à la discipline qu'ils veulent étudier? S'agit-il au contraire de spécialistes déjà formés pour qui cette langue représente la clef d'une documentation écrite concernant des recherches en cours ou des innovations dans le domaine de leur spécialité? de spécialistes que des relations commerciales ou techniques avec des firmes françaises amènent à l'emploi de notre langue? Veut-on, enfin, former des traducteurs ou des interprètes spécialisés? c) Niveau des connaissances linguistiques et fondamentales : les étu- 5, Cf. Orientations bibliographiques, M.-Th. Gaultier, 6.2. 114 diants auxquels on s'adresse ignorent-ils complètement la langue-cible? En ont-ils déjà une connaissance partielle et passive qu'il faut réactiver? Ont-ils déjà une bonne connaissance de la langue fondamentale, et ne s'agit-il que de les familiariser avec les tours de syntaxe (en nombre limité) et le lexique propres à leur spécialité? D'autre part, à quel genre de « spécialistes » a-t-on affaire? A-t-on en face de soi des étudiants de l'enseignement secondaire, général ou technique? des étudiants d'université? Ces derniers en sont-ils au stade de leur première année d'études ou affrontent-ils la rédaction d'un mémoire de fin d'études, d'une thèse? S'adresse-t-on à des adultes déjà engagés dans l'exercice d'une activité professionnelle? Quelle est leur qualification? Quelle a été leur formation? L'état des connaissances fondamentales du public dans sa propre langue conditionne étroitement le choix des documents pédagogiques à utiliser, l'ordre des priorités dans l'enseignement du lexique à étudier, les programmes et les méthodes à adopter. d) Les objectifs visés doivent aussi être pondérés avec soin. Ces objectifs tiennent pour une part à la spécialité concernée qui peut être assez large et n'user que d'une langue d'une technicité limitée, ou qui peut au contraire être plus étroite et utiliser une langue, en particulier un lexique, beaucoup plus spécifiques. Que l'on pense, pour fixer les idées, d'une part à un cours destiné à des étudiants de première année de médecine, et, d'autre part, à un cours destiné à des spécialistes de néphro-urologie. Mais ce sont sans doute les données proprement linguistiques du problème qui retiendront le plus l'attention du professeur : en fin de compte, quel usage l'étudiant aura-t-il à faire de la langue de spécialité uploads/Philosophie/ l-x27-enseignement-des-langues-de-specialite-a-des-etudiants-etrangers.pdf
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- Publié le Fev 14, 2021
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