Al Farabi Philosophie, religion, poésie Ali Benmakhlouf PID_00159016 © FUOC • P

Al Farabi Philosophie, religion, poésie Ali Benmakhlouf PID_00159016 © FUOC • PID_00159016 Al Farabi Aucune partie de cette publication - design général et couverture compris - ne peut être copiée, reproduite, stockée ou transmise par quelque procédé que ce soit, aussi bien électrique que chimique, mécanique, optique, de gravure, de photocopie ou par d'autres moyens, sans l'autorisation écrite des titulaires du copyright. © FUOC • PID_00159016 Al Farabi Sommaire 1. Repères biographiques...................................................................... 5 2. Le milieu intellectuel à Bagdad du temps d'Al Farabi............. 6 3. La tradition logique arabe.............................................................. 8 4. Contexte culturel et philosophique.............................................. 10 5. Les nuits philosophiques.................................................................. 14 6. Le paradigme théorétique : cosmologie, politique, épopée..... 17 7. Le néoplatonisme............................................................................... 22 8. Transmettre dans la cité.................................................................. 24 9. Législation et jurisprudence........................................................... 25 10. Connaissance et mode de vie.......................................................... 28 11. Ordre du monde et ordre du discours.......................................... 29 © FUOC • PID_00159016 5 Al Farabi 1. Repères biographiques Al Farabi (870-950) est le « second maître » après Aristote. On sait peu de choses de son enfance : originaire de Fârâb, en Asie Centrale, il a appris l'arabe à Bagdad auprès du grammairien Abû Bakr al Sarrâj (875-928). Il a eu comme maître en logique et en philosophie le chrétien nestorien Abû Bishr Matta ibn Yûnus (m. 940), fondateur de l'école chrétienne des études aristotéliciennes à Bagdad. Il termina ses jours à la cour de Sayf Al Dawla (918-967), le gouverneur chi'ite imamite d'Alep, après avoir été contraint de quitter Bagdad en 942 suite aux multiples troubles politiques que connut la capitale abbasside. Dans la Philoso- phie de Platon, il souligne combien le philosophe vivant dans une cité corrom- pue ou, plus généralement, dans une cité non gouvernée par le philosophe- imam, est en « grave danger ». Dans Le Livre de la religion, Al Farabi a recours à l'image du monstre, de l'être hybride, pour rendre compte de la présence de l'homme vertueux dans une cité corrompue : « Cet homme est alors dans cette cité une partie qui lui est étrangère, à la façon de ce qui se passerait si un animal donné avait, par exemple, une patte qui est la patte d'un animal d'une autre espèce [...] et pour cette raison les vertueux, qui ont été poussés à habiter les cités ignorantes en l'absence des cités vertueuses, ont besoin de s'exiler vers la cité vertueuse, si le hasard fait qu'elle existe en un temps donné ». Référence bibliographique Le texte de ce module a été publié dans l'introduction de Ali Benmakhlouf à l'ouvrage de Al Farabi (2007). Philoso- pher à Bagdad au Xe siècle. Pa- ris : Éd. du Seuil, Coll. Points Référence bibliographique Al Farabi (2000). La Philo- sophie de Platon, ses parties, l'ordre de ses parties du com- mencement jusqu'à la fin, trad. Française dans « Philoso- phie », sept. 2000 (p. 63). Référence bibliographique Al Farabi (2000). Le Livre de la religion. Selon Ibn Khallikan (1230-1303), Al Farabi aurait lu le De Anima d'Aristote deux cents fois et la Physique quarante fois. Le turc est sa langue maternelle et l'arabe est la langue dans laquelle il a déployé sa pensée. Référence bibliographique Ibn Khallikan (1971). Wi- fâyat al a'yân wa anbâ' ib- nâ' al zamân, édition de Ih- sân 'abbas Dar al taqâfa. Bey- routh: éd. Ihsan `Abbâs. © FUOC • PID_00159016 6 Al Farabi 2. Le milieu intellectuel à Bagdad du temps d'Al Farabi Appelée aussi madînat al salam « ville de paix », Bagdad prend sa configura- tion actuelle dès le Xe siècle, siècle durant lequel, pour éviter les crues, elle se déplace vers la rive gauche. Dès le VIIIe siècle, les deux rives sont reliées par trois ponts à bateaux. La période durant laquelle vit Al Farabi connaît de grands troubles politiques. Entre 847 et 945, six califes sont suppliciés et assassinés et deux autres sont démis par la force et torturés. Qâhir (932-934) a les yeux crevés et le même supplice est infligé à Al-Mustafî (902-908) et à Al-Muttakî (940-944). Cette déchéance pouvait aller jusqu'au changement radical de statut : selon Miska- wayh, le statut de mendiant est réservé à Qâhir. Ce calife devenu mendiant, attendait les fidèles à l'entrée des mosquées. La forte sédition de 934 limite le pouvoir du calife, qui n'a alors plus d'autorité que sur Bagdad et sa banlieue. Durant la première partie du Xe siècle, « Bagdad voit arriver une nouvelle tradition philosophique issue de la tradition de l'école d'Alexandrie et orien- tée vers l'étude et le commentaire du corpus aristotélicien » (Mahdi1). Al Fa- rabi appartient à cette tradition philosophique qui existait à Alexandrie au Ve et VIe siècles. Simplicius (m. 533), Damascius (m. 553) et Porphyre (m. après 301) sont les néo-platoniciens qui ont tout fait pour supprimer les di- vergences entre Platon et Aristote. Al Farabi retient d'eux la nécessité de créer une harmonie entre les deux philosophes. L'un dit que l'on connaît par rémi- niscence, l'autre en partant des substances individuelles, mais à y regarder de plus près, on se rend compte qu'à observer indéfiniment les substances parti- culières comme nous le recommande Aristote, naît en nous, sans que nous en prenions conscience, l'universel ; de plus, Aristote dit explicitement dans les Seconds Analytiques qu'une connaissance suppose toujours quelque chose de préexistant. N'est-ce pas ce que Platon veut dire en rapportant les universaux à un monde hors de nous ? (1)Muhsin Mahdi (1970). « Lan- guage and Logic in classical Is- lam », in Logic in classical islamic culture, edited by G. E. Grunbaum. Wiesbaden : Otto Harrassowitz (p. 53). Al Farabi appartient à la seconde génération des philosophes, la première étant celle de philosophes comme Al Kindî (m. 866). Jean Jolivet2 note non seule- ment « qu'Al Farabi a consacré apparemment plus de temps qu'al Kindi à élu- cider plus de textes proprement et rigoureusement philosophiques », mais que celui-ci « ne semble jamais très loin de la référence religieuse, tandis que les traités d'Al Farabi rendent un son plus profane, plus laïc ». Dans un ouvrage perdu, De la naissance de la philosophie, dont il ne reste que des fragments, Al (2)Jean Jolivet. « La pensée philoso- phique sans ses rapports avec l'Is- lam jusqu'à Avicenne » in L'islam, la philosophie et les sciences (pp. 46 et 47). (3)Muhsin Mahdi (2000). La cité vertueuse d'Al Farabi. Paris : Albin Michel (p. 77). © FUOC • PID_00159016 7 Al Farabi Farabi « décrit le déplacement de cette école d'Alexandrie à Antioche, à Harrân, puis, plus à l'est, en Iran et enfin à Bagdad » (Mahdi3). De même, pour lui, la philosophie a été transmise aux Arabes à partir du langage grec, puis syriaque. © FUOC • PID_00159016 8 Al Farabi 3. La tradition logique arabe Plus particulièrement, c'est le corpus logique qui fut mis à l'honneur. Al Farabi « est le premier musulman à étudier les Analytiques Postérieurs » (Mahdi4). Il proposera des commentaires5, sous forme d'abrégés, de commentaires moyens et de grands commentaires, de chacune des œuvres qui composent l'Organon d'Aristote, intégrant à celui-ci la Rhétorique et la Poétique, considérées comme des parties de la logique (Black6). Suivant Aristote plus que Platon dans cette intégration, il prend en considéra- tion le « vaste capital argumentatif et discursif qui comprend non seulement les démonstrations des mathématiciens et les joutes dialectiques des philo- sophes, mais aussi les discours des orateurs politiques et judiciaires, aussi bien que les œuvres littéraires des historiens et des poètes » (Brunschwig). Le Livre de la religion que nous présentons ici est le reflet de ce vaste intérêt qui coupe court à une conception « épistémocentrique » où Rhétorique et Poétique sont dévaluées au profit des Seconds Analytiques. Nous nous sommes habitués, il est vrai, à réduire l'Organon d'Aristote aux traités relatifs aux opérations lo- giques comme la conception, le jugement, la définition, la démonstration, sans penser que l'activité poïétique de création des images ou la poursuite de la persuasion rhétorique sont elles aussi des activités logiques. Al Farabi pense au contraire qu'il y a non seulement une continuité entre ces diverses activi- tés, mais aussi une intégration des dernières aux premières. A-t-il simplement suivi les philosophes alexandrins ou s'est-il convaincu lui-même de l'intérêt logique￿de￿la￿poétique￿et￿de￿la￿rhétorique ? Les analyses divergent à ce su- jet. F. W. Zimmerman, qui a édité le Grand Commentaire d'Al Farabi sur le De Interpretatione, indique dans son introduction : « [...] même l'inclusion hautement excentrique de la Rhétorique et de la Poétique au canon logique n'a pas dévié le chemin des philosophes de Bagdad. Al Farabi par￿devoir a écrit un commentaire sur la Rhétorique et son contemporain Abû Bishr Matta a traduit (mal) la Poétique en arabe. » F. W. Zimmermann (1981). Al Fârâbî's Commentary and Short Treatise on Aristotle's De Interpretatione. London : Oxford University Press (p. XXIII). En revanche, Deborah Black, qui a réservé un traitement particulier à la ques- tion, donne de nombreux arguments pour montrer qu'il n'y a pas là de « de- voir » prescrit au commentateur, mais bien un souci stratégique d'élargir le canon uploads/Philosophie/ la-pensee-classique-arabe-module16-al-farabi.pdf

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