ÉVEIL AUX LANGUES ET AUX CULTURES À L'ÉCOLE : UNE DÉMARCHE INTÉGRÉE AVEC UN TRI
ÉVEIL AUX LANGUES ET AUX CULTURES À L'ÉCOLE : UNE DÉMARCHE INTÉGRÉE AVEC UN TRIPLE OBJECTIF COGNITIF, AFFECTIF ET SOCIAL Chantal Dompmartin-Normand La Pensée sauvage | « L'Autre » 2011/2 Volume 12 | pages 162 à 168 ISSN 1626-5378 ISBN 9782859192747 DOI 10.3917/lautr.035.0162 Article disponible en ligne à l'adresse : -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- https://www.cairn.info/revue-l-autre-2011-2-page-162.htm -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Distribution électronique Cairn.info pour La Pensée sauvage. © La Pensée sauvage. Tous droits réservés pour tous pays. La reproduction ou représentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorisée que dans les limites des conditions générales d'utilisation du site ou, le cas échéant, des conditions générales de la licence souscrite par votre établissement. 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Ces approches sont l’objet d’expérimentations et d’analyses depuis quelques décennies par les chercheurs en didactique des langues et sociolinguistique. Nous baliserons ra- pidement sur le plan épistémologique et terminologique le champ de réflexion qui les accueille et les porte, avant de revenir sur les objectifs de ces démarches plurilingues à l’école et d’effleurer les liens et correspondances entrevus avec le champ clinique de l’eth- nopsychiatrie. Les traces du changement de paradigme amorcé Alors qu’ils sont largement usités dans la société, les qualifiants « maternelle » ou « étrangère » pour les langues sont remis en question chez les sociolinguistes et didacticiens. En effet, ces catégorisations traditionnelles des langues semblent caduques en raison de la complexité des configurations sociales et linguistiques actuelles, dont certaines ne sont d’ailleurs pas nouvelles. Langue maternelle par exemple cesse d’être un label pertinent si on considère que la première langue de socialisation familiale peut être celle du père dans le cas de couples mixtes ou en- core la langue véhiculaire du pays, parfois ni première du père ni première de la mère, ou la langue dominante du pays d’adoption en cas de migration: on préfère donc parler de langue(s) première(s) de socialisation. De même, on utilise le vo- cable langue de l’école pour éviter d’induire que celle-ci est la même que celle(s) utilisée(s) à la maison, ce qui est vrai quelquefois, mais faux souvent à l’échelle du monde, géographiquement et historiquement, et peut-être de plus en plus faux compte tenu de l’intensification des mouvements migratoires dans notre monde contemporain. D’autres éléments du paradigme des langues ont bougé au cours des dernières décennies, qui permettent de penser différemment, dans ce courant de recherche, le rapport aux langues dans le champ social et scolaire en particulier. La description du plurilinguisme et l’appréhension des répertoires pluriels des individus dans leur dynamisme et leur mouvance prendrait le pas sur le désir de mesure d’un bi (pluri) linguisme. La mise en relation des ressources plurielles, partielles et composites du répertoire des sujets supplanterait la mesure des com- pétences et a fortiori des performances. Les compétences seraient en tout cas vues comme nécessairement partielles et inachevées, y compris pour les langues pre- mières. La compétence de réception (de compréhension) d’une langue par voie de conséquence pourrait être valorisée indépendamment des autres et sortie de l’ombre où elle est souvent reléguée. On ne s’autorise en effet pas à dire que l’on « parle une langue » seulement si on la comprend et on s’excuse même la plupart Éveil aux langues et aux cultures à l'école : une démarche intégrée avec un triple objectif cognitif, affectif et social Chantal DoMPMartin- norManD Université Stendhal, Grenoble Chantal Dompmartin-Normand est sociolinguiste dans le labo- ratoire Lidilem (Linguistique et didactique des langues étrangè- res et maternelles) à l’université Stendhal de Grenoble, BP 25 X, 38040 Grenoble Cedex 9. So- ciolinguiste, impliquée dans la description de pratiques langa- gières dans différents contextes de vie (école, université, fa- milles, lieux professionnels…) marqués de mobilités culturelles et sociales, elle travaille à l'opti- misation des apprentissages lin- guistiques au moyen de dispositifs privilégiant le déve- loppement des sujets. E-mail : chdomp.normand@free.fr © La Pensée sauvage | Téléchargé le 13/09/2021 sur www.cairn.info via Haute école Charlemagne (IP: 193.190.64.202) © La Pensée sauvage | Téléchargé le 13/09/2021 sur www.cairn.info via Haute école Charlemagne (IP: 193.190.64.202) 163 DOSSIER du temps de cette incomplétude, vécue et exprimée en creux, comme un déficit alors que son utilité devrait être perçue. Avec ce changement de paradigme, tom- bent naturellement d’autres notions ou étiquettes de concepts. Le bilinguisme harmonieux cesse d’être un objectif per se, de même que la maîtrise de la langue et surtout la maîtrise parfaite. Ces termes semblent non-opératoires, dans l’op- tique que nous choisissons. Invalidants plutôt qu’émancipants dans des choix éducatifs qui veulent considérer le sujet apprenant comme un acteur de sa propre vie et éviter que le langage réduise le champ des possibles. eVL à l’école: pourquoi et pour quoi faire? Pour la langue de l’école, ex-langue maternelle donc, ici le français, l’enseignement s’est traditionnellement appuyé et s’appuie encore sur une approche grammaticale et stylis- tique afin de conduire les élèves à une utilisation de la lan- gue selon des normes. L’enseignement des langues vivantes dites étrangères s’ancre, lui, plus du côté communicatif avec un moindre investissement du côté grammaire, même si c’est un développement récent. Néanmoins, ces deux champs d’apprentissage langagier sont dans la plupart des cas cloisonnés. Et il n’est pas fait à l’école une place suffi- sante à une réflexion transversale et à des connaissances ex- plicites sur le langage en général – comment il fonctionne et quel rôle il joue dans la vie des locuteurs. Ce n’est pas avant l’enseignement supérieur (à l’exception de la philoso- phie en terminale peut-être), si l’on commence des études de psychologie, de sociologie ou de sciences du langage, que l’on commence à interroger de façon critique « ce que parler veut dire ». Les démarches d’éveil aux langues précisément sont basées sur « la conviction qu’il est possible et même souhaitable de placer les enfants dès l’école primaire en contact raisonné avec le monde du langage dans sa diversité et ses fonctions » (Dabène 2003 : 2) en développant une réflexion métalin- guistique. Elles sont vues comme un appui aux apprentis- sages langagiers en général, un apport transversal, une matière-pont: à la fois propédeutique à l’apprentissage des langues étrangères prévues au curriculum, accompagne- ment de l’acquisition de la littératie – autrement dit des ha- biletés langagières orales et écrites dans la langue de l’école, et outil de développement des enfants dans le groupe social qui est le leur. Déjà se dessinent les trois axes majeurs sur lesquels se déclinent les différents objectifs. Le premier est l’axe cognitif: les savoirs et les savoir-faire, la compétence et la performance sont les objets traditionnels de l’école et le restent, même dans un paradigme modifié, car la demande sociale est attestée et légitime. Le deuxième est l’axe affectif: le développement et l’émancipation des sujets sont aussi un ob- jectif, décrit et revendiqué par les acteurs du scolaire de façon variable, mais néan- moins prégnante. Puis vient l’axe social: l’inclusion, le rapport au groupe, le rapport à la différence et l’éducation au vivre ensemble. Ces axes sont bien sûr indissociables, formant en définitive un seul objet dans le champ de l’éducation. Si le premier axe se propose de travailler sur les aptitudes, les deux suivants visent © La Pensée sauvage | Téléchargé le 13/09/2021 sur www.cairn.info via Haute école Charlemagne (IP: 193.190.64.202) © La Pensée sauvage | Téléchargé le 13/09/2021 sur www.cairn.info via Haute école Charlemagne (IP: 193.190.64.202) 164 L’ENFANT PLURILINGUE À L’ÉCOLE DOSSIER au travail sur les attitudes et représentations qui en toute hypothèse ont une in- cidence sur les apprentissages, dans des phénomènes de récursivité indiscutables. Mais d’où vient l’Éveil aux langues? Dès les années 1970, en Australie, on imagine de présenter différentes langues aux enfants en utilisant l’expression awareness of langage. C’est un pays qui vit alors une immigration accentuée depuis la Seconde Guerre mondiale après une période de politique éducative très assimilationniste, très English only1. Les so- ciétés où cette didactique se développe sont, d’une manière générale, des sociétés où le multiculturalisme s’accentue, où se côtoient une langue officielle nationale, majorée, occupant l’espace social et scolaire de façon dominante, voire exclusive, et des langues d’immigration minorées. Au Royaume-Uni, on constate (Rapport Bullock 1975) que l’acquisition de la langue anglaise par les élèves à l’issue de la scolarité est déficiente. Qu’ils soient natifs ou issus de la migration récente venue des ex-colonies, on constate uploads/Philosophie/ lautr-035-0162.pdf
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- Publié le Aoû 02, 2022
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