Le Comte est bon Michel Bourdeau To cite this version: Michel Bourdeau. Le Comt
Le Comte est bon Michel Bourdeau To cite this version: Michel Bourdeau. Le Comte est bon. Cahiers de L’Herne, 2017, Michel Houellebecq. <halshs- 01402847> HAL Id: halshs-01402847 https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-01402847 Submitted on 25 Nov 2016 HAL is a multi-disciplinary open access archive for the deposit and dissemination of sci- entific research documents, whether they are pub- lished or not. The documents may come from teaching and research institutions in France or abroad, or from public or private research centers. L’archive ouverte pluridisciplinaire HAL, est destin´ ee au d´ epˆ ot et ` a la diffusion de documents scientifiques de niveau recherche, publi´ es ou non, ´ emanant des ´ etablissements d’enseignement et de recherche fran¸ cais ou ´ etrangers, des laboratoires publics ou priv´ es. 1 Le Comte est bon. Michel Bourdeau, IHPST (CNRS-PARIS1-ENS) Dans Saint-Simon, Comte, Fourier et les autres, ce n’était pas tant la qualité des raisonnements que l’ampleur des rêveries et l’acharnement vers une même direction qui soutenaient cette jeune fille. M. Barrès, L’ennemi des lois (1892). Le lecteur des particules élémentaires ne peut manquer d’être frappé par la forte présence de Comte dans le roman. Le fait est d’autant plus notable que le nom du fondateur du positivisme nous parvient le plus souvent précédé d’une réputation peu flatteuse. Qu’est-ce qui a pu conduire Houellebecq à s’intéresser à ce point à un auteur aujourd’hui largement déconsidéré ? La question a déjà été posée1, mais il a semblé opportun de la reprendre. Pour ce faire, les pages qui suivent commenceront par recenser les passages où Comte apparaît dans l’œuvre du romancier. Une première approche rappellera ensuite quelques traits communs aux deux hommes, qui leur ont fourni comme un terrain d’entente. Tout cela pour s’arrêter plus longuement sur les deux points qui semblent avoir le plus retenu l’attention de Houellebecq : le premier, « c’est qu’on est dans ce qu’il appelle l’âge métaphysique, qu’il caractérise par une tendance à argumenter au lieu d’observer : cet âge, ne peut, selon lui, que détruire. La seconde idée, plus simple, est qu’une société ne peut vivre sans une religion quelconque » (2011 p. 20) Le corpus. Les références à Comte dans Les particules élémentaires (1998) sont d’autant plus remarquables querien, dans les oeuvres précédentes, ne les laissait prévoir. Ce sont d’abord deux citations qui servent d’exergue : la première, et la plus longue, extraite de la 48e leçon du Cours de philosophie positive (1840), se trouve au chapitre 12 de la première partie (p. 68) ; la seconde, extraite cette fois de l’Appel aux conservateurs (1855), au chapitre de le seconde partie intitulé Julian et Aldous (p. 155). Dans le récit proprement dit, Comte n’apparaît qu’assez tard, au moment de la mort de Jane, la mère des deux demi-frères. Contre les hippies, Michel rappelle que, comme l’avait bien vu Comte, la religion est une activité purement sociale ; à quoi Bruno lui rétorque « Auguste Comte toi-même ! » (257-58). Plus tard, en 2004-2007 à Clifden, Djerzinski « évoquait souvent Auguste Comte, en particulier les lettres à Clotilde de Vaux et la Synthèse subjective » (298). Puis c’est du positivisme en général qu’il est question, Hubczejak tentant « une curieuse synthèse entre le positivisme logique du Cercle de Vienne et le positivisme religieux de Comte » (310). Le héros de Plateforme (2001) lit lui aussi le Cours : « j’aimais ce texte ennuyeux et dense ; souvent je lisais la même page trois ou quatre fois de suite » (186), — en quoi il ne faisait que se conformer aux règles fixées ailleurs par Houellebecq : « un 1 G. Chabert : « Michel Houellebecq – lecteur d’Auguste Comte », Revue Romane, 37-2, 2002, p. 188- 204; V. Aurorra : « La mesure de l’homme : le positivisme d’Auguste Comte et la mécanique quantique dans Les Particules Elémentaires de Michel Houellebecq », Versants 43 (2003), p.163- 185 ;E. Sartori : « Michel Houellebecq, romancier positiviste », C.R.I.N, vol. 43, n° 1 (juin 2004), p. 143-151. 2 livre en effet ne peut être apprécié que lentement […] il n’y a pas de lecture sans arrêt, sans retour en arrière, sans relecture » (RV 51). Mais si, à Cuba, il feuillette encore le Discours sur l’esprit positif (1844), c’est qu’il n’a pas d’autre livre sous la main, etdes biographies de prostituées auraient mieux répondu aux questions qu’il se posait (242). Peu étonnant alors qu’un peu plus loin il confie « je ne lisais plus tellement Comte » (308). Le roman contient encore deux citations. L’une, insérée sans plus d’explication dans le récit, insiste sur ce qui distingue la société familiale ou domestique de la société politique (190). L’autre, qui figure en exergue au chapitre 15 de la deuxième partie, corrige les dérives possibles de la prépondérance accordée sur le tard par Comte à l’affectivité et explique qu’en politique, le pouvoir spirituel n’est jamais qu’un pouvoir modérateur, le dernier mot revenant toujours au pouvoir temporel (327). Hormis une citation en exergue au récit de Daniel 1, 22 (p. 354)rien dans La possibilité d’une île(2007), pas plus d’ailleurs que dans Soumission (2015). Entre temps, dans La carte et le territoire (2010), Comte est un des réformateurs sociaux qui figurent dans la bibliothèque de Michel Houellebecq, quand Jed Martins vient lui rendre visite dans sa maison du val de Loire ( ?). Si Comte a ainsi pratiquement disparu des romans depuis une quinzaine d’années, il est encore souvent question de lui ailleurs dans l’œuvre. Dans les Préliminaires au positivisme (2003), qui lui sont tout entier consacrés, bien sûr, mais aussi par exemple dans Ennemis publics (2008), dans Apologie de l'action lente (2009)ou encore dans Leur xix siècle (2011, p. )2. Un terreau commun. Un intérêt aussi manifeste et aussi constant s’explique par plusieurs raisons. Tout d’abord, celui pour qui « la littérature est, profondément, un art conceptuel » (RV 51) n’est pas seulement un écrivain, c’est aussi un intellectuel, comme Barrès ou Sartre. Mais, à la différence de ces derniers, ce n’est pas, pour employer d’autres catégories, un littéraire mais un scientifique. Comme Comte, il a reçu une formation d’ingénieur et dans ses romans il n’hésite pas à aborder des sujets ardus, comme la physique quantique ou la biologie moléculaire. Aussi est-il sensible au caractère encyclopédique du positivisme, « la seule théorie philosophique […] donnant une idée exacte de l'importance relative de la science, de la religion, de l'économie, de la politique, des arts... dans l'évolution des sociétés humaines. Il peut donc nous apporter beaucoup. En fait, on n'a guère avancé sur ces sujets depuis Comte ». (http://www.lexpress.fr/culture/livre/michel-houellebecq_797895.html). En second lieu, les deux hommes partagent un même regard critique sur la société contemporaine3 ; ils sont comme viscéralement hostiles au libéralisme, qui détruit le lien social et engendre l’individualisme, avec son cortège de misères. Comte n’ayant 2Cet inventaire n’est bien sûr pas exhaustif. Il y a encore ça et là de brèves allusions, comme par exemple dans Lanzarote p. ‘le fondateur du positivisme », aux côtés de Popper sur sa supposée critique de l’historicisme (73 ?)…], sans compter les nombreux entretiens donnés à des journaux ou des hebdomadaires et accessibles sur l’Internet. 3 Houellebecq n’est pas le seul à avoir remarqué la pertinence du jugement que Comte porte sur ce qu’il appelle la maladie occidentale ; voir par exemple D. Lecourt : « on est frappé de l’acuité de son diagnostic sur l’état des sociétés contemporaines » (L’égoïsme, Faut-il vraiment penser aux autres ? Editions autrement, 2015 p. 87); ou encore M. Serre : « le positivisme se révèle faible au point où on le croit fort, c’est-à-dire justement la science ou l’histoire, et profond aux lieux où tout le monde le condamne, savoir sur la religion » Éléments d’histoire des sciences, Bordas, 357. 3 rien d’un provocateur, cette attitude résolument antimoderne est certainement pour beaucoup dans l’omerta qui pèse sur son œuvre : « Tout, dans [sa] pensée politique et morale […] semble fait pour exaspérer le lecteur contemporain » (prél. 5). En troisième lieu, Houellebecq éprouve une réelle sympathie, plus profonde mais moins manifeste, pour le « positivisme complet » de ceux qui avaient accepté de suivre l’auteur du Cours dans son tournant religieux et reconnaissaient « la prépondérance continue du cœur ». La place occupée par la sexualité dans l’œuvre tend à faire oublier l’existence d’un fort fond romantique chez Houellebecq. Plateforme, a-t-il dû rappeler, est d’abord un roman d’amour. Parmi les écrits de Comte qu’évoquait Djerzinski, les lettres à Clotilde sont mentionnées en premier et des personnages comme Isabelle, dans Les particules élémentaires, ou Suzanne, dont « [l]a nature était d’aimer, comme la vache de paître » dans La possibilité d’une île (315), témoignent d’une tendance à idéaliser « le sexe affectif », omniprésente chez Comte après 1848. Enfin, sans que ce soit jamais clairement dit, il est permis de penser qu’il existe une affinité secrète entre celui qui affirmait « la structure est le seul moyen d’échapper au suicide » (RV 15) et celui qui en 1827 s’était jeté dans la Seine depuis le uploads/Philosophie/ le-comte-est-bon-cahiers-de-l-herne-2017 1 .pdf
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