INTENTION gr. noêma [nÒhma] ar. ma‘na ¯ [ ], ma‘qu ¯ l [ ] lat. intentio all. i
INTENTION gr. noêma [nÒhma] ar. ma‘na ¯ [ ], ma‘qu ¯ l [ ] lat. intentio all. intention, übersinnliches Erkenntnisbild, Vorstellung der Vernunft, Begriff angl. intention it. intenzione c ÂME, CONCEPT, CONSCIENCE, DASEIN, EPOKHÊ, ERLEBEN, FORME, IMAGE, LOGOS, OBJET, PHÉNOMÈNE, RÉALITÉ, REPRÉSENTATION, RES, VOLONTÉ, SACHVERHALT, SENS, UNIVERSAUX « Intention » est un terme doublement polysémique. Outre l’équivoque existant en français ou en italien entre l’acception courante - celle d’intention dans « avoir l’intention de » ou dans « l’intention morale » - et l’acception psycho-phénoménologique (qui n’existe pas en allemand, où le premier sens est exprimé par Absicht), le terme présente, dans ce second registre, une ambiguïté radicale, où perce une divergence profonde entre paradigmes philosophiques. En fait, le champ d’« intention » couvre une série de phénomènes distincts dont la coordination progressive dans l’histoire de la philosophie explique en partie la saturation de la notion moderne d’intentionnalité, tiraillée entre le modèle phénoménologique husserlien et celui de la « philosophie de l’esprit » (philosophy of mind). Ainsi, comme l’a montré H. Putnam le terme « intentionnalité » renvoie, dans l’usage actuel, à des faits aussi différents que (1) celui, pour des mots, des phrases et autres représentations, d’avoir une signification ; (2) celui, pour des représentations, de pouvoir désigner (c’est-à-dire être vraies pour) une chose réellement existante ou, parmi plusieurs choses, chacune d’entre elles ; (3) celui, pour des représentations, de pouvoir porter sur quelque chose qui n’existe pas ; et (4) celui, pour un « état d’esprit » [state of mind], de pouvoir avoir pour objet un « état de choses » [state of affairs] (H. Putnam, Représentation et Réalité, trad. Cl. Engel-Tiercelin, Gallimard, 1990, p. 211). On tentera de montrer ici comment un même mot en est venu à désigner en allemand, puis de là dans les autres langues de la philosophie, l’«intentionnalité des expressions linguistiques » (die Intentionalität von sprachlichen Äu§erungen), celle des actes mentaux ou des actes de pensée (die I. von Denkakten), ou celle des actes de perception (die I. von Wahrnehmungsakten). I. INTENTION ET SENS La relation entre intention et sens est attestée dans plusieurs thèses des Ideen de Husserl, spécialement quand il définit l’« élément fondamental de l’intentionnalité » en mettant en équation « objet (Objekt) intentionnel » et « sens objectif » et pose qu’« avoir un sens ou ‘viser à quelque sens’ est le caractère fondamen- tal de toute conscience, qui par conséquent n’est pas seulement un vécu, mais un vécu qui a un sens, [qui est] ‘noétique’ [Sinn zu haben, bzw. etwas ‘im Sinne zu haben’ ist der Grundcharakter alles Bewu§tseins, das darum nicht nur überhaupt Erlbenis, sondern sinnhabendes, ‘noetis- ches’ ist] » (Ideen, I,, III, ch. 3, § 90, p. 185 [206], trad. fr. p. 310). En fait, une partie des distorsions ou des écarts relevés par Putnam tiennent à ce que le vécu intentionnel husserlien se voit attribuer deux faces, une face « noétique » et une face « noématique », qui comprend précisément le sens « dégagé de ce vécu, en disposant convenablement le regard ». Le « sens » en question n’est pas, cependant, la « signification » (angl. meaning) dans l’acception commune du terme, il a trait à l’existence et à la non-existence. La « situation » qui, selon Husserl, définit le « sens » est le fait que « même si l’objet représenté ou pensé d’une représentation donnée (et en général l’objet d’un vécu intentionnel quelconque) n’existe pas - ou si l’on est persuadé de sa non-existence - la représentation ne peut être dépouillée de son objet représenté en tant que tel, et donc qu’il faut instituer une distinction entre l’objet de la représentation et l’existence de cet objet » (ibid., p. 311). L’indifférence du « sens » à l’existence ou à la non- existence de l’objet est donc le phénomène saillant relevé par le mot « sens » dans l’analyse de l’intentionnalité. Husserl note, à ce propos, que « la distinction scolastique entre l’objet mental (mentalem), intentionnel ou imma- nent d’une part et l’objet réel (wirklichem) d’autre part renvoie » à la distinction de l’objet et de l’existence de l’objet. Il conteste, cependant, radicalement l’assimilation de l’objet intentionnel à un objet immanent au sens d’ob- jet « inclus à titre réel dans la perception ou le vécu » (p. 186, trad. fr. p. 312) : le sens n’est pas une composante réelle du vécu, comme la hulê [Ïlh] (c’est-à-dire, par exemple, les data de sensation, Empfindungsdaten, qui, d’ailleurs, ne « possèdent pas le caractère fondamental de l’intentionnalité », II, ch. 2, § 36, p. 65, trad. p. 117), ce n’est pas davantage une réalité psychique, ni même un portrait ou un signe. L’attribution au vécu intentionnel d’une « fonction de copie » entraînerait « une régression à l’infini » (p. 313) : « supposer un second arbre immanent, ou même un ‘portrait interne’ de l’arbre réel qui est là-bas, au dehors, devant moi » ne « conduit qu’à des absurdités ». Le « sens » husserlien ne s’entend donc pas comme la simple reprise de la notion d’« objet Vocabulaire européen des philosophies - 593 INTENTION immanent », mais comme un « corrélat qui appartient à l’essence de la perception phénoménologiquement ré- duite [das zum Wesen der phänomenologisch reduzierten Wahrnehmung gehörige Korrelat] ( p. 187 [209], trad. fr. p. 314). En tant que limité à la notion vague de représen- tation, le lien marqué par Putnam entre intentionnalité et non-existence ne capture pas entièrement la notion hus- serlienne de « sens » (ni a fortiori celle de « noème complet » distingué du « noyau de sens »). La signification d’« intention » et d’« intentionnalité » n’en reste pas moins marquée par une série de balancements que rend bien la taxinomie de Putnam. II. INTENTION ET INTENTIONNALITÉ La conception de l’intentionnalité qui a longtemps dominé dans la littérature francophone est principale- ment issue des Méditations cartésiennes. C’est que (a) « tout état de conscience en général est, en lui-même, conscience de quelque chose, quoi qu’il en soit de l’exis- tence réelle de cet objet et quelque abstention que je fasse, dans l’attitude transcendantale qui est mienne, de la position de cette existence et de tous les actes de l’attitude naturelle » ; (b) que tout état de conscience ‘vise’ quelque chose, et qu’il porte en lui-même, en tant que ‘visé’ (en tant qu’objet d’une intention) son cogitatum respectif » - ce que Husserl synthétise ainsi dans la célè- bre formule du § 14 de la deuxième Méditation : [...] le mot intentionnalité ne signifie rien d’autre que cette particularité foncière et générale qu’a la conscience d’être conscience de quelque chose, de porter, en sa qualité de cogito, son cogitatum en elle-même » [(...) wobei das Wort Intentionalität dann nichts anderes als diese allgemeine Grundeigenschaft des Bewu§tseins, Bewu§tsein von etwas zu sein, als cogito sein cogitatum in sich zu tragen, bedeutet », éd. Ströcker, p. 35] (Méditations cartésiennes, Introduction à la phénoménologie, trad. G. Pfeiffer et E. Levinas, Vrin, 1953, p. 28 [On notera l’exacte parenté des formules introduisant le cogito dans le § 14, éd. Ströcker, p. 34 : « Der Transzendentale Titel ego cogito mu§ also um ein Glied erweitert werden : Jedes cogito, jedes Bewu§tseinserlebnis… meint irgend etwas und trägt in dieser Weise der Gemeinten in sich selbst sein jeweiliges cogitatum, und jedes tut das in seiner Weise. »] Certains interprètes francophones et anglophones ten- dent cependant à oublier aujourd’hui que le slogan « toute conscience est conscience de » ne renvoie pour Husserl ni à « une relation entre quelque événement psy- chologique qu’on appellerait le vécu et un autre existant réel de la nature (realen Dasein) du nom d’objet » ni à une « liaison psychologique qui se produirait entre l’un et l’autre dans la réalité objective (objektiver) », mais à « des vécus considérés purement en fonction de leur essence », c’est-à-dire « à des essences pures, ainsi qu’à ce qui est inclus a priori dans l’essence selon un rapport de nécessité inconditionnée [Vielmehr ist von Erlebnissen rein ihrem Wesen nach, bzw. von reinen Wesen die Rede und von dem, was in den Wesen, ‘a priori’, in unbedingter Notwendigkeit beschlossen ist] » (Ideen, p. 64 [74], trad. fr. p. 116). L’intentionnalité n’est pas une liaison entre un fait physique et un fait psychique. On tend à l’oublier lorsque, pris dans l’opposition contemporaine, post-wittgensteinienne, entre « empirisme » et « intentionalisme », on en vient à invo- quer l’intentionnalité contre une conception des actes mentaux affirmant qu’aucun acte mental ne saurait avoir pour contenu une entité extra-mentale. L’« intentionalisme » consiste ainsi à soutenir « l’intentionnalité du mental », entendant par là que nos actes nous orientent vers les choses en dehors de nous. C’est, cependant, une caractérisation faible (voire tri- viale) de l’intentionnalité phénoménologique, qui, par exemple, fait bon marché de la distinction husserlienne entre « chose pure et simple » (Sache) et « objet (Objekt) intentionnel complet » (Ideen, I, § 34, p. 66-67, trad. fr. uploads/Philosophie/ libera-a-de-intentio-vocabulaire-europeen-des-philosophies.pdf
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- Publié le Fev 20, 2021
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