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SCIENCE DES RELIGIONS UNI - Portes de Fribourg Route d’Englisberg 89 CH- 1763 GRANGES-PACCOT Tél : 026 300 7448 Fax : 026 300 9764 HISTOIRE COMPAREE DES RELIGIONS (2006) Diahou N’guessan Bertin sous la direction de : Schneuwly Purdie Mallory Coordonnateur responsable UNIVERSITE DE FRIBOURG (FACULTE DES LETTRES & FSES) Re-Edition 2006 LA KABBALE ou la Dialectique de la Création Comment un philosophe pourrait-il avoir besoin d'un kabbaliste? Ta pensée a déjà exploré tous le recoins de la création et tu l'as conquise par tes démonstrations irréfutables. En quoi te serais-je utile ? Rabbi Moshé 'HayyimLuzzatto, Le philosophe et le kabbaliste INTRODUCTION GENERALE ET PRÉSENTATION DES OUTILS UTILISÉS DANS CETTE ÉTUDE A. orientation de notre étude Le ספר בראשית [sefer bereshith], ou Livre de la Genèse, est probablement un des textes les plus commentés par les traditions juive et chrétienne, autant que l'Exode, les Psaumes ou le Cantique des Cantiques ; ce qui ne signifie pas qu'il n'y ait plus rien à dire à son sujet ; c'est au contraire le propre de tout texte qu'il dise toujours plus que ce qu'on lui a déjà fait dire, surtout si c'est un texte sacré. Cette étude ne prétend donc en aucun cas à l'exhaustivité, mais ne peut non plus se résumer à ce qui a déjà été dit ici ou là par les plus grands. Au sein de la tradition philosophique occidentale qui nous est familière, cet ouvrage a surtout fait l'objet de deux types d'interprétation; une, qui à partir du texte développe un discours philosophique analogue à la cosmologie aristotélicienne : בראשית [bereshith] devient discours sur le monde ; et une autre, qui l'analyse comme discours littéraire et en montre la provenance historique. Nous pensons au contraire qu'il existe une autre voie de compréhension du texte, hors du discours scientifique et hors de la philologie ; cette voie, nous pensons que c'est la kabbale qui nous l'offre, en ce qu'elle développe un discours philosophique et en même temps non scientifique (en tout cas, son discours ne cadre pas avec la science telle qu'elle s'est constituée autour du texte biblique). Si la kabbale est un discours religieux, elle n'est pas pour autant discours dogmatique et théologique; elle est un discours qui ne se présente pas immédiatement comme philosophique, mais dont l'enseignement est à notre avis susceptible de se prêter à une analyse philosophique. On l'aura compris, le présent travail ne prétend pas extraire de בראשית des vérités philosophiques qui seraient présentes dans le texte; il vise simplement à montrer en quoi la kabbale qui porte sur ce texte -ce qu'on appelle מעשה בראשית [ma'aseh bereshith], "l'oeuvre du Commencement"- est porteuse de signification philosophique. Ceci est donc une étude sur la kabbale en tant qu'elle se présente à travers le discours sur בראשית et vise à déterminer en quelle mesure la kabbale peut renouveler le discours et les outils philosophiques. Sont donc exclues de notre champ d'étude toutes les oeuvres qui portent directement sur la Genèse comme discours philosophique; à titre d'exemple, aucune discussion ne sera engagée entre une thèse aristotélicienne tenante de l'éternité du monde et une thèse biblique de sa création. Par contre, une comparaison entre la conception grecque du monde et une conception kabbalistique trouvera, elle, sa place à un moment de l'analyse; car il s'agira ici d'une analyse au deuxième degré de בראשית, à travers la formalisation que lui impose la kabbale. Ainsi on s'intéressera assez peu à ce que dirait le texte de lui-même, dans une autonomie sans doute illusoire, au profit de ce qui est dit du texte dans les textes de la tradition. On pourrait penser que, ce faisant, on s'éloigne fautivement du texte; tout au contraire, ce détour par le commentaire traditionnel nous ramène au texte lui-même en tant que signifiant indépendant de son signifié; ce qui nous intéresse, ce n'est pas ce qu'il raconte, mais la façon dont il le raconte; בראשית sera considéré non comme une narration d'évènements réels, mythologiques ou allégoriques, mais comme un texte, c'est-à-dire un ensemble de signifiants débordant indéfiniment le signifié immédiat. Nous pensons que c'est cette perspective qui différencie essentiellement la tradition éxégétique juive de la tradition chrétienne; cette hypothèse ne pourra se vérifier que lors du développement même de cette étude, mais on peut déjà le vérifier en comparant les deux traditions exégétiques juive et chrétienne : la doctrine des "quatre sens de l'Ecriture" et les "quatre niveaux de signification"; comparaison qui est en outre indispensable à la bonne compréhension de l'ensemble de cette étude. B. Comparaison des traditions exégétiques juive et chrétienne Tentative de mise en parallèle La thématisation de chacune de ces traditions est assez difficile à situer historiquement, mais elle est en tous cas fixée des deux côtés vers le treizième siècle; il est probable que la doctrine chrétienne ait influencé la conception juive, qui est plus ou moins fixée dans le Zohar (Tiquné haZohar, 26b) à partir du texte de Genèse 2, 10 et de la Aggadah des quatre Rabbis (Talmud Babli, Haguiga II, 1, 14b-16a) (ce texte sera analysé différemment dans la suite de l'étude). On y distingue quatre sens, associés aux quatre "têtes" du fleuve qui "arrosait le jardin" et aux quatre Rabbis qui entrèrent au פרדס [pardes]. On trouve tout d'abord le פשט [pshat], qui "répète les règles"; c'est le sens "simple" ou "littéral"; il correspond à Ben Azzaï, qui mourut; ensuite, le רמז [remez], sens "allusif", qui est comme "le tombeau de Moïse", dont "nul ne sait où [il] se trouve, jusqu'au jour où il sera révélé"; il correspond à Ben Zoma, qui devint fou. Ensuite vient le דרש [drash], "le langage aigu et subtil de l'interprétation talmudique"; il correspond à l'Autre (Elicha ben Abouya), qui apostasia. Et enfin se présente le סוד [sod], "le cerveau dans lequel il y a fructification et multiplication"; c'est rabbi Aqiba, qui "ressortit en paix". Dans la tradition chrétienne également, on trouve quatre sens : le sens littéral auquel s'ajoutent trois sens spirituels, l'allégorie, la tropologie et l'anagogie. Tentons de mettre en parallèle ces deux conceptions : - Le פשט [pshat] et le sens littéral semblent assez proches; ils s'attachent au sens immédiat du texte, sans chercher apparemment à en tirer des enseignements trop peu explicites ; - Leרמז [remez] et le sens allégorique sont encore dans leur approche assez semblables, puisqu'ils semblent marquer tout deux le passage à un sens autre, moins explicite, fonctionnant par allusion; la spécialisation très largement christologique de l'allégorie, les événements rapportés dans l'Ancien Testament étant pris comme symboles de la vie du Christ, ne remet pas pour l'instant en cause le rapprochement des deux traditions. - De même, le סוד [sod] et le sens anagogique sont en apparence très proches, puisqu'ils constituent une approche ésotérique et mystique du texte biblique, sans lien explicite avec le texte. - La plus grande difficulté dans cette tentative de parallélisme est la place du דרש [drash] en regard du sens tropologique ou "moral", car le דרש couvre un champ bien plus large et se présente plutôt de prime abord comme un commentaire mythologique du texte; en voici un exemple (Bereshit Rabba, II, 2) : ו בה ּ ווהֹ ו בָ תה ּ תה והֹ י בָ הָתְ ר ץ בָ א ץֶ ה בָ ו בָ ְתָ ( " Et la terre fut désolation et confusion", Gen. 1, 2). Rabbi Abahu et Rabbi Yehuda ben Shim'on. Dire de Rabbi Abahu : Parabole de ce roi qui s'était acheté deux serviteurs, tous deux sur un acte de vente unique, et au même prix. Il décréta que le premier devait être nourri aux frais du trésor royal, tandis que l'autre aurait à travailler pour manger. S'effondrant, dans la désolation et la confusion, le second s'écria : Tous deux avons été achetés sur un acte de vente unique et au même prix, or lui est nourri aux frais du trésor tandis que moi, je ne me nourris qu'au prix du labeur ! C'est ainsi que, s'effondrant, dans la désolation et la confusion, la terre s'écria: L'en- haut et l'en-bas furent créés ensemble, or l'en-haut se nourrit de la splendeur de la Chehina tandis que l'en-bas ne se nourrit qu'au prix du labeur ! Cet exemple suffit à comprendre que le דרש déborde très largement le sens tropologique et est étranger à la distinction des "quatre sens de l'Ecriture" dans l'optique chrétienne. Inversement l'enseignement moral peut se trouver dans tous les niveaux du פרדס (acronyme de פשט ,רמז ,דרש ,סוד qui signifie "Paradis", celui dans lequel précisément sont entrés les quatre Rabbis). Il semble donc que le parallélisme, bien que justifié historiquement, soit très limité. Il faut théoriser autrement le פרדס. Pour cela il faut analyser dans chacune des traditions la façon dont les sens sont ou non liés entre eux. Dans le christianisme, on opère un saut méthodologique entre le sens littéral et les sens spirituels; le premier s'intéresse à ce que dit le texte, les seconds à ce que symbolise le signifié littéral; et les sens spirituels sont liés entre eux, à uploads/Philosophie/ diahou-n-x27-guessan-bertin-la-kabbale-ou-la-dialectique-de-la-creation.pdf
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- Publié le Mai 02, 2021
- Catégorie Philosophy / Philo...
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