Sur la signification du « Parménide » Author(s): Joseph Moreau Source: Revue Ph

Sur la signification du « Parménide » Author(s): Joseph Moreau Source: Revue Philosophique de la France et de l'Étranger, T. 134, No. 4/6 (AVRIL-JUIN. 1944), pp. 97-131 Published by: Presses Universitaires de France Stable URL: http://www.jstor.org/stable/41086687 Accessed: 17-04-2016 01:55 UTC Your use of the JSTOR archive indicates your acceptance of the Terms & Conditions of Use, available at http://about.jstor.org/terms JSTOR is a not-for-profit service that helps scholars, researchers, and students discover, use, and build upon a wide range of content in a trusted digital archive. We use information technology and tools to increase productivity and facilitate new forms of scholarship. For more information about JSTOR, please contact support@jstor.org. Presses Universitaires de France is collaborating with JSTOR to digitize, preserve and extend access to Revue Philosophique de la France et de l'Étranger This content downloaded from 131.91.169.193 on Sun, 17 Apr 2016 01:55:39 UTC All use subject to http://about.jstor.org/terms Sur la signification du « Parménide » De tous les dialogues platoniciens, le Parménide a paru le plus déconcertant et le plus aride : déconcertant dans sa première partie, où Ton voit le vieux Parménide accumuler contre la théorie des Idées, professée par Socrate tout jeune, des objections d'allure péremptoire, que reprendra Aristote dans sa polémique contre Platon ; d'une aridité décevante dans la seconde, longue discussion abstraite, conduite par le seul Parménide, ponctuée seulement d'approbations impersonnelles du répondant, et qui met en œuvre toutes les ressources de la sophistique pour aboutir à cette conclusion que l'Un ne saurait être affirmé ni nié sans qu'une telle prise de posi- tion n'entraîne tant pour lui-même que pour ce qui est autre que lui, dans le cas de l'affirmation comme dans celui de la négation, des conséquences contradictoires. Toutefois, si vaine qu'elle puisse paraître, une telle conclusion n'est cependant pas dénuée d'ensei- gnement ; cela serait non seulement contraire à l'usage des dialogues platoniciens, dont les apories finales sont toujours instructives, mais en contradiction expresse avec les déclarations formulées par la voix de Parménide (135 d) à l'issue de l'entretien avec Socrate, et renouvelées peu après (136 de) par la bouche de Zenon : la méthode de discussion abstraite dont Parménide, dans la seconde partie du dialogue, va donner un exemple, et qui au regard de la multitude n'est qu'un vain bavardage (áSoXeo^ía), constitue en fait un entraî- nement intellectuel indispensable à qui veut atteindre la vérité, conquérir la plénitude consciente du savoir (voov), en s'affranchis- sant des difficultés soulevées dans la première partie du dialogue touchant la possibilité même du savoir. Jamais peut-être Platon n'a pris un tel soin de marquer l'articulation des moments d'un dia- logue ; et cette considération suffit à écarter le double point de vue, trop longtemps accrédité, suivant lequel la première partie de notre dialogue accuserait une rupture avec la théorie des Idées, tandis que la seconde se réduirait à un exercice du pure virtuosité logique, sans profit pour la pensée philosophique. VOU CXXHV. - AVRIL- JUIN. - 1944 (»•• 4 A 6) 7 7 This content downloaded from 131.91.169.193 on Sun, 17 Apr 2016 01:55:39 UTC All use subject to http://about.jstor.org/terms 98 REVUE PHILOSOPHIQUE Le but de la première partie du dialogue est donc seulement de mettre en lumière, à la base même de la théorie de la connaissance, une aporie qui ne saurait rester privée de solution. Socrate nous est représenté dès le début de l'entretien, dans sa discussion avec Zenon, comme ayant admis dès son jeune âge l'hypothèse des Idées, laquelle consiste à définir des relations pures par quoi la pensée s'affranchit des contradictions du Sensible, de sa multiplicité mobile, dont la confusion logique était exploitée par la critique zénonienne contre les adversaires du monisme parménidien ; et il n'est pas douteux, si l'on en juge par la biographie intellectuelle de Socrate dans le Phédon, en plein accord avec un passage capital de la République (VII, 523 c-524 d), que les antinomies découvertes par Zenon dans le Sensible (Parm. 127 e sq.) ne soient à l'origine de l'idéalisme platonicien. Si le Sensible, en effet, avec les contradic- tions qui lui sont inhérentes, possède une absolue réalité, s'il est plus qu'un phénomène, la connaissance est impossible et la pensée sans autorité : il ne peut y avoir de certitude scientifique et de dis- cours cohérent que relativement à des essences stables, comme les relations mathématiques ou les concepts a priori de l'éthique. Tel est le stade initial de l'idéalisme, que le Socrate du Parménide n'a point dépassé, puisqu'il hésite encore à admettre des Idées des êtres naturels, des notions a priori de l'Homme, du Feu ou de l'Eau (130 6c) ; il ne s'est point encore élevé à cette « physique a priori et finaliste », à cette synthèse cosmologique envisagée cependant dans le Phédon et la République et que réalisera le Timée. C'est cette première étape de l'idéalisme qui fait l'objet du débat entre Socrate et Parménide ; mais gardons-nous de croire que cet examen aboutit au rejet de la théorie des Idées : pas un instant Parménide ne réfute Socrate ; il le lotie finalement, au contraire, d'avoir si bien aperçu la condition fondamentale de toute pensée discursive (135 c) ; le père de l'Éléatisme, et aussi de l'idéalisme, ne saurait répudier une doctrine qui, comme la sienne, identifie l'être à l'objet de la pensée intellectuelle. Mais Socrate, de son côté, ne se refuse pas à l'examen critique de sa doctrine ; la théorie des Idées est essentiellement pour lui une hypothèse permettant de débrouiller la confusion du Sensible ; or c'est un article de sa méthode, formulé dans le Phédon (101 d), que toute hypothèse doit être soumise à un examen ultérieur, jusqu'à ce qu'elle trouve son fondement absolu. C'est ainsi que lui- This content downloaded from 131.91.169.193 on Sun, 17 Apr 2016 01:55:39 UTC All use subject to http://about.jstor.org/terms J. MOREAU. - LA SIGNIFICATION DU « PARMÉNIDE » 99 même invitait Zenon, une fois liquidées les antinomies du Sensible grâce à l'hypothèse des Idées, à dégager les antinomies inhérentes aux objets intellectuels et impliquées dans l'exercice du discours (129 6-130 a) ; on reconnaît là les difficultés dites de la « communion des genres », celles qui seront examinées dans le Sophiste. D'autre part, le Socrate du Phédon (100 d) ne se préoccupait pas encore de définir avec précision la relation entre la chose sensible et l'Idée : participation de la chose à l'idée, présence de celle-ci à la chose, communion de l'une avec l'autre, ou toute autre métaphore qu'on voudra ; aussi est-ce encore à, un approfondissement de l'idéalisme qu'équivaudrait un effort pour saisir la nature intime de cette relation. C'est en ce sens qu'il faut interpréter, croyons-nous, les difficultés que soulève Parménide contre la participation ; elles ne tendent pas à eu établir l'impossibilité et à écarter de la sorte la théorie des Idées; elles en repoussent seulement des conceptions plus ou moins matérielles pour faire place à un idéalisme purifié. La parti- cipation est, par hypothèse, la relation de la chose à l'idée ; or c'est là une relation transcendental, qui n'a point d'équivalent parmi les relations empiriques, les relations entre des choses ; aussi, lorsque Parménide démontre que la chose ne saurait participer ni au tout de l'idée ni à une partie de l'idée (131a-e), n'en faut-il point conclure que la participation est impossible, mais seulement que l'idée n'est pas chose étendue. Que si, délaissant cette conception grossièrement spatiale, on regarde l'idée comme une représentation générale où s'unifie une pluralité d'objets concrets, on se heurte alors à l'objection dite du « troisième homme », celui-ci représentant le genre commun des « hommes sensibles » et de « l'homme intelligible » ; et ainsi l'Idée, principe d'unité, se redouble à l'infini (132 ab). Mais qui ne voit qu'un tel raisonnement, lorsqu'il met sur le même plan l'Intel- ligible et le Sensible pour les ranger sous une Forme supérieure, convertit lui aussi l'idée en chose, réduit la représentation à son contenu, c peinture muette », au mépris de l'acte intellectuel qui conditionne toute représentation, fût-elle sensible ? Car la distinc- tion de l'Intelligible et du Sensible, en dépit du langage allégorique où parfois elle se traduit, n'exprime point une dualité réelle, celle de deux représentations distinctes ; elle a une signification critique ; elle affirme la subordination de tout objet représenté aux conditions This content downloaded from 131.91.169.193 on Sun, 17 Apr 2016 01:55:39 UTC All use subject to http://about.jstor.org/terms 100 REVUE PHILOSOPHIQUE intellectuelles de la représentation. Gardons-nous toutefois en vou- lant échapper à ce réalisme de la représentation, d'assimiler celle-ci à un simple phénomène mental, d'aboutir à un idéalisme psycho- logique qui réduirait l'idée à un mode contingent de pensée, un vóiQfxa ; un tel idéalisme, familier à la pensée moderne, n'est encore qu'un empirisme. A l'idée, il faut un contenu objectif qui fait la vérité des choses ; or si tout l'être de l'idée se résorbait dans la pensée d'un sujet, dans le fait de conscience, cette participation des choses à l'idée ferait d'elles toutes des modes pensants uploads/Philosophie/ moreau-joseph-la-signification-du-parmenide.pdf

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