Pierre-Philippe Chappuis Dr. ing. chimiste EPFL 1 Introduction à la chimie vert

Pierre-Philippe Chappuis Dr. ing. chimiste EPFL 1 Introduction à la chimie verte EPFL 1er décembre 2009 2 Plan du cours 1. Concept de chimie verte 1.1 Qu’est-ce que la chimie ? 1.2 Les fondements historiques 1.3 Quelques concepts de base 1.4 Définition de la chimie verte 1.5 Quelques instruments utiles à la chimie verte 2. Exemples concrets 2.1 DTE (industrie chimique) 2.2 Ibuprofen (industrie pharmaceutique) 3. La chimie verte comme source de progrès 3.1 Les problèmes de la chimie verte 3.2 Chimie versus Biotechnologie 3.3 Quelques technologies prometteuses 3.4 Conclusion 3 1. Concept de chimie verte « Rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme » Maxime d’Anaxagore (philosophe présocratique) reprise par A. Lavoisier vers 1780 4 1.1 Qu’est-ce que la chimie ? J.-M. Lehn 1997 (prix Nobel de chimie) « La chimie est la science de la matière et de ses transformations, et la vie est son expression la plus haute. Elle fournit des structures douées de propriétés et élabore les procédés de synthèse de ces structures… La chimie est aussi science de transfert, nœud de communication entre le simple et le complexe, entre les lois de la physique et les règles de la vie … » 5 1.1 Qu’est-ce que la chimie ? Le chimiste pollueur reste une image archétypale dont il sera bien difficile de se débarasser. Un nouveau concept est apparu; celui de Green Chemistry. Est-ce un nouveau slogan ou une nécessité ? Assurément les deux ! 6 1.2 Les fondements historiques La chimie verte est apparue aux Etats-Unis dans les années 90. « Aucun développement durable n’est possible sans la participation active de l’industrie chimique » Définition 1 « La chimie du XXIe siècle devra être verte, c’est-à-dire respectueuse de notre environnement » Green Chemistry, P.T. Anastas, T.C. Williamson (eds), ACS, Symp. Series 626, ACS, Washington, DC, 1996 7 1.2 Les fondements historiques Définition 2 Une définition classique de la chimie verte englobant clairement le génie chimique peut être donnée comme suit : « La conception, le développement et l’implantation de procédés et de produits chimiques dans le but de réduire ou d’éliminer les substances dangereuses à la santé humaine ou l’environnement » P.T. Anastas et J. Warner « Green Chemistry Theory and Practice », 1998 Définition 3 La définition 2 a été précisée et améliorée en 2002 par M. Poliakoff, J. M. Fitzpatrick, T.R. Farren et P.T. Anastas 8 1.3 Quelques concepts de base quatre concepts de base 1) utiliser au maximum les matières premières qui, transformées, doivent se retrouver le plus largement possible dans le produit final, limitant ainsi la production de sous-produits 3) utiliser des solvants propres, non toxiques et compatibles avec l’environnement 5) utiliser au mieux l’énergie, en termes de rendement, d’économie, de sources et de rejets 4) produire des quantités minimales de déchets dans des formes adaptées (solide, liquide ou gazeuse) qui limitent leur dissémination potentielle et facilitent le recyclage 9 1.4 Définition de la chimie verte Les 12 principes de la chimie verte 1 Prévention des déchets Prévenir et limiter la production des déchets 2 Economie de matière Concevoir les synthèses de manière à maximiser l’incorporation des matériaux utilisés au cours du procédé dans le produit final 3 Synthèses chimiques moins nocives Faire des réactions chimiques avec des produits/réactifs avec peu ou pas de toxicité 4 Conception de produits chimiques plus sûrs Concevoir des produits et des composés chimiques avec peu ou pas de toxicité 5 Réduction des solvants et auxiliaires de synthèse Minimiser l’utilisation de composés réactionnels intermédiaires 10 1.4 Définition de la chimie verte 6 Amélioration du rendement énergétique Rechercher l’efficacité énergétique de la réaction : travailler à température et pression ambiante quand cela est possible 7 Utilisation de matières premières renouvelables Préférer les matières premières renouvelables (biomasse…) à celles fossiles (hydrocarbures, charbon…) 8 Réduction de la quantité de produits dérivés Modification du procédé physico-chimique 9 Catalyse sélective Utiliser au maximum les catalyseurs dans les réactions chimiques afin de minimiser les quantités de réactifs utilisés et de déchets produits 11 1.4 Définition de la chimie verte 10 Conception de substances non-persistantes Concevoir des produits chimiques qui se décomposeront en composés inertes et qui ne s’accumuleront pas dans l’environnement 11 Analyse en temps réel de la lutte contre la pollution Analyser en continu toutes les réactions de transformation pour détecter immédiatement la production de sous-produits afin de les minimiser , voire les éliminer 12 Chimie essentiellement sécuritaire afin de prévenir les accidents Concevoir des produits chimiques dans des formes appropriées (liquide, solide ou gazeuse …) afin de limiter les risques d’accident : explosions, incendies, dissémination dans l’environnement etc. 12 1.4 Définition de la chimie verte Prevent wastes Renewable materials Omit derivatization steps Degradable chemical products Use safe synthetic methods Catalytic reagents Temperature, pressure ambient In-process monitoring Very few auxiliary substances E-factor, maximize feed in product Low toxicity of chemical products Yes, it is safe S.L.Y. Tang, R.L. Smith and M. Poliakoff Green Chem, 7, 761-762, 2005 Forme mnémonique des 12 principes 13 1.4 Définition de la chimie verte La chimie verte parfois appelée chimie durable se situe au cœur de l’écologie industrielle Adapté partiel de l’article : P.T. Anastas & J.J. Breen, J. Cleaner Production (1997) Ecologie industrielle Chimie verte Ingénierie verte Développement durable 14 1.5 Quelques instruments utiles à la chimie verte a) E-facteur Le E-facteur a été introduit par Roger A. Sheldon en 1980 déjà. Définition : le E-facteur est la mesure de la quantité de déchets produits pour fabriquer un produit donné comparé à la quantité de ce même produit final (utilisable). E-facteur = masse de déchets [kg] / masse de produit [kg] Roger A. Sheldon, Green Chem., 2007, 9, 1273 R. A. Sheldon, « Atom utilisation, E factors and the catalytic solution » C. R. Acad. Sci. Paris, Série IIc (2000) 541 En principe, ce facteur est facile à déterminer ! E-facteur = (masse des entrées – masse des sorties) [kg] / masse de produit final [kg] 15 1.5 Quelques instruments utiles à la chimie verte Le but final serait E-facteur égal à zero Secteur Tonnage annuel Facteur E Chimie lourde < 104-106 < 1 - 5 Chimie fine 102-104 5 - 50 Industrie pharmaceutique 10-103 > 25-100 16 1.5 Quelques instruments utiles à la chimie verte Plus simplement, le E-facteur peut être vu de la façon suivante : 17 1.5 Quelques instruments utiles à la chimie verte b) Utilisation atomique (efficacité atomique) B. M. Trost, « The atom economy, a search for synthetic efficiency » Science, 254 (1991) 1471 Introduite par B.M. Trost, également appelée l’efficacité atomique Le E-facteur est relié à l'utilisation atomique par la relation suivante : 18 2. Exemples concrets « Science sans conscience n’est que ruine de l’âme » François Rabelais vers 1532 19 2.1 DTE (industrie chimique) Fabrication du réactif de Cleland (DTE) DTE; Erythro-1,4-dimercapto-2,3-butanediol; dithioerythritol (d.t.e); Dithioerythritol, Molecular Biology Grade DTE; 1,4-Dithioerythritol, 99%; 1,4-Dithioerythritol; Cleland's; 1,4- Dimercapto-2,3-butanediol, erytho-Form Domaine d’applications étendu (intérêt économique et scientifique) Biotechnologie (proteomics, genomics…) Enzymologie Technique de greffage Agent dénaturant / agent protecteur Utilisation en électrophorèse (sur gel) Matrice pour FAB-MS (« magic bullet ») 20 2.1 DTE (industrie chimique) Caractéristiques physico-chimiques et toxicologiques Nom du produit 1,4-Dithioerythritol Poids moléculaire 154,25 g mol-1 Formule brute C4H10O2S2 Apparence poudre cristalline blanche avec odeur typique Point de fusion >81°C Stabilité stable Solubilité dans l’eau 5 % w/v Incompatibilité forts agents oxydants, agents réducteurs, bases et métaux alcalins Produits de décomposition dangereux décomposition thermique peut produire des fumées toxiques monoxyde et dioxyde de carbone, oxydes de soufre et sulfure d’hydrogène Prescription de sécurité S 24/25 éviter le contact avec les yeux et la peau Propriétés toxicologiques mal connues Numéro CAS 6892-68-8 EINECS 2299988 RTECS KF2410000 LD50 (souris) 309 mg/kg Entreposage 2-8°C sous azote 21 2.1 DTE (industrie chimique) Le réactif de Cleland est un produit chimique important utilisé pour réduire quantitativement les liaisons disulfures et maintenir les monothiols dans un état réduit. A basse concentration, le DTE stabilise les enzymes qui possèdent des groupes libres sulfhydriques. Après oxydation, l’activité in vitro peut être restaurée (équilibre redox). Dithioerythritol C4H8O2S2/C4H10 O2S2 -330 mV Dithionite SO3 2-/S2O4 2- -527 mV Dithiothreitol C4H8O2S2/C4H10O2 S2 -330 mV W.W Cleland, Biochemistry 3, 480 (1964) 22 2.1 DTE (industrie chimique) Principe de base d’utilisation du DTE 1) Equilibre d’oxydo-réduction entre le DTE et sa forme oxydée 4,5- Dihydroxy-1,2-dithiane 2) C4H8O2S2 / C4H10O2S2 -330 mV Réduction du pont disulfure entre deux cystéines 23 2.1 DTE (industrie chimique) Utilisation intensive en biotechnologie Antioxydant Agent protecteur Agent chelatant de métaux lourds Agent dénaturant de certaines protéines Applications industrielles principales Stabilisation des enzymes, anticorps et facteurs de croissances divers Très pratique pour la production de protéines en grande quantité Réactif très utile en synthèse organique pour la protection des thiols Grand intérêt de la concurrence en raison de ses qualités Nombreuses applications en biotechnologie Spécifications bien établies Bonne reproductibilité des lots à produire Peu d’impuretés présentes lors d’un stockage sous azote Faible odeur de thiol 24 2.1 DTE (industrie chimique) Fabrication du 1,4-Dithioerythritol (DTE) S H S H O H O H O H uploads/Philosophie/ pdf-tp-bioch-bgf.pdf

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