PHILIPPE DESCOLA L’ÉCOLOGIE DES AUTRES L’anthropologie et la question de la nat
PHILIPPE DESCOLA L’ÉCOLOGIE DES AUTRES L’anthropologie et la question de la nature Quæ éditions Philippe Descola L'écologie des autres L'anthropologie et la question de la nature Conférences-débats organisées par le groupe Sciences en questions, Paris et Dijon, Inra, respectivement les 29 novembre 2007 et 31 janvier 2008. Éditions Quæ - RD 10, 78026 Versailles Cedex La collection « Sciences en questions » accueille des textes traitant de questions d’ordre philosophique, épistémologique, anthropologique, sociologique ou éthique, relatives aux sciences et à l’activité scientifi que. Elle est ouverte aux chercheurs de l’Inra ainsi qu’à des auteurs extérieurs. Raphaël Larrère Directeur de collection Le groupe de travail « Sciences en questions » a été constitué à l’Inra en 1994 à l’initiative des services chargés de la formation et de la communi cation. Son objectif est de favoriser une réflexion critique sur la recherche par des contributions propres à éclairer, sous une forme accessible et at trayante, les questions philosophiques, sociologiques et épistémologiques relatives à l’activité scientifique Texte revu par l’auteur avec la collaboration de Raphaël Larrère et de Marie-Noëlle Heinrich. ©Quæ,Versailles, 2011 ISSN : 1269-8490 ISBN : 978-2-7592-2467-8 Le code de la propriété intellectuelle du 1er juillet 1992 interdit la photocopie à usage collectif sans autorisation des ayants droit. Le non-respect de cette propo sition met en danger l’édition, notamment scientifique. Toute reproduction, partielle ou totale, du présent ouvrage est interdite sans autorisation de l’éditeur ou du Cen tre français d’exploitation du droit de copie (CFC), 20 rue des Grands-Augustins, 75006 Paris, France. Préface Sciences en Questions t’ayant invité pour une conférence, c’est avec plaisir que je vais présenter ton itinéraire en introduction de ton exposé. Parisien, tu as fait toutes tes études secondaires au Lycée Condorcet, passé le baccalauréat en cette belle année 1968, puis préparé le concours d’entrée de l’École normale supérieure de Saint-Cloud, que tu as intégrée deux ans plus tard. Mais si tu as choisi l’option philosophie, tu ne songeais guère à faire une carrière philosophique. Certes, l’épistémologie et la lin guistique étaient alors en plein essor, mais la philosophie que l’on enseignait demeurait massivement un long commentaire sur sa propre histoire. Tu n’excluais pas d’enseigner la philoso phie quelques années, mais n’avais aucune envie de consacrer toute une carrière à gloser sur son histoire. Ainsi tu as conçu le concours de Saint-Cloud et ton cursus philosophique ultérieur comme une sorte d’exercice propédeutique : il s’agissait d’ac quérir une bonne formation pour aborder les sciences sociales. Il n’empêche que tu as apprécié les philosophes de Saint-Cloud : Bernard Besnier qui mettait son immense savoir au service de la préparation des concours d’agrégation et de Capes ; Alexandre Matheron qui t’a fait découvrir Descartes et Spinoza ; Jean-Toussaint Desanti, dont tu admirais la rigueur, l’engage ment politique et la sagesse. T’impressionnaient aussi ceux dont tu as pu suivre des séminaires à Vincennes et à Ulm : Deleuze, Derrida et Althusser. Mais autre chose t’attirait. Tu avais lu Lévi-Strauss en khâgne, tu avais suivi les débats concernant les travaux de Clastres et de Jaulin, tu fréquentais les cours de Godelier à Saint-Cloud. L’anthropologie te fasci nait. Tu aimais aussi voyager. A cette époque le monde était sans doute moins dangereux et avec peu d’argent en poche on pouvait aller loin. Dès 17 ans, puis pendant tes années d’études, tu avais ainsi découvert presque tout le Moyen-Orient : de la Turquie 3 à l’Égypte. Tu voyais l’anthropologue comme un « badaud professionnel » partant à la découverte d’autres mondes. C’est finalement Godelier qui t’as convaincu que tu serais anthro pologue à l’issue de ton cursus philosophique. Tu as donc suivi des cours à Nanterre (pour la licence d’ethnologie), puis à la VIe section de l’École pratique des hautes études (la future École des hautes études en sciences sociales,) dont tu as obtenu le diplôme en 1973. Dans le cadre de ce cursus, tu avais déjà effectué une en quête légère en Quercy et découvert l’Amérique pendant un stage de quelques mois. Il s’était agi d’étudier les colonies d’indiens Tzeltal dans la forêt Lacandone au Chiapas. Ces indiens avaient quitté les hautes terres du Mexique pour s’installer dans la fo rêt tropicale. Ils y formaient de petites communautés de colons. Ton idée était d’étudier comment ces communautés s’étaient adaptées à leur nouvel environnement. Mais ton hypothèse d’adaptation s’était révélée quelque peu optimiste. Ces nouveaux colons, qui n’avaient quitté leurs hautes terres que depuis peu, vivaient dans des bulles villageoises entourées de défriches. Ils n’avaient guère investi la forêt qui demeurait pour eux un uni vers étrange et inquiétant. Mais, à l’inverse de ces colons, tu as découvert au Chiapas la forêt tropicale humide... Et c’est alors que, fasciné par ce monde, tu as décidé que tu ferais ton terrain là où il y avait des populations autochtones qui vivaient dans et de la forêt. Ce sera en Amazonie. Sans doute avais-tu d’autres raisons d’aller travailler en Amérique latine. Tu avais trop balisé le Moyen-Orient ; l’Extrême-Orient te semblait trop compliqué ; tu trouvais que les africanistes, tous plus ou moins formés à l’Orstom, avaient une mentalité un peu trop coloniale. Enfin, la façon dont il était alors de bon ton de considérer les américanistes comme des hippies vivant nus au milieu de gens nus, et d’en critiquer le romantisme révolution naire, te rendait l’expérience plutôt attirante. Grâce à un père historien du monde hispanique tu parlais couramment l’espagnol et possédais quelques notions de portugais, tu pouvais ainsi espé rer faciliter ton expédition. En 1974, tu obtiens le Capes de philo sophie, mais échoue à l’oral de l’agrégation. N’ayant aucune envie 4 de tenter à nouveau l’agrégation, tu vas utiliser ton année de stage pédagogique pour préparer ton terrain d’anthropologue. Avec ton épouse, Anne-Christine Taylor, vous choisissez un groupe de Jivaros encore peu étudiés, et vous vous embarquez vers l’Équateur là où, dans la forêt amazonienne, sont les Achuar. Vous y restez trois ans, travaillant de façon parallèle. Partis avec quelques crédits du laboratoire d’anthropologie sociale (LAS), vous parviendrez à prolonger votre séjour en organisant le tout nouveau département d’anthropologie de l’université catholique de Quito. De retour d’Équateur, tu vas quelque peu galérer : tu seras successivement chargé de conférences à l’École des hautes études en sciences sociales (EHESS), visitingscholar au King’s College de Cambridge, allocataire de recherche au Centre national de recherche scientifique puis attaché de recherche à la Maison des sciences de l’homme de Paris. C’est en 1983 que tu soutiens ta thèse sous la direction de Claude Lévi-Strauss. L’année suivante, sur les conseils de Godelier, tu présentes ta candidature à un poste d’assistant à l’EHESS et tu intègres cette respectable maison, au laboratoire d’anthro pologie sociale bien entendu. La même année, Anne-Christine Taylor entre au CNRS. Toute ta carrière ultérieure sera associée à ce laboratoire de Lévi-Strauss. Cette carrière, elle est scandée par la parution d’ouvrages qui ont marqué la communauté des anthropologues : La nature domestique en 1986, Les lances du cré puscule (un véritable best-seller) en 1993 et, plus récemment, celui qui nous a convaincu de t’inviter : Par delà nature et culture. En 2000, tu as été quelque peu tenté par un poste de professeur à Chicago. Tu aurais même cédé aux sirènes américaines, si Françoise Héritier ne t’avait proposé de te présenter au Collège de France. Tu y occupes aujourd’hui un poste de professeur, et comme tu es directeur d’études cumulant à l’EHESS, tu diriges le LAS - un laboratoire qui compte environ 80 chercheurs avec les chercheurs associés et une centaine de doctorants et de post doctorants. Les responsabilités administratives alourdies d’année 5 en année par une bureaucratisation galopante et paralysante de la recherche et les cours que tu dois faire au Collège de France ne te permettent plus guère de faire du terrain. Mais tu voyages encore beaucoup, à l’occasion de conférences ou pour rendre visite à des doctorants ou à d’anciens élèves du LAS. Néan moins tu poursuis un certain désir de reprendre un jour une re cherche de terrain... Sans doute pas dans la forêt amazonienne où les conditions de vie sont trop dures pour un ethnologue chevronné. Ce qui m’a toujours semblé remarquable dans tes écrits, c’est que tu as su mobiliser pour des études de terrain ta culture philo sophique. .. Au point que certains collègues t’ont traité de méta physicien. C’est d’abord qu’il t’a fallu t’inscrire en faux contre l’éco-ethnologie naïve qui sévissait aux États-Unis, dans les années 1970, parmi les spécialistes de l’Amérique latine. C’est aussi parce que les sociétés amazoniennes sont fluides et opa ques : sans institutions stables, elles laissent peu de prise pour les traiter à la manière fonctionnelle classique. Il a bien fallu, interrogeant l’expérience vécue des Achuar, faire appel à la phi losophie pour comprendre leur manière d’être au monde. C’est ainsi que tu as appréhendé l’univers des sociétés animistes et leur ontologie et que tu as précisé ton ambition, au delà même de ton terrain. Si tu t’étais déjà imprégné de Lévi-Strauss, c’est à Saint-Cloud que tu as découvert Merleau-Ponty et la phénoménologie. uploads/Philosophie/ philippe-descola-l-x27-e-cologie-des-autres-l-x27-anthropologie-et-la-question-de-la-nature-e-ditions-quae-2011.pdf
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- Publié le Oct 26, 2021
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