Université de Toulouse – Le - Mirail P PS SY YC CH HA AN NA AL LY YS SE E E ET
Université de Toulouse – Le - Mirail P PS SY YC CH HA AN NA AL LY YS SE E E ET T T TA AO OI IS SM ME E Mémoire pour le Diplôme de la Découverte Freudienne Présenté et soutenu le 31 janvier 2004 par Genveviève GANCET JURY Directeur de Recherche : M. Michel LAPEYRE Responsable de la Commission Pédagogique et du Groupe d’Animation du Diplôme Docteur d’Etat Maître de Conférence à l’Université de Toulouse-Le- Mirail Psychanalyste Assesseur : M. Sidi ASKOFARE Responsable Pédagogique du Diplôme Maître de Conférence en Psychologie Psychanalyste 1 PSYCHANALYSE ET TAOISME INTRODUCTION GENERALE. D’une petite allusion, dans Télévision. Lacan a nourri sa théorie psychanalytique d’une érudition inouïe en de nombreux domaines, aussi n’est-il pas étonnant qu’il se soit approché de la culture chinoise. Ce qui est plus étonnant, c’est qu’il s’en soit autant approché, au point d’extraire d’une pensée philosophique antique, antérieure à l’avènement de Socrate1, une substance dont il éclaire les concepts fondamentaux de sa construction théorique. De sorte que, du plus loin de l’Antiquité chinoise s’actualisent des thèmes à valeur universelle. Dans Télévision2, Lacan mentionne le Tao pour pointer ce qui dans cette doctrine philosophique est reliable à la question de la jouissance. Dans sa réponse à J.A. Miller, il y a une remarque assez énigmatique : « Dommage que ce qui pour eux faisait sens (les taoïstes ) soit pour nous sans portée, de laisser froide notre jouissance ». La sagesse taoïste telle qu’elle a été transmise par Lao Tseu a donné naissance à diverses doctrines et écoles recourant à des pratiques de santé qui visaient à harmoniser microcosme et macrocosme, l’être et l’univers, dans la quête d’une symbolique immortalité. L’une de ces pratiques, dite énergétique, était préconisée afin de régénérer le « chi » (ou Qi) - traduit le plus couramment par « souffle » - Lacan la concrétise par l’expression : « Retenir son foutre3 ». Pour les taoïstes, c’était un gage de longévité. Les pratiques psycho-corporelles issues du taoisme ont traversé les siècles et ont subi maintes transformations. Il n’en reste pas moins qu’actuellement, l’exotisme de la sagesse chinoise séduit les occidentaux par son ésotérisme, car sans doute davantage qu’au moment où Lacan faisait ce constat 1 Socrate : 470-399 av. JC, Laozi : 604 av. JC, Kongfuzi : 551 av. JC 2 Jacques LACAN, Télévision, Le Champ Freudien, éd. du Seuil, 1974, p. 52. 3 Jacques LACAN, Séminaire XX, Encore, ch. V, « Du Baroque », éd. du Seuil, 1975, p. 104-105. 2 sur leur jouissance, les Arts énergétiques chinois sont devenus un phénomène de mode, pour le meilleur ou pour le pire. En référence au vide, et au Pays du Milieu. L’engouement actuel pour la sagesse et les disciplines psycho-corporelles dérivées du taoïsme met en relief qu’il ne s’agit justement pas d’une sagesse à part, ni d’un monde langagier intransposable. Lacan en s’y référant, n’a fait que montrer que la structure langagière, même à emprunter d’autres modalités, d’autres formulations, d’autres manifestations, prenait racine du même mystère. Autrement dit, la notion du Vide1 permet d’accéder à la structure. La poésie du Tao Të King nous laisse méditer sur les vérités du Vide, autres énoncés du signifiant lacanien. C’est en allant explorer l’Index Référentiel2 des Séminaires de Lacan que m’est apparue toute la portée de la référence lacanienne à la philosophie et à la culture chinoises. Je la croyais succinte, anecdotique. Je croyais m’être engagée à la légère, à partir de mon propre intérêt sinophile, intriguée par ce concept taoiste du Vide si proche de son évocation psychanalytique, tentée par des rapprochements hâtifs, et encouragée par une certaine communauté de vocabulaire (avec la prudence requise du fait des traductions françaises). Mais à ma grande satisfaction, une première explication, énoncée comme une lapalissade, est venue donner une autre tournure à mes a priori : « Lacan est lacanien parce qu’il a fait du chinois3. » Comment ? Avec toutes ses références à Socrate, Platon, Aristote, Démocrite, à la philosophie gréco-romaine et à la civilisation judéo-chrétienne, que pouvait signifier de la part de Lacan, cette déclaration impromptue ? En suivant les noms propres et les thèmes répertoriés dans cet index, il apparaît que Lacan se reporte à la tradition chinoise dans au moins dix-huit de ses séminaires et qu’il y développe des notions cruciales, en particulier dans le séminaire XVIII. 1 Séminaire VII, leçon du 27 janvier 1960, p. 182-183, la fonction signifiante du vase, à mettre en parallèle avec le poème XI du Tao Të King. 2 De Henri KRUTZEN : Jacques LACAN, Séminaires 1952 – 1980, Index Référentiel, éd. Anthropos. 3 Séminaire XVIII, Leçon du 20 janvier 1971, « Lacan est lacanien parcequ’il a fait du chinois » est une formulation de l’Index qui renvoie à cette leçon où Lacan dit exactement (p. 35) : « Je me suis aperçu d’une chose, c’est que peut-être je ne suis lacanien que parce que j’ai fait du chinois autrefois. » Il dit aussi : « …je m’aperçois…que c’est de plain-pied avec ce que je raconte. » (P. 36). 3 Tenter, à travers ce mémoire, de saisir une logique, au fil de la chronologie de l’enseignement de Lacan traversant la pensée chinoise, en identifier les concepts extraits qui rejoignent les concepts-clefs de la psychanalyse est une entreprise démesurée dont ma tentative ne sera qu’une modeste ébauche. Néanmoins, de nombreuses pistes invitent à l’exploration, à la réflexion, alors que la question de la transmission de la psychanalyse concerne maintenant les cultures qui en paraissaient les plus éloignées. Pourtant, Freud était déjà traduit en Chine dans les années 20 ! De quelle manière ? C’est une autre histoire, sur laquelle le mode d’évolution politique du Pays Du Milieu nous laisse à penser. Yin et Yang, c’était écrit . Les thèmes principaux développés dans les séminaires concernent l’apport philosophique de Mencius dans la filiation confucéenne, avec l’émergence des caractères chinois hsing et ming1 , la nature et le décret du Ciel - que Lacan traduit par « c’était écrit » - part énigmatique de la structure et de l’origine de l’être. Il y est aussi traité de l’incompatibilité de l’être et de l’avoir2 à partir de la question du mâle et du femelle, principes yang et yin. Et surtout, la question du signifiant dans l’écriture et le système langagier de la culture chinoise reste primordiale, en lien étroit avec désir et jouissance. Dans ce moment de l’œuvre de Lacan, François Cheng incarne le point de rencontre entre les deux cultures, d’Orient et d’Occident, à travers l’expression littéraire, poétique et picturale dont la calligraphie est la quintessence, suggérant le mouvement du souffle, le QI, à partir du Vide taoïste. Lacan sollicite alors l’écrivain pour décrypter ce concept . A propos de la nature humaine, Lacan laisse une première empreinte sur la Voie : « Je vous dirai comment l’homme, c’est intraduisible, c’est comme ça, c’est le type bien, fait de très curieux petits tours de jonglerie et d’échange entre le hsing et le ming. Est-ce à dire que les choses sont ainsi parce que c’est ainsi ? » Lacan tout au long des leçons des 10 et 17 février 1971 (sém. XVIII) transmet à travers sa propre expérience du chinois que : « le langage en tant qu’il est dans le monde, qu’il est sous le ciel (ming), voilà ce qui fait hsing, la nature. Ce n’est pas n’importe quelle nature c’est la nature de l’être parlant ». Le « décret du Ciel » sous-tend la pensée 1 Séminaire XVIII, en particulier leçon du 10 février 1971, p. 50 à 53. 2 Séminaire XVIII, leçon du 17 février 1971, p. 66 et 67. 4 taoïste, en tant que ses représentations s’en réfèrent à une vision cosmogonique de l’univers, où mieux vaut ne pas contrarier l’harmonie des éléments, l’ordre naturel des choses, comme le chante le Tao Të King. La pensée chinoise est imprégnée de ces représentations qui au fil des siècles et depuis de très lointaines traditions guident l’Etre sur la Voie de la sagesse et de l’accomplissement. La Voie du Milieu Juste donne-t-elle, au sens de la psychanalyse, une indication sur les voies du désir et les aménagements de la jouissance ? Dans la plupart des leçons où il traite de la culture et de la philosophie chinoises, Lacan explore le langage et l’écriture, mais il en vient au corporel lorsqu’il mentionne : « Retenir son foutre1 » en termes d’économie d’énergie, ce qui est l’objectif des pratiques corporelles, dites disciplines, issues du taoïsme (et également d’un bouddhisme qui migra en Chine de manière légendaire en 500 av. J.C.), qui unissent étroitement philosophie, médecine et art martial. En Chine, actuellement, ces pratiques exercées quotidiennement et d’une manière simplifiée par des millions de chinois jeunes ou vieux, sont véritablement une hygiène de vie. Ces pratiques ont subi bien des modifications et adaptations au cours des siècles, mais avant leur diffusion à un large public, elles demeuraient plus ou moins secrètes et ne se transmettaient que par étroites filiations. Les premiers courants ésotériques, sans doute uploads/Philosophie/ psychanalyse-et-taoisme-par-genvevieve-gancet.pdf
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- Publié le Jul 01, 2021
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