International Journal of Innovation and Applied Studies ISSN 2028-9324 Vol. 19

International Journal of Innovation and Applied Studies ISSN 2028-9324 Vol. 19 No. 2 Feb. 2017, pp. 435-442 © 2017 Innovative Space of Scientific Research Journals http://www.ijias.issr-journals.org/ Corresponding Author: Mustapha Nhaila 435 Regards sur quelques fondements de l’anthropologie au Maroc Mustapha Nhaila Enseignant-chercheur à l’Institut National des Sciences de l’Archéologie et du Patrimoine, Rabat, Maroc Copyright © 2017 ISSR Journals. This is an open access article distributed under the Creative Commons Attribution License, which permits unrestricted use, distribution, and reproduction in any medium, provided the original work is properly cited. ABSTRACT: In this work, we tried to study some aspects which constitute the foundation of the anthropology in Morocco. We tried to emphasize the importance of the concept of tribe grafting that mode of social and cultural organization; we lifted (raised) some themes which marked the birth and the development of the anthropological knowledge, the knowledge which revealed the anthropological horizon of the Moroccan society. To do it, we made appeal(recourse) to the works of Robert Montagne, Ernest Gellner and Raymond Jamous to understand(include) the use(custom) which they made of the Moroccan tribal model and to know how also this one definitively marked the birth of the anthropology in Morocco. KEYWORDS: Anthropological Knowledge, tribe, segmentation of tribes, genealogy and territoriality, saint. Toute recherche sur les conditions de naissance de l’anthropologie au Maroc implique nécessairement le recours à la tribu en tant que mode d’organisation sociale, culturelle et politique. La période coloniale et postcoloniale sont marquées par le foisonnement de toute une littérature ethnographique et anthropologique qui témoignent du double intérêt du concept de tribu en ce sens qu’il a permis , d’une part, de fonder une explication positive de ce qui constituait aux yeux des chercheurs européens les fondements de la société traditionnelle marocaine ; d’autre par, il sert de référence pour connaitre le cheminement scientifique et historique qui sont relatifs à la naissance et à l’essor de la connaissance anthropologique au Maroc. Ainsi, l’intérêt que représentait la tribu dans le champ de la recherche anthropologique variait d’un anthropologue à un autre à la lumière de la dynamique du changement auquel l’organisation tribale était soumise. Ainsi, notre problématique s’énonce de la manière suivante : comment la tribu a déterminé la connaissance anthropologique et comment la complexité de sa réalité a été élevée et insérée dans des formes d’intelligibilité, une intelligibilité qui est à son tour conditionnée par le devenir sociohistorique de la tribu. Afin de répondre à ces interrogations, nous allons nous appuyer, selon un ordre chronologique, sur quelques fragments des travaux d’anthropologues comme Robert Montagne, Ernest Gellner, Raymond Jamous. Le but n’est pas de consacrer à leurs travaux une étude exhaustive, mais ce qui nous importe c’est de chercher à établir une synthèse pour les articuler avec d’autres contributions théoriques. Ainsi, il est à retenir que toute approche sur la fondation de l’anthropologie au Maroc ne peut en aucun ignorer les recherches effectuées sur la tribu dans la mesure où elle a constitué leur fondement empirique et leur sol épistémologique pour confronter leurs outils d’analyse théorique. Notre objectif n’est pas d’entreprendre des découvertes inédites ce rapport fondateur de la tribu à la connaissance l’anthropologique au Maroc; mais, nous cherchons à nous orienter vers une synthèse qui ouvre la perspective de notre travail sur une certaine interprétation de ce caractère dialectique entre tribu et naissance d’une connaissance anthropologique du Maroc. Toute recherche qui soulève ce genre de problème, est logiquement conduite à avoir un regard sur son contexte colonial en tant que lieu de sa réalisation. Cependant, toute connaissance anthropologique est essentiellement une expérience de l’altérité en tant que composante du rapport de l’anthropologue à la société marocaine. Le problème de celui-ci, c’est que ses recherches s’effectuaient dans un univers culturel qu’il risquait d’interpréter selon les catégories de sa propre culture ou selon les préjugés ayant exercé une autorité à partir de la domination coloniale de la France sur le Maroc. De là, il s’agit de savoir comment l’anthropologue pouvait interpréter la réalité de l’autre sans pour autant la soumettre à l’autorité des préjugés et des modèles préconçus qui sont construits en dehors du champ scientifique. Regards sur quelques fondements de l’anthropologie au Maroc ISSN : 2028-9324 Vol. 19 No. 2, Feb. 2017 436 Abstraction faite de l’expérience d’altérité, qui concerne en premier lieu l’anthropologue et son objet d’étude, l’ambiance coloniale et la conception que se sont faits les colons des indigènes étaient imprégnées d’ethnocentrisme ; Daniel Rivet note à ce sujet : « Cette effort pour comprendre l’Autre n’échappe pas -comment cela pourrait être ?- à l’ethnocentrisme ambiant. Evadés d’une société rigidifiée par un code de valeurs très moralisateur, et déjà, abimée par le cancer de l’industrialisation, les officiers recherchent au Maroc leur antithèse : l’homme à l’état de nature. La plupart contournent et ignorent la société des villes, la bourgeoisie h’ad’ariya. Ils communient exclusivement avec le Maroc des tribus, non pas seulement parce qu’il est transparent et malléable, mais parce qu’ils ont l’illusion rousseauiste d’y trouver un archétype de l’homme éternel encore intact et à l’état d’ébauche »1 En réalité, l’altérité qui s’exprime dans une ambiance coloniale met en difficulté le processus de communication entre les indigènes et les colons, ce qui favorise l’expansion et la diffusion des préjugés qui se sont construits sur la marge de l’incommunicable. Il est certain que le travail anthropologique ne peut échapper à l’impact de ce climat communicationnel fondé sur la domination coloniale. Toutefois, le contexte d’altérité qui se rapporte à la recherche anthropologique obéit à un genre de problèmes qui est inhérent au rapport du sujet connaissant à l’objet connaissable. Clifford Geertz tente d’élargir le champ de la pratique ethnographique pour que l’anthropologue soit plus vigilant au moment où il entretient des rapports d’enquête ethnographique avec ses informateurs, il note à ce sujet : « Il ne suffit pas de poser des questions à l’objet pour le laisser devenir sujet et se mettre à son écoute. Il ne suffit pas non plus d’établir un dialogue avec des interlocuteurs, plutôt que d’interroger des « informateurs ». Il n’est pas question d’accorder un crédit sans limites, une infaillibilité au commentaire de l’autre sur lui-même. Le choc du contact avec l’altérité se révèle trop souvent assez traumatisant pour que le discours indigène occupe tout le champ qui revient légitimement à l’interprétation. Il s’agit donc d’ajouter à cette écoute de l’autre une grande fidélité aux faits ».2 Cette méthode ethnographique articule une démarche compréhensive et une autre explicative ; la première nécessite une faculté d’écoute pour comprendre le discours de l’informateur et la deuxième repose sur une confrontation des informations recueillies auprès de ce dernier aux faits dont l’existence est indépendante de sa conscience. De là, la description ethnographique devient une construction compréhensive et explicative en s’appuyant sur le degré d’adéquation entre le discours de l’informateur et les faits de son environnement socioculturel. Ce qui caractérisait la recherche anthropologique de la période coloniale, c’est qu’elle était déterminée par une altérité fondée sur des rapports de domination coloniale et par conséquent son intérêt scientifique était indissociable de l’intérêt idéologique de l’administration coloniale. D’ailleurs, ce n’est pas un hasard si la majorité des anthropologues menaient leurs enquêtes pour le compte de l’Office de la Recherche « Scientifique » Coloniale. Michel Panoff nous dévoile le rôle joué par cet organisme, il rapporte dans son ouvrage : Ethnologie : le deuxième souffle : « Un nombre appréciable d’ethnologues français ont fait leur carrière dans ce cadre, tandis qu’une bonne proportion des études réalisées dans nos colonies d’alors, particulièrement en Afrique auraient été impossible sans lui ».3 Lorsqu’il s’agit de déterminer les fondements théoriques du modèle explicatif qui correspondait à l’esprit scientifique de l’âge colonial, nous sommes amenés à prendre en considération le paradigme de segmentarité dont la genèse se trouve dans les travaux d’Emile Durkheim et plus particulièrement ceux qui concernent la société à solidarité mécanique. Ainsi, dans son ouvrage : De la division du travail social, il écrit : « Nous disions de ces sociétés qu’elles sont segmentaires, pour indiquer qu’elles sont formées par la répétition d’agrégats semblables entre eux, analogues aux anneaux de l’annelé, et cet agrégat élémentaire qu’il est un clan, parce que ce mot en exprime bien la nature mixte, à la fois familiale et politique. C’est une famille, en ce sens que tous les membres qui la composent se considèrent comme parents les uns des autres, et qu’en fait ils sont, pour la plupart, consanguins »4. Durkheim ne se contente pas de définir le caractère segmentaire des sociétés mécaniques, il montre aussi les conditions dans lesquelles un tel processus se met en acte : « Pour que l’organisation segmentaire soit possible, il faut à la fois que les segments se ressemblent sans quoi ils ne seraient pas unis et qu’ils diffèrent sans quoi ils se perdraient les uns dans les autres et s’effaceraient »5 1 Rivet .D, Lyautey et l’institution du protectorat français, éd, L’harmattan, Paris, 1996, p.52 2 Geertz. C, The interpretation of cultures. Basic Books, New-York, 1977. Cité par Rongnon. F, , Les uploads/Philosophie/ regards-sur-quelques-fondements-de-lanth.pdf

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