De Zoroastre au Néoplatonisme I - Zoroastre et l'éthique des rois achéménides.
De Zoroastre au Néoplatonisme I - Zoroastre et l'éthique des rois achéménides. On ne peut pas comprendre Platon et le platonisme sans un retour à Zoroastre et à l'empire des Achéménides. On estime actuellement que Zoroastre a vécu entre le 10ème et le 8ème siècle avant notre ère. Il transforma la religion des mages mazdéens fondée sur la dualité du Bien, Ahura Mazda et du Mal, Ahriman et dont les rites consistaient surtout en sacrifices d'animaux. Paul du Breuil, a expliqué dans "Zarathustra et la transfiguration du monde", que ce que Zoroastre proposait était en fait une révolution qui rompait avec la croyance au rituel magique. Il instaura: • un monisme spirituel absolu au-dessus des deux esprits confrontés, • une eschatologie prodigieusement développée autour de la grande bataille cosmique du Bien et du Mal, • l'élimination de tout rituel et de tout sacrifice autre que celui intériorisé de la sanctification de la pensée, des paroles et des actes, • enfin une formulation du respect de la vie animale, en la personne des bovins comme prototype exemplaire. On peut supposer que le renoncement à tout rituel en faveur de l'intériorisation et de l'éthique indique une proximité avec le Yoga. La distinction de l'unité spirituelle non manifestée (puruja) et de la dualité de la manifestation (prakriti) rappelle aussi le Samkhya. Le zoroastrisme et le samkhya-yoga pourraient avoir leur racine traditionnelle dans la spiritualité des cités pré-aryennes de la vallée de l'Indus, qui communiquaient probablement avec l'Egypte de la haute antiquité. Une spiritualité ésotérique et une éthique aussi élevées ne pouvaient (comme en Egypte) être réservées qu'à des élites. Aussi il se constitua un syncrétisme avec le mazdéisme, un mazdéisme réformé qui caractérisa la religion populaire. Les rois de la dynastie des achéménides étaient reconnus par tous pour leur éthique et leur tolérance. Cyrus le Grand lui-même, après la conquête de Babylone, où il libéra, entre autres, les juifs, fit écrire : « Je n'ai autorisé personne à malmener le peuple et détruire la ville. J'ai ordonné que toute maison reste indemne, que les biens de personne ne soient pillés. J'ai ordonné que quiconque reste libre dans l'adoration de ses dieux. J'ai ordonné que chacun soit libre dans sa pensée, son lieu de résidence, sa religion et ses déplacements, que personne ne doit persécuter autrui » . L'empire des achéménides conquis par Cyrus II était immense. Il s'étendit de l'Asie centrale et de l'Indus jusqu'à la mer Egée et l'Ethiopie. Il créa une monnaie, fit construire des routes et organisa un service postal. La sécurité et liberté de circulation des personnes, des biens et des idées était assurée. L'empire inauguré par Cyrus le Grand ouvrit une époque unique de prospérité et favorisa une émulation des idées sans précédent et qui resta sans suite comparable après sa destruction par le macédonien Alexandre. C'est pendant cette époque que vécurent les plus grands philosophes d'Occident et d'Orient, qui influencèrent nos religions et philosophies, comme le montre le graphique. Notre éducation historique reste partielle et empreinte du préjugé et de la jalousie des Grecs anciens pour leurs voisins et rivaux perses qu'ils traitaient de barbares. Je rends hommage ici à Paul du Breuil qui par son grand ouvrage "Zarathustra et la transfiguration du monde", a corrigé cette perception et mis en évidence l'importance méconnue du zoroastrisme et de l'empire achéménide sur nos religions et philosophies. Cet ouvrage de qualité universitaire est malheureusement indisponible actuellement. Il mériterait une réédition. II - L' AVESTA, livre sacré du zoroastrisme L'Avesta est l'ensemble des textes sacrés de la religion mazdéenne et forme le livre sacré des zoroastriens. La partie la plus ancienne est constituée d'hymnes, les Gāthās, censés avoir été composés par Zoroastre lui- même. Il y apparaît nettement comme un prêtre. Ahura Mazdā lui aurait donné la mission de rénover l'ancienne religion, s'affirmant comme le seul dieu du Bien, incarnation de la lumière, de la vie et de la vérité. http://lexicorient.com/e.o/ill/zarathustra01.jpg http://www.persevoyages.com/Images/photos/symbole %20Ahoura%20Mazda.JPG Les Amesha Spentas, les saints immortels de Zoroastre, représentent des apects du Bien Suprême, Ahura Mazda, ce sont avant tout les vertus essentielles de l'éthique zoroastrienne : Vohou rnano : Bon esprit, bonne volonté, bon sens. Asha vahista : Vérité, justice, pureté. Kshatra vaïrya : Ordre, harmonie, règne divin. Spenta armaïti : Humilité, douceur, docilité. Haourvatat : Santé, vigueur, prospérité. Ameretat : Longue vie, immortalité, vie éternelle. Les Amesha Spentas appartenaient probablement au panthéon des anciens dieux perses antérieur à la naissance de Zarathoustra. Selon une théorie, bien que le réformateur religieux ait dénoncé les anciens dieux, il aurait assimilé les Amesha Spentas dans ses enseignements en les considérant comme différents aspects d'Ahura Mazda, le seul et unique esprit, en perpétuelle opposition avec l'esprit du mal, Ahriman. Les Amesha Spentas sont aussi des idées abstraites, des catégories de la connaissance, comparables aux éléments, qui, par analogie, pouvaient représenter les différents aspects cycliques de la nature selon ce tableau (site http://mythologica.fr/perse/amesha.htm) III – L'Unité selon Socrate et Platon Les premiers philosophes grecs, dont le discours rationnel se distinguait de la mythologie, étaient ceux qu'on appelle présocratiques. On dit que c'étaient des philosophes de la nature. Ils cherchaient en effet à expliquer l'univers sans tenir compte des mythologies populaires et bucoliques d'Homère. Leurs philosophies étaient des cosmologies rationnelles. PHILOSOPHES PRESOCRATIQUES Pythagore (~ -580 à -495) était le premier d'entre eux. La plus ancienne trace écrite du fameux théorème qui lui est attribué est une tablette babylonienne qui date de plus de 1000 ans avant lui. Ceci indique suffisamment que les philosophes présocratiques tenaient leurs connaissances de civilisations antérieures, mésopotamiennes, indiennes et égyptiennes. C'est à la faveur de la libre circulation des idées, de l'Orient vers l'Europe, sous la dynastie perse des achéménides, que la culture est parvenue en Grèce. Les Grecs ne sont pas à l'origine de l'histoire, de la philosophie et de la civilisation. Ils n'ont pas tout inventé, mais ils ont beaucoup emprunté et transformé. Parménide (fin VIe à milieu Ve siècle) concevait l'univers comme un Etre. Parménide est donc le fondateur de l'ontologie, de la science de l'être. Parménide défendait l'Unité de l'Etre. Pour lui, ce qui est n'admet pas de contradiction. L'être est un, complet et n'a pas de parties. De même le mouvement est impossible, car il suppose que l'Etre apparaisse là où il n'était pas auparavant et disparaisse là où il se trouvait. Héraclite (-544 à -504) au contraire défendait le Devenir cyclique, la transformation harmonieuse de l'univers, obéissant au logos, aux principes ou lois naturels, invisibles mais intelligibles. Contrairement à Parménide, il déclare : « Tout ce qui existe n'existe que grâce aux contraires. C'est la tension entre les contraires qui engendre la réalité. » SOCRATE ET SES DISCICPLES Socrate (-470 à -399) n'a rien écrit. Ce que nous savons de lui vient des témoignages de ses élèves Platon et Xénophon. Il est difficile de dissocier Socrate et Platon. Dans les dialogues que Platon attribuait à Socrate, celui-ci disait qu'il ne savait rien. Il se comportait humblement comme les sages orientaux. Comme Zoroastre, qu'il ne pouvait pas ignorer, il plaçait sans doute l'Unité ou Vérité suprême au-delà des dualités, du Bien et du Mal, de l'être ou du non-être. Comme Lao tsé, son contemporain, il pensait sans doute que "celui qui sait ne parle pas et celui qui parle ne sait pas". Paul du Breuil écrivit: "Avant Socrate, Zarathustra réalisa donc la transition décisive entre la pensée naturaliste et la nature de dieux qui ne valaient pas mieux que les hommes, vers ce que les Grecs ont appelé l'éthique, portant la réflexion humaine au plan d'une pensée universelle qui tente d'harmoniser nos actes avec le Bien suprême". En effet, tous les dialogues de Socrate consistaient à amener l'interlocuteur à chercher lui-même les réponses aux questions. C'était un art qu'il appelait maïeutique. C'était aussi un art de la rhétorique qui s'occupait des problèmes de la société, de l'éthique et de la république. La philosophie de Socrate conduisit des sciences naturelles vers les sciences humaines. Elle est à l'origine de l'humanisme. Platon (-428 à -348) est surtout connu– et critiqué – pour sa théorie des Formes ou théorie des idées. Selon Paul du Breuil, ces Formes sont d'inspiration zoroastrienne. Elles se situent sur le plan des principes premiers, comme les vertus des Amesha Spenta, qui n'est pas observable mais qui est à l'origine du monde sensible, de son devenir. Par formes ou idées, Platon ne comprenait pas des choses de la réalité observable mais des principes universels, intemporels, qui ont une existence indépendante des limites d'espace et de temps. Elles ne sont pas perceptibles par les sens mais compréhensibles par l'intelligence. Elles ne sont pas seulement des concepts élaborés par l'intelligence. Elles constituent au contraire le cadre réel qui guide l'intelligence sur un plan dépassant le sensible. La théorie des formes ou idées de Platon implique donc des niveaux de la réalité et de la connaissance. Cette hiérarchie de la connaissance est expliquée dans La République VII par son allégorie de la caverne: Au fond de la uploads/Philosophie/ de-zoroastre-au-neoplatonisme.pdf
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- Publié le Jui 24, 2021
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