REVUE FRANÇAISE DE PSYCHANALYSE PUBLICATION OFFICIELLE DE LA SOCIÉTÉ PSYCHANALY
REVUE FRANÇAISE DE PSYCHANALYSE PUBLICATION OFFICIELLE DE LA SOCIÉTÉ PSYCHANALYTIQUE DE PARIS Société constituante de l'Association Psychanalytique Internationale DIRECTEURS Jean Gillibert Claude Girard Evelyne Kestemberg COMITÉ DE RÉDACTION Ilse Barande Alain Gibeault Alain de Mijolla Rosine Debray Augustin Jeanneau Henri Vermorel SECRÉTAIRE DE LA RÉDACTION Muguette Green ADMINISTRATION Presses Universitaires de France, 108, bd Saint-Germain, 75279 Paris Cedex 06 ABONNEMENTS Presses Universitaires de France, Service des Périodiques 12, rue Jean-de-Beauvais, 75005 Paris. Tél. 326-22-16. C.C.P. Paris 1302-69 C Abonnements annuels (1982) : six numéros dont un numéro spécial contenant les rapports du Congrès des Psychanalystes de langue française : France : 340 F — Etranger : 380 F Les manuscrits et la correspondance concernant la revue doivent être adressés à la Revue française de psychanalyse, 187, rue Saint-Jacques, 75005 Paris. Les demandes en duplicata des numéros non arrivés à destination ne pourront être admises que dans les quinze jours qui suivront la réception du numéro suivant. Cliché couverture : Sphinx ailé (VIe s. av. J.-C.) Metropolitan Museum of Art MYTHES Colloque de Deauville 24-25 octobre 1981 René DIATKINE, Avant-propos 691 Nicole LORAUX, Héraklès : le surmâle et le féminin 697 Jean RUDHARDT, De l'inceste à la mythologie grecque 731 Nadine AMAR, Il ne faut pas fermer les yeux 765 Simone BÉCACHE, Médée 773 Jean BERGERET,Non-dit d'un mythe et non-dit d'un colloque.. 795 André BROUSSELLE,Le barbare et l'endogamie 801 Monique COURNUT-JANIN, Variations sur la Médée d'Euripide 805 Gilbert DIATKINE, Le psychanalyste : traducteur de mythes ou anthropologue amateur ? 811 Olivier FLOURNOY, Entre l'histoire et le mythe : le complexe.. 819 Jean GUILLAUMIN, Connaissance mythique et mythe du savoir.. 823 Jean-Pierre LAUZEL, Notes sur la fonction des mythes 839 Ruth MENAHEM, Plaisir du mythe 847 Marie-Thérèse NEYRAUT-SUTTERMAN, Héraclès et l'épilepsie... 851 Nicos NICOLAÏDIS, Du meurtre du savoir et de l'inceste (question- nements et ambiguïtés) 857 Francis PASCHE, Aspects de la mère archaïque dans la mythologie 867 Ilana SCHIMMEL, Misère ou divinisation par l'inceste 879 Thérèse TREMBLAIS-DUPRÉ, Littérature et inceste 883 Paulette WILGOWICZ, Un mythe de création : le Golem 887 RFP 25 RENÉ DIATKINE AVANT-PROPOS Quand le lecteur de L'interprétation des rêves trouve les premières références à OEdipe-Roi et à Hamlet, au décours du chapitre traitant des rêves typiques, à propos des rêves de la mort de personnes chères, il imagine facilement l'aventure de Sigmund Freud quand ce rapprochement s'est imposé à son esprit. Sophocle lui fournissait — ou plutôt lui confirmait — par la réplique de Jocaste, l'interprétation de sespropres rêves. La tragédie grecque témoignait de la pérennité et de la généralité des rêves incestueux — et des forces obscures qui les sous-tendent. Cette rencontre prenait un relief particulièrement significatif à la lumière des théories de la sexualité infantile, en pleine élaboration au même moment. Le héros avait réalisé parricide et inceste sans savoir ce qu'il faisait, poussé par le destin, dont il ne reconnaissait pas les effets, malgré les avertissements de l'oracle et ses propres capacités à déchiffrer les énigmes, alors qu'il fuyait Corynthe pour ne pas accomplir de tels actes. On ne pouvait imaginer plus saisissante illustration de la théorie naissante de la névrose et de l'inconscient en général. On sait tout ce que la psychanalyse doit à l'art, doit à l'étude des mythes et des religions. Freud n'aurait probablement pas découvert l'in- conscient et les fantasmes originaires si son intérêt avait été limité à l'ana- tomie pathologique et à la pharmacologie. La connaissance de l'inconscient induit à son tour une vision, une écoute ou une lecture nouvelles, sans que pour autant soit défini très clairement le bon usage de la psychanalyse appliquée. La confrontation de disciplines différentes est toujours stimulante, mais elle nécessite un minimum de précautions. A partir de lectures incomplètes ou d'échanges distraits, il est toujours fâcheux d'imaginer les connaissances voisines en se saisissant de ce qui paraît confirmer sespropres hypothèses et en n'accordant au reste qu'un intérêt mineur. Freud s'est parfois servi des théories du moment pour illustrer sa propre pensée, et il s'est parfois pris au jeu, tout en sachant que c'en était un, tout en reconnaissant que ces Bev. franc. Psychanal., 4/1982 692 René Diatkine superstructures n'étaient pas indispensables pour la solidité de l'édifice théorique. Totem et Tabou ou Moïse et le Monothéisme se lisent aujour- d'hui comme des paraboles dont le sens est purement métapsychologique. Ces textes illustrent des étapes importantes dans l'évolution de la pensée psychanalytique. Des dialogues répétés avec des praticiens et des théoriciens des disci- plines voisines nous sont indispensables, ne serait-ce que pour remettre en cause et réélaborer nos propres fantasmes sur ce qui est établi ou discuté ailleurs. Quelques années après avoir organisé une rencontre d'un soir avec M. Detienne, la Société psychanalytique a invité, pour son Colloque annuel de 1981, deux éminents spécialistes de la Mythologie grecque. Nicole Loraux a traité d'Héraklès et de la féminité, Jean Rudhardt de l'inceste dans la mythologie et la civilisation grecques. Ils nous ont parlé l'un et l'autre avec la rigueur qui leur est propre, dans la langue qui est la leur. Et ainsi ils nous ont beaucoup donné à penser. Les mythes sont le produit d'une élaboration collective, tant dans leur histoire la plus reculée que dans leur transmission. Le psychisme individuel a apporté sans cessedes matériaux à ce travail de la cité ou du peuple, mais ces éléments ont été soumis à un traitement compliqué, aussi bien pour devenir un récit commun que pour répondre aux nécessités sociales et historiques du groupe. Aussi ne doit-on pas perdre de vue que mythes et productions psychiques appartiennent à deux univers de connaissance différents, même si ces dernières sont aussi communes aux hommes d'une certaine culture que les fantasmes originaires et le complexe d'OEdipe. Il est cependant concevable que les mythes ou les religions, quel que soit leur déterminisme, contiennent des dispositions permettant à chaque individu de trouver, dans son appartenance au groupe, des moyens de lutter contre l'angoisse et d'élaborer sa dépression. Sinon, il risque de s'exclure du groupe en se suicidant, en s'isolant ou en délirant. Chacun doit vivre en sachant qu'il va mourir, et il ne peut sereprésenter sa propre mort, pas plus qu'elle n'est figurable en rêve. Tout ce qu'il peut imaginer est une survie mineure, comme dans les Enfers de l'Odyssée, une résurrection ou une renaissance. Chacun sait que ses propres limites sont la garantie de sa propre existence et de sa propre continuité — mais ces limites le séparent à jamais de l'objet d'amour — qui restera toujours autre. Le fantasme d'enfanter ne se réduit pas, chez l'homme, à une simple représentation psychique d'un instinct de reproduction, mais est aussi le produit de la contradiction entre le désir de possession et l'indispensable altérité. La différence des sexes transforme les limites en incomplétude. L'ambivalence de l'investissement maternel rend nécessaires tant le déplacement de la Avant-propos 693 haine et de la crainte sur un tiers que la construction desfantasmes concer- nant les échanges entre parents. Du moins en est-il ainsi dans les civilisations comportant une certaine forme d'organisation familiale. Les interdits les plus angoissants font partie des processus défensifs les plus nécessaires pour continuer à désirer, c'est-à-dire à vivre. Bien avant l'ère psychanalytique et la connaissance d'un inconscient orientant la vie psychique par ses exigences contradictoires, les hommes savaient qu'ils n'étaient pas maîtres de leur destin, et que les événements de leur vie étaient influencés par des forces échappant à leur conscience et à leur volonté. De nombreusesfigura- tions mythiques ont rempli le vide de la représentation de l'inconscient, l'homme étant le jouet du destin, des Parques, des malédictions, des philtres, etc. Entrant dans un rapport d'opposition avec les mêmes exigences psychiques que nos pulsions, les forces extérieures mythiques constituent un matériau de choix pour les rendre figurables. Parmi toutes les fonctions de la communauté, celle par laquelle ses membres se reconnaissent grâce à la mise en activité de processus défensifs communs est loin d'être négligeable, avec comme contrepartie la haine ou le mépris pour ceux qui n'ont pas la même origine mythique ou qui n'observent pas les mêmes rites. La continuité de l'identité individuelle — étayée par l'appartenance à une communauté de croyance transmettant ce que racontent les anciens et ce que racontaient les ancêtres — est nécessairement complétée par le thème inverse de perte définitive ou temporaire de l'identité, que ces ruptures soient représentées par les métamorphoses de l'Antiquité ou par les transformations magiques des contes de fée. Personne aujourd'hui ne peut sesatisfaire d'une formulation superficielle, qui postulerait que les religions et les mythes ont « emprunté » leurs thèmes aux théories sexuelles et aux fantasmes des enfants. L'interaction individu- culture produit seseffets dès les premiers jours de la vie. Ce que nous pouvons supposer de l'apport du psychisme individuel dans l'histoire des croyances collectives ne dépasse guère le stade de généralités peu productives. Par contre les correspondances entre les éléments de chacun de cessystèmes et les différentes formes d'angoisse sont du plus grand intérêt pour le psychana- lyste. Notre objet d'étude est bien l'homme devant les mythes et les religions, aussi bien que uploads/Philosophie/ revue-francaise-de-psychanalyse-46-1982-mythes-grecques-pdf.pdf
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- Publié le Aoû 19, 2022
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