Pragmatique, theorie des actes de langages et didactique des langues- cultures.

Pragmatique, theorie des actes de langages et didactique des langues- cultures. Histoire, arri` ere-plans philosophiques, consequences et alternatives Marc Debono To cite this version: Marc Debono. Pragmatique, theorie des actes de langages et didactique des langues- cultures. Histoire, arri` ere-plans philosophiques, consequences et alternatives. Le(s) fran¸ cais dans la mon- dialisation, Fernelmont : Editions Modulaires Europeennes, pp.423-447, 2013. HAL Id: hal-01376874 https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-01376874 Submitted on 5 Oct 2016 HAL is a multi-disciplinary open access archive for the deposit and dissemination of sci- entific research documents, whether they are pub- lished or not. The documents may come from teaching and research institutions in France or abroad, or from public or private research centers. L’archive ouverte pluridisciplinaire HAL, est destin´ ee au d´ epˆ ot et ` a la diffusion de documents scientifiques de niveau recherche, publi´ es ou non, ´ emanant des ´ etablissements d’enseignement et de recherche fran¸ cais ou ´ etrangers, des laboratoires publics ou priv´ es. 1 DEBONO, M. (2013), « Pragmatique, théorie des actes de langages et didactique des langues- cultures. Histoire, arrière-plans philosophiques, conséquences et alternatives », In : CASTELLOTTI, V. (sous la dir. de), Le(s) français dans la mondialisation, Fernelmont : Éditions Modulaires Européennes, pp. 423-447. Pragmatique, théorie des actes de langages et didactique des langues-cultures. Histoire, arrière-plans philosophiques, conséquences et alternatives. Marc Debono, Université de Tours, EA 4246 Prefics-Dynadiv Introduction La référence à la pragmatique est, depuis les débuts de l’approche communicative (désormais AC) et au fil des années, devenue incontournable dans les discours et pratiques des didacticiens et praticiens du français langue étrangère1. Même si certains développements récents autour de la perspective actionnelle semblent vouloir remettre en cause cette influence2, les « actes de langage » ou « de parole » - notion qui est ce que la didactique des langues-cultures (désormais DLC) a principalement emprunté à la pragmatique – sont toujours bien présents dans le champ. Si la pragmatique a énormément apporté au renouvellement de la DLC3, son influence comporte un certain nombre d’effets qui semblent en partie problématiques – dont certains ont d’ailleurs très tôt été identifiés, par D. Coste notamment (j’y reviendrai). L’objet de cette contribution est de revenir sur l’histoire du succès de la théorie des « actes de langage » en DLC (1.) et sur les critiques formulées à son encontre par les didacticiens (2.), avant d’évoquer trois de ses prémisses philosophiques essentielles (efficacité, intentionnalité, exprimabilité) (3.), pour finalement essayer d’identifier une certaine conception de la compréhension de l’altérité sous-jacente, conception que je mettrai en regard de celle proposée par une autre tradition philosophique (herméneutique) - qui dialogue depuis longtemps avec la tradition analytique dont est issue la pragmatique - afin de dessiner les contours d’une alternative didactique (4.). 1. Histoire d’un succès 1.1. Qu’est-ce que la pragmatique ? Le terme pragmatique est très ancien et connaît une acception courante : ce « qui concerne les faits réels, l'action » (pragma en grec), à l’opposé de ce qui serait de l’ordre du spéculatif, du théorique (source : TLF). Aux côtés, mais en lien bien sûr avec cette acception courante, il faut mentionner que l’on distingue parfois la pragmatique « philosophique » de la pragmatique « linguistique » : -la pragmatique philosophique - ou « pragmatisme » -, terme utilisé pour désigner un courant de pensée de la philosophie analytique dont Peirce est le chef de file, courant qui a eu (et a toujours) une influence considérable sur l’ensemble des sciences humaines et sociales (cf. Cometti, 2010 : 318). Résumé trop rapidement : les pragmatistes récusent les spéculations de la métaphysique en énonçant que tout ce qui existe est dans l’action. Exemplifié trop rapidement : les psychologues intégreront les apports de cette philosophie en axant leur travail sur le « comportement » (c’est la psychologie dite « comportementale ») et rejetteront corollairement le modèle de l’introspection (introspection qui constitue un « en dehors de l’action » qui n’a pas de réalité selon l’orientation pragmatiste). -la pragmatique linguistique (désormais PL), fondée comme discipline des sciences du langage par Charles William Morris, dans une filiation peircienne, et définie comme l'étude de la relation des signes à leurs usagers/utilisateurs ou « interprétants » (Garric, 2007 : 6). L’apport décisif pour la pragmatique linguistique sera le travail des philosophes du « langage ordinaire », et en particulier Austin et Searle, qui ont développé la théorie, désormais classique, des « actes de langage », théorie philosophique qui, il faut bien le noter, est conçue « initialement sans lien avec la réflexion linguistique » (Garric, 2007 : 85). 1.2. Les actes de langage/ de parole 2 L’écho qu’ont rencontré les théories d’Austin et de Searle conduit souvent à la réduction abusive de la pragmatique à la théorie des actes de langage (Bange, 1992 : 151). Sans vouloir reproduire cette réduction, deux raisons gouvernent à l’assimilation des deux dans la suite de ce texte : parce que la théorie des actes de langage est quasiment la seule chose que retient la DLC de la PL (je me limiterai donc à son examen), et pour une plus prosaïque raison d’allègement du texte. Conscients de cette facilité, venons en à cette théorie fameuse : la notion de speech act, traduite en français par « actes de langage » ou « actes de parole »4 est d’abord développée au sein de la philosophie analytique des années 60-70. La notion trouve son origine dans How to do things with words, célèbre ouvrage de J.L. Austin publié en 1962, puis est reprise et étayée par J.R. Searle dans Speech acts publié 1969. Les applications et développements de cette théorie concerneront l’ensemble des sciences humaines et sociales, notamment (et logiquement) les sciences du langage, puis la DLC. Chez Searle, les actes de langage - c’est-à-dire ce que l'on fait avec des mots pour reprendre la définition originelle d’Austin – sont classés selon l’intention du locuteur (les représentatifs, les directifs, les commissifs, les expressifs, les déclaratifs) et constituent « les unités minimales de la communication linguistique » : « L’unité de communication linguistique n’est pas – comme on le suppose généralement – le symbole, le mot ou la phrase ni même une occurrence de symbole, de mot ou de phrase, mais bien la production ou l’émission du symbole, du mot ou de la phrase au moment où se réalise l’acte de langage (Searle, 2009 [1972], 52 ; je souligne). Si le courant communicatif en DLC retient bien cette idée d’unité minimale de la communication, les didacticiens des langues ont, bien sûr, interprété de manière diverse la notion d’acte de langage. Néanmoins, l’idée d’« un énoncé ou un groupe d'énoncés lié à une situation » constitue certainement le dénominateur commun des lectures didactiques de la notion (Decco, 1994 : 6). 1.3. Un succès fulgurant et persistant : les actes de parole en DLC Dans deux textes à plus de vingt ans d’intervalle, D. Coste (1980) comme P. Anderson (2002) considèrent que la DLC n’a emprunté quasiment que la théorie des actes de langage à la pragmatique, et ceci de manière très rapide : ce « succès » fut en effet aussi fulgurant qu’il est persistant. D. Coste, dans un article de 1985 rappelle deux jalons importants de l’année 1976 qui permettent de comprendre historiquement l’arrivée de la pragmatique en DLC : -l’article d’E. Roulet sur « L'apport des sciences du langage » paru dans les ELA, ou celui-ci mentionne les travaux d’Austin et de Searle (rappelons que la traduction française des Speech acts date de 1972, donc peu de temps auparavant). Cet article montre bien qu’à l’époque, la tendance traditionnelle à l’emprunt par les didacticiens des descriptions formelles des linguistes est délaissée au profit d’ « une linguistique s'intéressant aux emplois et aux usages effectifs de la langue » (Coste, 1985 : 13), ce qui est le cas de la PL, mais aussi de la sociolinguistique de Hymes qui influencera particulièrement l’AC naissante. -la publication d’Un Niveau Seuil la même année, qui est un inventaire notionnel-fonctionnel, avec des fonctions basées sur le concept d’actes de parole (demander son chemin, se présenter, etc.). Dans ce même article de 1985, le coordonnateur d’Un Niveau Seuil constate que la section « Grammaire » de ce document, élaborée par J. Courtillon, est « moins souvent utilisée/mentionnée/critiquée que celle consacrée aux ‘Actes de parole’ et préparée par M. Martins-Baltar » (Coste, 1985 : 13), et qu’à l’époque « les actes de parole occupent le devant de la scène », la grammaire étant reléguée « en coulisse et en annexe » (idem : 14). Ce bilan est fait neuf ans après la publication d’Un Niveau Seuil, et treize ans après celle de la traduction française des Actes de langage de Searle. Quarante ans plus tard, en 2012, quand on regarde la place qu’occupent les « actes de parole » dans les matériels et discours didactiques, on mesure d’autant plus l’importance de l’influence pragmatique en DLC : même si la notion d’ « acte de parole » n’est plus la notion clé qu’elle était au début de l’AC (la notion de « uploads/Philosophie/ 2013-debono-pragmatique-the-orie-des-actes-de-langages-et-didactique-pdf.pdf

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