Érudit est un consortium interuniversitaire sans but lucratif composé de l'Univ

Érudit est un consortium interuniversitaire sans but lucratif composé de l'Université de Montréal, l'Université Laval et l'Université du Québec à Montréal. Il a pour mission la promotion et la valorisation de la recherche. Érudit offre des services d'édition numérique de documents scientifiques depuis 1998. Pour communiquer avec les responsables d'Érudit : erudit@umontreal.ca Article Günter Figal Laval théologique et philosophique, vol. 53, n° 1, 1997, p. 59-67. Pour citer cet article, utiliser l'adresse suivante : http://id.erudit.org/iderudit/401039ar Note : les règles d'écriture des références bibliographiques peuvent varier selon les différents domaines du savoir. Ce document est protégé par la loi sur le droit d'auteur. L'utilisation des services d'Érudit (y compris la reproduction) est assujettie à sa politique d'utilisation que vous pouvez consulter à l'URI http://www.erudit.org/apropos/utilisation.html Document téléchargé le 24 February 2011 01:32 « Sens d’effectuation et facticité » Laval théologique et philosophique, 53,1 (février 1997) : 59-67 SENS D'EFFECTUATION ET FACTICITÉ* Gunter FlGAL RÉSUMÉ : L'auteur décrit dans cet article les formes que prend l'unité de l'être et du comprendre dans la pensée de Heidegger et de Gadamer. Tous deux interprètent cette unité comme renvoi réciproque du sens d'effectuation, compris en tant que résultat d'un mode de comprendre non objectivant, et de lafacticité. Mais, alors que Heidegger décrit cette unité par le Dasein déchu qui accède à la vérité dans des instants privilégiés, Gadamer la perçoit comme un rapport dialogal qui laisse subsister l'obscurité à travers l'éclaircissement. L'autonomie du langage impliquée par Gadamer dans ce rapport dialogal fera, enfin d'analyse, l'objet d'une critique. SUMMARY : In this article the author describes the forms that the unity of being and of under- standing take in Heidegger's and Gadamer's thought. Both interpret this unity as reciprocal fulfillment, understood as the result of a non-objectivating mode of understanding, and offac- ticity. But whereas Heidegger describes this unity in terms of the fallen Dasein which accedes to truth in privileged moments, Gadamer sees it as a dialogical relation which lets the obscu- rity subsist even through the clarification. The autonomy of language implied by Gadamer in this dialogical relation will be considered in a critical light at the end. I A la question de savoir comment, au fait, le comprendre peut réussir, l'herméneu- tique philosophique de Hans-Georg Gadamer donne une réponse déconcertante par sa simplicité : on doit s'engager dans la chose dont il est question, au lieu de la considérer de l'extérieur comme un objet. Comprendre n'est au fond rien d'autre que cela. Relativement au cas eminent du comprendre artistique, Gadamer affirma autre- fois que l'art est « en effectuation » (GW, 8, 391)1 — ainsi non pas à vrai dire comme œuvre autonome à laquelle on doit rapporter ses pensées, mais comme effectuation * Ce texte est un chapitre de Beitrâge zur hermeneutischen Philosophie, Stuttgart, Reclam, 1996, de Gunter FlGAL. 1. Les citations tirées des écrits de Gadamer seront accompagnées du sigle GW et l'indication du tome et de la page, conformément à Gesammelte Werke, 10 tomes, Tubingen, 1986-1995. 59 GUNTER FIGAL du lire, du jouer, de l'écouter, de la contemplation qui se laisse emporter. C'est préci- sément de la sorte que l'on peut prendre au sérieux les œuvres et leur rendre justice. Elles ne sont pas perçues comme les produits plus ou moins enigmatiques d'un esprit dans lequel nous nous replaçons empathiquement et dont on devrait essayer de subo- dorer les intentions. L'idée de sens d'effectuation de Gadamer est ainsi l'objection la plus puissante contre le plaidoyer de Schleiermacher pour une herméneutique de l'empathie et de la divination. Le dépassement de la pensée de Schleiermacher dut cependant, au préalable, pas- ser par un certain détour. Le fait que l'on perçoive la vérité d'oeuvres et de textes comme « vérité d'effectuation » ne se manifesta qu'après que le sens d'effectuation de l'existence humaine fut devenu clair. Déconcertante de simplicité, la réponse her- méneutique selon laquelle on n'a simplement qu'à s'engager dans une chose pour comprendre, repose ainsi sur « l'herméneutique de la facticite », que Heidegger fait ressortir en tant qu'essence du Dasein. Gadamer résume ainsi le fin mot décisif de l'entreprise heideggerienne : « Comprendre n'est pas quelque chose que le Dasein fait à l'occasion, lorsqu'il croise un contenu de sens ; comprendre est plutôt ce qui le définit comme Dasein. L'homme est un être qui veut comprendre et qui doit se com- prendre » (GW, 10, 366). Identifier Heidegger comme précurseur de l'herméneutique gadamérienne n'a en soi rien de palpitant. En effet, l'histoire de la réception est trop bien connue dans ce cas. Cependant, « comprendre, c'est toujours comprendre autrement » (GW, 10, 141) ; les contextes se déplacent avec chaque acte de compréhension, et celle-ci at- teint la chose dans laquelle on s'engage sous d'autres perspectives, des perspectives parfois même complètement transformées. Une telle transformation se produit dans la conception heideggerienne d'une herméneutique de la facticite, et ceci de façon défi- nitive lorsqu'elle est comprise comme pensée herméneutique orientée à nouveau vers les œuvres et les textes. C'est le cas de Gadamer, chez qui cette pensée s'accentue davantage et peut être saisie plus fondamentalement. Par ces réflexions, on obtient le point de départ pour une révision de la pensée heideggerienne, laquelle exigerait une étude en profondeur. Ceci nous conduirait cependant au-delà de la question qui est discutée ici. II Tournons-nous donc d'abord vers l'« herméneutique de la facticite» heidegge- rienne. Comme Heidegger l'affirme dans son cours du semestre d'été 1923, « facti- cite » se rapporte à « la désignation du caractère d'être de "notre" "propre" Dasein » (GA, 63, 7)2, et «herméneutique» est l'« explicitation » du Dasein, de telle sorte qu'on forme dans le Dasein la possibilité « de devenir et d'être, comprenant pour soi- même » (GA, 63, 15). Ces définitions laissent déjà entrevoir que l'on doit compren- 2. Martin HEIDEGGER, Ontologie (Hermeneutik der Faktizitàt), K. Brôcker-Oltmanns, éd., Frankfurt a. M., 1988 {Gesamtausgabe, t. 63). Les écrits de Heidegger publiés dans l'édition complète (Gesamtausgabe) se- ront cités avec le sigle GA et l'indication du tome et de la page. Le titre et l'éditeur seront cependant don- nés séparément. 60 SENS D'EFFECTUATION ET FACTICITÉ dre la formule de l'herméneutique de la facticité dans un sens double : l'explicitation de la facticité appartient à cette dernière ; là où elle est exécutée, elle possède elle- même le caractère de la factualité. Du même souffle, la facticité du Dasein comme telle ne se fait valoir qu'à travers l'explicitation. De dire Heidegger, à la fois vague et apodictique, il appartient au Dasein « d'être d'une quelconque façon dans l'être- explicité » (GA, 63, 15). On peut à tout le moins retenir ceci : explicitation ou her- méneutique et facticité vont de pair, de telle sorte que l'un clarifie l'autre, et cette cla- rification renvoie à l'unité des deux : la compréhension du Dasein est le Dasein qui se comprend soi-même — il est, tout simplement, Dasein. Au début des années 1920, Heidegger chercha constamment à élucider le carac- tère unitaire du Dasein auto-compréhensif, et par là aussi de corriger le sens propre du langage. Ceci se comprend aisément : que dans le Dasein, on comprend le Dasein, c'est-à-dire soi-même, ne signifie pas qu'il y ait ici une relation à soi, un rapport à soi. Si l'on admet de telles façons de parler, il est inutile d'insister sur ceci que la re- lation à soi, l'intimité à soi ou quelle que soit la façon d'exprimer cette réalité, est « pré-réflexive ». L'assurance s'estompe par la formule « à soi », et devient son pro- pre démenti. Cependant, lorsque Heidegger insiste sur le caractère unitaire du Dasein auto-compréhensif, il ne cherche pas à désavouer la possibilité de la réflexion. Pour lui, la réflexion est à la fois possible et problématique : en elle se fait jour la tendance du Dasein à s'objectiver. De la sorte, le mode d'être spécifique du Dasein se voile, et alors se dessine la tâche centrale de la philosophie : dans une optique philosophique, il s'agit, comme Heidegger le croit, de s'opposer à la tendance objectivante dans le Dasein, afin de parvenir à une réelle, à une libre compréhension de soi. De ce point de vue, la philosophie n'est rien d'autre qu'une herméneutique de la facticité. Elle en est l'expression la plus conséquente, car elle saisit conceptuellement dans le Dasein, sans objectivation, ce que cela signifie que d'être là. Le concept heideggerien d'une philosophie qui doit venir à bout de la possibilité de l'interprétation erronée, propre au Dasein, anime déjà son premier cours d'après- guerre de 1919 d'un pathos qu'on ne peut méconnaître. De façon tout à fait impres- sionnante, et dans le style d'une pratique philosophique tant expressive que rigou- reuse, l'objectivation de soi du Dasein est ici conceptualisée. Elle est décrite comme « dévitalisation » (Entleben) qui s'oppose au « vivre » (Erleben) et comme identique à la détermination de la pensée en tant que « théorie ». Par là, Heidegger en vient à l'un de ses grands thèmes, c'est-à-dire la question de savoir comment la philosophie est uploads/Philosophie/ sens-d-x27-effectuation-et-facticite-por-guenter-figal.pdf

  • 26
  • 0
  • 0
Afficher les détails des licences
Licence et utilisation
Gratuit pour un usage personnel Attribution requise
Partager