HAL Id: hal-02527160 https://hal-normandie-univ.archives-ouvertes.fr/hal-025271

HAL Id: hal-02527160 https://hal-normandie-univ.archives-ouvertes.fr/hal-02527160 Submitted on 3 Apr 2020 HAL is a multi-disciplinary open access archive for the deposit and dissemination of sci- entific research documents, whether they are pub- lished or not. The documents may come from teaching and research institutions in France or abroad, or from public or private research centers. L’archive ouverte pluridisciplinaire HAL, est destinée au dépôt et à la diffusion de documents scientifiques de niveau recherche, publiés ou non, émanant des établissements d’enseignement et de recherche français ou étrangers, des laboratoires publics ou privés. Idéologie et communication Odile Camus To cite this version: Odile Camus. Idéologie et communication. Jean-Pierre Pétard. Psychologie sociale, Bréal, 2007, Grand Amphi Psychologie, 978 2 7495 0604 3. ￿hal-02527160￿ O.Camus/1 Idéologie et communication par Odile Camus "La psychologie sociale est la science des phénomènes de l'idéologie (cognitions et représentations sociales) et des phénomènes de communication." C'est ainsi que Serge Moscovici introduisait, il y a plus de vingt ans, un traité de psychologie sociale qui fait toujours référence (1984, p.7). Dans quelle mesure la psychologie sociale d'aujourd'hui rend- elle effectivement compte de ces deux registres de phénomènes ? Pour ce qui est l'idéologie, il s'agit d'une notion complexe qui subsume la plupart des notions de base de la discipline : représentations sociales en premier lieu, mais aussi attitudes, normes et valeurs, pour les plus étendues. Et la spécificité du regard psycho-social réside précisément dans la lecture idéologique qu'il peut proposer de phénomènes qui se manifestent aux niveaux individuel et inter-individuel (Cf. Wilhem Doise, 1982). Force est pourtant de constater que le terme même d'idéologie est d'une fréquence relativement faible dans le corpus des connaissances psycho-sociales ; et, plus fondamentalement, que les tentatives de conceptualiser l'idéologie y sont marginales. Mais il est vrai que l'on ne saurait ériger l'idéologie en objet de connaissance sans convoquer d'autres disciplines, sociologie et philosophie au premier chef, tandis que la psychologie sociale s'est progressivement transformée en une mosaïque de champs de recherche spécialisés. Il en émane des "micro- théories" non articulées entre elles, comme le regrette Alexandre Dorna (voir par exemple 2002), promoteur en France d'une psychologie politique qui quant à elle ne saurait se définir ni en faisant l'économie du concept d'idéologie, ni en négligeant les apports des autres sciences humaines et sociales. Il existe cependant un champ de la psychologie sociale expérimentale qui rend compte des mécanismes de la reproduction idéologique, champ dont le chef de file est Jean-Léon Beauvois, et qui sera présenté ici dans un premier temps. S'y dessinent notamment quelques caractéristiques essentielles de l'idéologie dominante dont on peut rendre compte via un modèle normatif de la nature humaine : le modèle personnologiste de l'individualisme libéral. Mais dans ces travaux, l'idéologie dominante n'est généralement pas traitée de front. De plus, il n'est pas aisé d'y trouver matière à articuler idéologie et communication. Il faut encore préciser que ces travaux s'inscrivent dans une perspective fonctionnaliste : ils mettent en évidence la fonction de reproduction des processus socio-cognitifs qu'ils décrivent. O.Camus/2 Or, une telle perspective paraît a priori difficilement conciliable avec le constructivisme (le modèle génétique) de Moscovici, qui vise à rendre compte de la construction (genèse) de la réalité sociale, construction qui s'effectue via les relations entre un Ego et un Alter inséré dans un milieu que la communication permet de rendre pour partie commun – car la possibilité même de la communication est compromise quand "nous ne parlons pas le même langage". La psychologie sociale du langage s'est inscrite d'entrée dans une telle perspective, sous l'impulsion en particulier de Rodolphe Ghiglione (1986). Elle étudie en effet les interactions langagières en tant qu'activité de co- construction (voir chapitre 5). L'interaction peut être définie comme processus socialement situé, impliquant au moins deux agents (Je et Tu) en relation dissymétrique potentiellement réversible ; de leur action réciproque résulte un objet aux caractéristiques propres, dont la co-construction s’accompagne d’une modification de la situation initiale, soit des agents eux-mêmes. Le concept d'interaction est donc au cœur de la psychologie sociale, en ce qu'il pose la détermination réciproque des trois pôles Ego-Alter-Objet. C'est d'ailleurs pourquoi l'approche pragmatique en psycho-sociale est susceptible d'interroger tous les domaines de la psychologie sociale : elle a pour objet, d'après Claude Chabrol, l'explicitation des "principes, règles, procédures, conventions, normes et stratégies cognitives, sociales et langagières qui sous-tendent « la compétence communicative » des acteurs sociaux, producteurs et interprétants des échanges quotidiens, constitutifs de la « réalité sociale »" (1994, p.8). Car la communication, comme exposé au chapitre 5, ne saurait se réduire à une transmission d'information au moyen d'un code. Elle suppose une négociation permanente (implicite la plupart du temps) de la signification, laquelle n'est pas donnée à la surface des mots. Et le produit de cette négociation participe de la réalité sociale, qui n'existe en tant que telle que via le partage de représentations. C'est ainsi que se génère la matière idéologique de la signification langagière : il convient en premier lieu de s'accorder sur les connotations des mots, et ce faisant sur les valeurs qui s'y associent, ce que nous étudierons sous un deuxième sous-titre. Cet examen fournira en même temps un éclairage psycho-socio-langagier des mécanismes impliqués dans la reproduction, en dépit du clivage épistémologique relevé ci-dessus. Il en sera de même dans le troisième sous-titre, lequel interrogera directement la compétence communicative sous l'angle normatif : qu'est-ce que "savoir communiquer" aujourd'hui ? C'est donc la communication elle-même qui sera appréhendée ici en tant que construit idéologique. O.Camus/3 Ce tour d'horizon aura certes mis en exergue le poids des déterminismes sociaux sur les interactions langagières. Mais si le discours est pris dans un symbolisme par lequel des significations idéologiques implicites s'imposent automatiquement, il ne lui est pas fatalement asservi, comme le souligne Cornélius Castoriadis qui rappelle que "ce symbolisme est lui- même créé" (1975, p.208sq.) Nous retournerons alors, pour conclure ce chapitre, à quelques propriétés essentielles des interactions langagières, ce pour montrer que la mise en échec des déterminismes par lesquels la réalité sociale se reproduit plutôt qu'elle n'est construite est possible – sous réserve que les hommes aient encore des choses à se dire. Lectures conseillées : Beauvois J.-L. (2005). Les illusions libérales, individualisme et pouvoir social. Petit traité des grandes illusions. Grenoble : PUG. Beauvois J.-L., Joule R.-V. (1981). Soumission et Idéologies (psychosociologie de la rationalisation). Paris : PUF. Bourdieu P., Passeron J.-C. (1970). La reproduction. Eléments pour une théorie du système d'enseignement. Paris : Minuit. Breton P. (1997 ; ed. 2000). La parole manipulée. Paris : La Découverte. Bromberg M., Trognon A. (eds) (2004). Psychologie sociale et communication. Paris : Dunod. Charaudeau P. (1997). Le discours d'information médiatique. Paris : Nathan. Réédité en 2005 sous le titre : Les Médias et l'Information. L'impossible transparence du discours. De Boek- Ina. Charaudeau P., Maingueneau D. (eds) (2002). Dictionnaire d'analyse du discours. Paris : Seuil. Dufour D.-R. (2003). L'Art de réduire les têtes. Sur la nouvelle servitude de l'homme libéré à l'ère du capitalisme total. Paris : Denoël. Ghiglione R., Trognon A. (1993). Où va la pragmatique ? De la pragmatique à la psychologie sociale. Grenoble : PUG. Moscovici S. (1961 ; ed. 1976). La psychanalyse, son image et son public. Paris : PUF. O.Camus/4 Pour aller plus loin : Charaudeau P. (2005). Le discours politique. Les masques du pouvoir. Paris : Vuibert. Castoriadis C. (1975). L’institution imaginaire de la société. Paris : Seuil. Beauvois J.-L. (1984). La psychologie quotidienne. Paris : PUF. Beauvois J.-L. (1994). Traité de la servitude libérale. Analyse de la soumission. Paris : Dunod. Deconchy J.-P. (1989). Psychologie sociale. Croyances et idéologies. Paris : Méridiens Klincksieck. Chabrol C. (1994). Discours du travail social et pragmatique. Paris : PUF. Dubois N. (1994). La norme d’internalité et le libéralisme. Grenoble : PUG. Gauchet M. (2002). La démocratie contre elle-même. Paris : Gallimard. Sfez L. (1988 ; ed. 1992). Critique de la communication. Paris : Seuil. O.Camus/5 A. La reproduction idéologique. La diversité des définitions de l'idéologie, les nombreux questionnements qui surgissent à la moindre tentative de conceptualisation, son inextricable complexité, sont manifestés de façon récurrente dans la littérature. On notera en revanche une remarquable convergence entre approches de la reproduction. 1. Le concept d'idéologie. Par-delà ses multiples définitions, l'idéologie peut être consensuellement définie comme système de représentations, et dont la fonction est orientée vers l'action plutôt que vers la connaissance. L'idéologie constitue en effet un mode de savoir, une "posture cognitive spécifique", pour reprendre les termes de Jean-Pierre Deconchy (2000, p.118), et l'étude scientifique de l'idéologie doit l'intégrer d'emblée "à une des modalités naturelles du traitement cognitif des êtres et des choses" (ibid.) Et sur ce point est largement admise la nécessité, dans les travaux contemporains, de dépasser une certaine lecture dichotomique qui définirait l'idéologie comme vision du monde erronée et dont la science aurait à mettre en évidence les illusions. Cette posture cognitive est néanmoins clairement distincte de la "rationalité scientifique" ; car la "pensée naturelle, sociale", a sa logique propre, logique dont l'étude suppose la mise en relation entre "formes intellectuelles" et "situations sociales", comme l'ont montré les travaux uploads/Philosophie/ manuel2007-pdf.pdf

  • 34
  • 0
  • 0
Afficher les détails des licences
Licence et utilisation
Gratuit pour un usage personnel Attribution requise
Partager