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Tous droits réservés © Revue québécoise de psychologie, 2016 Ce document est protégé par la loi sur le droit d’auteur. L’utilisation des services d’Érudit (y compris la reproduction) est assujettie à sa politique d’utilisation que vous pouvez consulter en ligne. https://apropos.erudit.org/fr/usagers/politique-dutilisation/ Cet article est diffusé et préservé par Érudit. Érudit est un consortium interuniversitaire sans but lucratif composé de l’Université de Montréal, l’Université Laval et l’Université du Québec à Montréal. Il a pour mission la promotion et la valorisation de la recherche. https://www.erudit.org/fr/ Document généré le 27 oct. 2022 05:20 Revue québécoise de psychologie LORSQUE PIAGET, SIEGLER ET FLYNN RENCONTRENT DARWIN WHEN PIAGET, SIEGLER AND FLYNN MEET DARWIN Serge Larivée Volume 37, numéro 2, 2016 URI : https://id.erudit.org/iderudit/1040045ar DOI : https://doi.org/10.7202/1040045ar Aller au sommaire du numéro Éditeur(s) Revue québécoise de psychologie ISSN 2560-6530 (numérique) Découvrir la revue Citer cet article Larivée, S. (2016). LORSQUE PIAGET, SIEGLER ET FLYNN RENCONTRENT DARWIN. Revue québécoise de psychologie, 37(2), 235–261. https://doi.org/10.7202/1040045ar Résumé de l'article L’objectif de ce texte est de montrer que les concepts darwiniens peuvent aider à comprendre le développement et le fonctionnement de l’intelligence humaine. Le texte comprend cinq parties. Dans la première partie, nous abordons brièvement des notions d’intelligence et d’évolution. Dans la seconde, nous exposons les correspondances de certains aspects de la théorie de Piaget avec ceux de la théorie évolutionniste. Dans la troisième partie, nous mettons en évidence que les concepts darwiniens s’appliquent aux deux modèles de développement cognitif élaborés par Siegler. Dans la quatrième partie, nous montrons que l’augmentation des scores de QI au fil des générations (appelée Effet Flynn) peut être imputable aux pressions de l’environnement. Enfin, nous présentons brièvement l’impact de faibles habiletés intellectuelles sur la santé physique et psychologique. Revue québécoise de psychologie (2016), 37(2), 235-261 LORSQUE PIAGET, SIEGLER ET FLYNN RENCONTRENT DARWIN1 WHEN PIAGET, SIEGLER AND FLYNN MEET DARWIN Serge Larivée2 Université de Montréal La théorie de l’évolution établie par Darwin renvoie à un processus de sélection naturelle dont le résultat permet à des individus de survivre, parce que mieux adaptés à leur environnement immédiat. Ce succès adaptatif se traduit alors par la capacité des individus à transmettre leurs gènes à la génération suivante. L’objectif de ce texte n’est pas de montrer comment les concepts développés par Darwin pour rendre compte de l’évolution des espèces peuvent être appliqués au développement du cerveau et, partant de l’intelligence, chez l’espèce humaine. D’autres l’ont bien fait (Balzeau, Grimeau-Hervé, Détroit, Holoway, Combès, & Prima, 2013; Chaplin, Yu, Soares, Gattass, & Rosa, 2013; Clamp, 2001; Geary, 2005; Martin, 1995; Roth & Dicke, 2005). Il s’agit plutôt d’illustrer en quoi certains concepts darwiniens peuvent apporter un éclairage pertinent pour aider à comprendre le développement et le fonctionnement de l’intelligence. Cet article comprend cinq parties de longueur inégale. La première partie présente une brève définition de la notion d’intelligence et en quoi le recours aux concepts évolutionnistes permet de comprendre le développement et le fonctionnement de l’intelligence. Au cours de la deuxième partie, nous rappelons brièvement que passer du biologique au cognitif et d’un sujet épistémique à un sujet réel permettent une lecture évolutionniste de la théorie piagétienne. La troisième partie est consacrée à la présentation des deux modèles de Siegler, l’approche par élaboration de règles et son modèle de développement en vagues. Ce modèle montre que la variabilité des stratégies cognitives constitue une caractéristique centrale du fonctionnement cognitif, ce qui s’apparente au rôle que tient cette variabilité dans la théorie de l’évolution. La quatrième partie traite du phénomène de l’Effet Flynn (EF) qui met clairement en évidence que s’adapter aux complexités sans cesse croissantes de l’environnement exige de meilleures habiletés cognitives. La dernière partie, beaucoup plus brève, fait en quelque sorte écho à la précédente en insistant cette fois sur le fait que de bonnes habiletés cognitives constituent un facteur de 1. Je remercie Cyrille Barette, Laure Cauchard, François Filiatrault, Daniel Paquette, Andrée Quiviger, Carole Sénéchal et Philippe Thiriart pour leurs commentaires judicieux qui ont permis d’améliorer sensiblement le texte. 2. Adresse de correspondance : École de psychoéducation, Université de Montréal, C.P. 6128, succ. Centre-ville, Montréal (QC), H3C 3J7. Téléphone : 514-343-6111, poste 2522. Courriel : serge.larivee@umontreal.ca Lorsque Piaget, Siegler et Flynn rencontrent Darwin 236 protection contre les maladies physiques, mentales et les différentes formes d’inadaptations. INTELLIGENCE ET ÉVOLUTION Intelligence Le concept d’intelligence a toujours soulevé non seulement les passions, mais également véhiculé un grand nombre de mythes (Larivée, 2008). En 1994, la publication de l’ouvrage de Herrnstein et Murray, The Bell Curve, a soulevé un tollé. Devant la quantité de faussetés alors énoncées, Gottfredson a convaincu 52 experts de signer une déclaration commune en 25 points qui synthétise les connaissances qui guident la majorité des spécialistes de l’intelligence. Cette déclaration, Positions scientifiques dominantes concernant l’intelligence, parue le 13 décembre 1994 dans le Wall Street Journal et reprise dans la revue Intelligence (Gottfredson, 1997, p. 13) reste toujours valable. Les deux premiers points de cette déclaration concernent la définition de l’intelligence et de sa mesure. 1. L’intelligence est une aptitude mentale très générale qui implique notamment l’habileté à raisonner, à planifier, à résoudre des problèmes, à penser abstraitement, à bien comprendre des idées complexes, à apprendre rapidement et à tirer profit de ses expériences. L’intelligence ne se résume pas à l’apprentissage livresque, ni à une aptitude scolaire très circonscrite, ni aux habiletés spécifiquement reliées à la réussite des tests mentaux. Au contraire, elle reflète cette habileté beaucoup plus étendue et profonde à comprendre son environnement, à « saisir un problème », à « donner un sens » aux choses ou à imaginer des solutions pratiques. 2. Ainsi définie, l’intelligence peut être mesurée et les tests d’intelligence la mesurent très bien. Ces tests sont parmi les plus précis (en termes techniques on parle de fidélité et de validité) de tous les instruments d’évaluation psychologique. Ils n’ont nullement la prétention de mesurer la créativité, le caractère, la personnalité ou d’autres différences individuelles importantes. Comme on peut le constater, sans prétendre mesurer toute l’intelligence, des éléments de cette définition correspondent à la capacité de résoudre des problèmes et d’opérer les changements nécessaires à son environnement pour y être mieux adapté. RQP, 37(2) 237 Évolution L’efficacité du raisonnement analogique n’est plus à démontrer. Selon Hofstadter et Sander (2013), il est au cœur même de la pensée. En effet, identifier des similitudes entre deux phénomènes, grâce au raisonnement analogique, représente un travail heuristique comme en témoignent le grand nombre de découvertes scientifiques qui en découlent (Gentner et Jeziorski, 1993; Ripoll et Coulon, 2001). C’est le cas du développement cognitif et de l’évolution biologique. L’utilisation de l’analogie évolutionniste pour comprendre les modèles de l’accroissement des connaissances se justifie par une visée commune de la théorie de l’évolution et des théories qui s’intéressent au développement cognitif : l’importance qu’elles accordent aux fonctions aptes à produire du changement. Autrement dit, il importe que dans les deux cas, il y ait des mécanismes qui produisent de la variation, d’autres qui sélectionnent les meilleures variations et d’autres qui produisent des changements adaptatifs réussis. Cette analogie fonctionnelle en jeu dans l’une et l’autre approche permet de recourir à la perspective évolutionniste pour comprendre le développement cognitif. Les biologistes de l’évolution ont en effet été confrontés aux mêmes questions que les psychologues intéressés au développement, c’est-à-dire celles qui concernent le changement. Les objets spécifiques des deux domaines diffèrent, mais les fonctions étudiées restent les mêmes puisque dans les deux cas elles accordent un rôle central à la variabilité, à l’autorégulation et aux diverses circonstances produisant des changements adaptatifs. PIAGET, DU BIOLOGIQUE AU COGNITIF Les travaux épistémologiques de Piaget (1967a) examinent les mécanismes en jeu dans le développement de la pensée. La continuité du biologique au cognitif s’inscrit de plain-pied dans sa conception de l’intelligence. Piaget considère la cognition comme un processus adaptatif prolongeant, tout en les dépassant, les formes d’adaptation élaborées par l’organisation biologique. Celles-ci remplissent en effet une même fonction : assurer, sur le plan biologique, l’adaptation de l’organisme à son milieu et, sur le plan cognitif, l’adaptation des structures cognitives du sujet à la réalité à connaître. Pour exprimer cette continuité adaptative, Piaget a recours à deux processus bien connus en biologie : l’assimilation et l’accommodation. L’assimilation est le processus par lequel les objets sont appréhendés par la structure cognitive (les schèmes) du sujet. L’accommodation désigne la modification des schèmes du sujet sous la pression du milieu, processus nécessaire à toute adaptation à l’environnement. Si l’adaptation cognitive prolonge l’adaptation biologique, elle la dépasse grandement par la richesse des échanges qu’elle rend possibles entre le sujet et le milieu. Ce progrès vers une adaptation toujours plus Lorsque Piaget, Siegler et Flynn rencontrent Darwin 238 large va de pair avec une complexification graduelle des formes d’organisation initiale de l’action et de la pensée. C’est pourquoi tout progrès en termes d’adaptation des schèmes va nécessairement de pair avec des modifications plus ou moins importantes de leur organisation. Ces modifications se traduisent par la formation de nouvelles structures. La continuité adaptative du biologique au cognitif jointe à la variation structurale, qui se manifeste par uploads/Philosophie/ siegler-piaget.pdf
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- Publié le Jul 27, 2022
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