Stéphane Chauvier intervention à l'ens février 2012 La personne J'ai une questi

Stéphane Chauvier intervention à l'ens février 2012 La personne J'ai une question qui est claire : qu'est-ce qu'une personne ? La réponse que je vais proposer, c'est que c'est une conscience de soi incarnée. Mon propos ne prétend pas à l'originalité, puisque c'est la réponse de Locke, dans un passage de l'Essai, II, 27. Je ne vais pas répéter ou expliquer Locke, mais reformuler ses thèses tout en bénéficiant des analyses contemporaines de la pensée en première personne. Je procéderait en 4 temps : 1-pourquoi il y a un problème ? 2-les contraintes pesant sur toute réponse adéquate à la question précédente 3-réponse à la question avec Locke 4- défense de la réponse contre deux objections métaphysiques 1- pourquoi y a t-il un problème ? Personne est un mot d'emploi courant. Ça ne fait pas de problème : vous êtes des personnes, moi aussi. Mais il y a des cas où c'est plus problématique. Par ex : un embryon, des animaux. On peut mobiliser alors le concept de proto- personne. Ou encore : qun qu'on a connu qui est plus la même personne. Ou encore on affirme ça à propos de personne dont la mémoire a été altérée. On voit un seul être humain comme une nouvelle personne, ce qui rend perplexe. Ces diverses perturbations sont le symptômes que le sens du concept est pas entièrement stabilisé. Le sens d'un mot détermine en effet ses conditions d'application. Pourquoi ? Explication 1, d'ordre historique : Ce concept n'a pas toujours été d'usage courant, il est introduit dans la langue philosophique via la théologique chrétienne, et il a dû se faire une place parmi d'autres concepts bien implantés, comme les concepts de substance, l'individu. Il a du lutter pour obtenir une valeur descriptive ajoutée. Par ailleurs, ce concept a du composer avec un autre secteur d'emploi, le secteur juridique, de sorte qu'il a fallu pour les philosophes opérer une hybridation entre la personne des théologiens et celles des juristes. Donc l'histoire est compliquée, mais elle est ignorée de la plupart des locuteurs qui emploient le terme de personne, donc c'est pas pour ça que les gens ont du mal à appliquer le concept. Si l'histoire peut l'expliquer, il faut qu'elle ait laissé des trace dans l'usage présent. Mon hypothèse : Le concept de personne a un statut catégorial ambigu. Pour la faire apparaître, on peut partir de là : on peut l'appliquer à des humains, mais aussi dans des contextes réels ou fictionnels, l'appliquer à des êtres de nature différentes, par exemple : Babar, ange, dieu, ou un extra-terrestre... il se peut que les seules personnes réellement existantes soit humaines, mais notre concept nous permet d'imaginer qu'autre chose que des humains le soient. J'exprimerais cette idée en disant que tout ce qui tombe sous le concept de personne, cad tout ce à quoi on peut appliquer le concept de personne, doit tomber aussi sous un concept de nature. La nature c'est ce qu'est la chose, son essence. Donc par exemple, une personne humaine tombe à la fois sous le concept de personne et d'être humain, l'ange à la fois sous celui de personne et d'ange. Cette particularité de la grammaire logique du concept de personne, sa pluri- naturalité du concept de personne, cad le fait qu'il puisse s'appliquer à des êtres de nature différentes, n'a rien de très original, il y en a plein d'autres. Un juge : ça a bien une certaine nature, mais ça peut s'appliquer aussi bien à un être humain, ou à un dieu. Prédateur : à un poisson, à un humain. J'emprunte qc de technique, à David Wiggins (Substance et identité), la distinction entre des concepts de nature (table, ange), et des concepts de phase (juge, prédateur, étudiant). La différence entre les deux, est double, la première est que ceux de nature sont par définition mono-naturels : ils s'appliquent à une seule nature, alors que ceux de phase sont pluri-naturels. On peut imaginer des contexte fictionnels où des animaux sont des étudiants. La 2ème différence : les concepts de nature, quand ils sont attribués, le sont de manière atemporelle : X est un être humain ? Eh ba il l'est de manière atemporelle. Au contraire, tous les concepts de phase, s'attribuent de manière temporelle. X est étudiant= il est présentement étudiant. Il aurait pu na pas l'être, il ne sera plus. Cette différence temporelle/ atemporelle débouche sur une distinction métaphysique cruciale entre des concepts qui expriment l'essence de l'objet, et ce qui en exprime qc d'accidentel. On est homme par essence, et juge par accident. Pourquoi s'attarder sur cette différence ? Parce que s'il y a un problème avec le concept de personne, c'est que par un bout elle tient du concept de nature, et de l'autre, elle tient du concept de phase. C'est son ambiguïté catégoriale. Une personne semble atemporellement une personne. B est une personne, c'est comme dire que c'est un humain. Mais en même temps, ce concept est un concept est pluri-naturel. Un ange peut être une personne... Donc il y a là une énigme grammaticale et ontologique. Qu'est-ce qu'une personne si des personnes semblent être essentiellement des personnes, et si des êtres de natures différentes peuvent aussi être des personnes, et essentiellement des personnes ? Qu'est-ce que cette essence extra-naturelle que représente le concept de personne ? Comment répondre à une question pareille ? Pas en observant les personnes, mais en tirant de la grammaire du concept des indication sur le profil ontologique des objets auquel le concept s'applique. La grammaire du concept, la manière dont on l'emploie, semble permettre d'identifier trois contraintes : 1- la contrainte d'extra-naturalité. Quelle que soit la réponse qu'on donne à la question qu'est-ce qu'une personne, il faut qu'on comprenne qu'une personne puisse avoir plusieurs natures. 2-elle découle de la précédente, c'est la contrainte d'individuation propre. Considérons un juge, quand on en rencontre un, on a affaire à un certain individu, et quand on en rencontre deux, on a affaire à deux individus, qu'on peut distinguer numériquement. Mais quel est le principe d'individuation du juge ? Comment on les compte ? On compte les individus humains qui sont des juges. Deux juges c'est deux humains qui sont juges, qui se trouvent être des juges. On peut exprimer cette idée de manière plus générale : si un juge est toujours un individu, ce qui individue un juge, c'est ce qui individue sa nature, c'est ce qui en fait un individu humain. Un juge hérité du principe d'individuation de sa nature. Le concept de juge ne fournit pas à lui seul un principe d'individuation ou de comptage des objets. Ce trait vaut pour tous les concepts de phase. Compter des juges, des prédateurs, c'est toujours compter des être individuels d'une certaine nature. Or, c'est précisément ça qui semble ne pas valoir pour les personnes, car on peut les compter directement, sans avoir à compter directement les individus. Ce point est décisif, car si on le rejette, on va traiter le concept de personne comme un concept de phase. Qu'est-ce qui prouve qu'une personne possède son propre principe d'individuation ? On peut invoquer d'abord l'intention de ceux qui ont introduit le concept de personne, dans la langue philosophique, et invoquer leur autorité. Celle que je mentionne, c'est le texte de Richard de St Victor, auteur du 12e, Traité sur la Trinité. « Le mot substance signifie moins quelqu'un que quelque chose, au contraire le mot personne, désigne moins qc que qun. Lorsqu'un objet est si éloigné qu'on ne peut le distinguer, on demande, qu'est-ce que c'est ? Et d'ordinaire on nous répond : c'est un animal, un homme... mais lorsque l'objet est suffisamment près pour qu'on puisse le distinguer, on ne demande plus qu'est-ce que c'est, mais qui est-ce ? Et on répond : c'est Matthieu, c'est le père de Barthelemy...vous le voyez, à la question qu'est-ce que c'est, la réponse est un terme générique ou spécifique ou qc d'analogue (=concept de nature), tandis qu'à la question qui est-ce, la réponse est un nom propre ou un terme équivalent. En disant qu'est-ce que c'est, on s'enquiert d'une nature, en disant qui est-ce, on s'enquiert d'une propriété singulière. En voilà assez pour donner à entendre que le mot substance donne à voir qc plutôt que qun, inversement le mot personne signifie qun plutôt que qc. De plus le mot personne désigne toujours qun qui est un, seul, distingué de tous les autres par une propriété singulière. » Ce texte nous renseigne sur l'intention de ceux qui ont introduit ce concept. Qu'ont-ils voulu désigner, représenter ? Qu'il s'applique à des individus qui ne doivent pas leur individualité à leur nature, mais qui possèdent un principe propre d'individuation, extra naturel, qui en font des individus absolus, séparé de tout. Qun et non un qc. Ce que l'auteur exprime ici de manière théorique est implicite dans l'usage courant du concept. Même si on peut admettre que dans la plupart des cas, compter des personnes, c'est compter des humains, il n'est pas requis pour compter des uploads/Philosophie/ stephane-chauvier-la-personne.pdf

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