UNE APPROCHE PAR COMPÉTENCES EN PHILOSOPHIE ? Michel Tozzi Collège internationa

UNE APPROCHE PAR COMPÉTENCES EN PHILOSOPHIE ? Michel Tozzi Collège international de Philosophie | Rue Descartes 2012/1 - n° 73 pages 22 à 51 ISSN 1144-0821 Article disponible en ligne à l'adresse: -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- http://www.cairn.info/revue-rue-descartes-2012-1-page-22.htm -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Pour citer cet article : -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Tozzi Michel, « Une approche par compétences en philosophie ? », Rue Descartes, 2012/1 n° 73, p. 22-51. DOI : 10.3917/rdes.073.0022 -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Distribution électronique Cairn.info pour Collège international de Philosophie. © Collège international de Philosophie. Tous droits réservés pour tous pays. La reproduction ou représentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorisée que dans les limites des conditions générales d'utilisation du site ou, le cas échéant, des conditions générales de la licence souscrite par votre établissement. Toute autre reproduction ou représentation, en tout ou partie, sous quelque forme et de quelque manière que ce soit, est interdite sauf accord préalable et écrit de l'éditeur, en dehors des cas prévus par la législation en vigueur en France. Il est précisé que son stockage dans une base de données est également interdit. 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Le Parlement européen et le Conseil de l’Union européenne par exemple ont publié des recommandations sur les huit compétences clés pour l’éducation et la formation tout au long de la vie, et décrit « les connaissances, aptitudes et attitudes essentielles qui sont attachées à chacune d’elles » (J.O. du 30-12-2006). La Belgique francophone a publié un décret-mission le 24-7-1997 sur les compétences, cadre réglementaire d’élaboration de tous les programmes. La compétence y est définie comme « une aptitude à mettre en œuvre un ensemble organisé de savoirs, de savoir-faire et d’attitudes permettant d’accomplir un certain nombre de tâches ». Le Québec, le canton de Genève sont connus pour leurs avancées institutionnelles sur cette question, qui ne va pas de soi lorsqu’on passe à la pratique. De son côté, le socle commun français implique d’« être capable de mobiliser ses acquis dans des tâches et des situations complexes, à l’école puis dans la vie » (Décret du 11 juillet 2006). Les élèves disposent désormais d’un livret de compétences à faire valider à l’issue du collège. La philosophie comme discipline scolaire est confrontée à cette évolution : on trouve en effet dans le programme actuel des séries générales français (arrêté du 27-05-03) une référence 22 | Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 150.214.67.105 - 11/04/2012 19h24. © Collège international de Philosophie Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 150.214.67.105 - 11/04/2012 19h24. © Collège international de Philosophie CORPUS explicite à des compétences à développer : « Il convient d’indiquer clairement à la fois les thèmes sur lesquels porte l’enseignement et les compétences que les élèves doivent acquérir pour maîtriser et exploiter ce qu’ils ont appris… » « C’est dans leur étude que seront acquises et développées les compétences définies au titre III ci-dessous. » On y parle d’« apprentissage de la réflexion philosophique », d’« aptitude à l’analyse », de « l’aptitude de l’élève à utiliser les concepts élaborés et les réflexions développées ainsi qu’à transposer dans un travail philosophique personnel et vivant les connaissances acquises par l’étude des notions et des œuvres » On souligne « les capacités à mobiliser »… La philosophie est donc interpellée, d’une part, en tant que matière scolaire – comme les autres – par les nouvelles normes ambiantes de la compétence, d’autre part en tant que démarche réflexive critique sur les évolutions sociétales et scolaires, pour réfléchir sur ce nouveau paradigme (notamment en philosophie de l’éducation) : l’approche par compétences en philosophie est-elle légitime, ou à proscrire ? Peut-elle nourrir la réflexion didactique de la discipline ? A-t-elle des aspects bénéfiques, tant pour les élèves que pour le maître, dans une perspective d’apprentissage du philosopher ? Et si elle apparaissait souhaitable, quelles sont les dérives possibles, et comment les éviter ? II. La démarche théorique et pratique de l’approche par compétences A. La question de la définition du concept Le concept de compétence a été introduit dans les mondes professionnel et éducatif depuis de nombreuses années (les années soixante-dix dans les programmes de l’enseignement professionnel, les années quatre-vingt pour la classe de seconde), et intégré dans une démarche dite d’« approche par compétences ». Ce concept reste discuté dans la recherche, notamment en sciences de l’éducation : définition exacte du concept et de la démarche d’approche par compétences ; question controversée en psychologie cognitive et dans les didactiques de la notion de compétence transversale. Il interroge sur la pertinence de son institutionnalisation (écriture des programmes où l’on met un verbe d’action devant un contenu) ; sur son utilisation en classe (où on le confond souvent avec un simple objectif ou une connaissance procédurale) etc. Il n’est pas totalement stabilisé, et doit donc être utilisé avec prudence épistémologique et méthodologique. La recherche actuelle se nourrit sur ce plan, en France, notamment des recherches en psychologie cognitive et en ergonomie du travail non anglophone. D’un point de vue philosophique, le concept a été confronté par certains à celui d’hexis (disposition acquise et durable par une praxis renouvelée) d’Aristote (Éthique à Nicomaque, livre II, chap. 4), mais celui-ci donnait une dimension éthique à cette | 23 Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 150.214.67.105 - 11/04/2012 19h24. © Collège international de Philosophie Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 150.214.67.105 - 11/04/2012 19h24. © Collège international de Philosophie MICHEL TOZZI sorte de seconde nature ; par d’autres à celui d’habitus de Bourdieu, mais celui-ci, distinct de celui d’habitude, est plutôt inconscient. Parmi les définitions qui circulent, voici quelques exemples francophones de chercheurs reconnus dans le champ éducatif. Une compétence, c’est : • « la capacité d’associer une classe de problèmes précisément identifiée avec un programme de traitement déterminé » (Philippe Meirieu, 1989). • « Une capacité d’action efficace face à une famille de situations, qu’on arrive à maîtriser parce qu’on dispose à la fois des connaissances nécessaires et de la capacité de les mobiliser à bon escient, en temps opportun, pour identifier et résoudre de vrais problèmes » (Philippe Perrenoud, de l’Université de Genève, 1997). Il précise aussi qu’il « s’agit de faire face à une situation complexe, de construire une réponse adaptée sans la puiser dans un répertoire de réponses préprogrammées ». • « Un ensemble intégré et fonctionnel de savoirs, savoir-faire, savoir-être et savoir-devenir, qui permettront, face à une catégorie de situations, de s’adapter, de résoudre des problèmes et de réaliser des projets » (Marc Romainville, de l’université de Namur, 1998). • « Un savoir agir complexe prenant appui sur la mobilisation et la combinaison efficaces d’une variété de ressources internes et externes à l’intérieur d’une famille de situations » (Jacques Tardif, de l’université de Sherbrooke, conférence du 27 avril 2006 dans cette université). • « Être compétent, c’est pouvoir mobiliser un ensemble intégré de ressources, pour résoudre des situations problèmes » (F.-M. Gérard, 2008). Ou bien : « Quelqu’un est compétent quand, placé dans des situations qui impliquent de résoudre un certain type de problèmes ou d’effectuer un certain nombre de tâches complexes, il est capable de mobiliser efficacement les ressources pertinentes pour les résoudre ou les effectuer, en cohérence avec une certaine vision de la qualité ». Il s’agit d’une conception dynamique de la compétence en relation avec les démarches d’apprentissage des élèves, faisant appel à la contextualisation des processus, à leur décontextualisation nécessaire au transfert des acquisitions, et à leur recontextualisation dans de nouvelles situations. Une compétence développe donc une « intelligence des situations » (Jonnaert). Laurent Talbot précise (dans XYZEP n° 34), que « l’approche par compétences est une approche socioconstructiviste, ce qui signifie que l’activité de l’élève est comprise comme essentielle pour l’apprentissage. Ce sont les élèves qui construisent leurs compétences », notamment en réinvestissant des savoirs. 24 | Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 150.214.67.105 - 11/04/2012 19h24. © Collège international de Philosophie Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 150.214.67.105 - 11/04/2012 19h24. © Collège international de Philosophie CORPUS B. Les éléments de la définition Nous retiendrons de cette approche – ce sera la définition que nous testerons dans l’apprentissage philosophique – qu’on on est compétent quand « on peut mobiliser de façon intégrée des ressources internes et externes pour accomplir dans son activité un type de tâche déterminé dans une situation complexe et nouvelle ». Cette définition reprend un certain nombre d’éléments récurrents chez les chercheurs. Exemple : on considère, en classe terminale, qu’un élève est compétent en philosophie s’il sait rédiger convenablement une dissertation le jour du bac. uploads/Philosophie/ tozzi-une-approche-par-competences-en-philosophie.pdf

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