Érudit est un consortium interuniversitaire sans but lucratif composé de l'Univ

Érudit est un consortium interuniversitaire sans but lucratif composé de l'Université de Montréal, l'Université Laval et l'Université du Québec à Montréal. Il a pour mission la promotion et la valorisation de la recherche. Érudit offre des services d'édition numérique de documents scientifiques depuis 1998. Pour communiquer avec les responsables d'Érudit : erudit@umontreal.ca Article Yanick Farmer Laval théologique et philosophique, vol. 57, n° 2, 2001, p. 291-304. Pour citer cet article, utiliser l'information suivante : URI: http://id.erudit.org/iderudit/401352ar DOI: 10.7202/401352ar Note : les règles d'écriture des références bibliographiques peuvent varier selon les différents domaines du savoir. Ce document est protégé par la loi sur le droit d'auteur. L'utilisation des services d'Érudit (y compris la reproduction) est assujettie à sa politique d'utilisation que vous pouvez consulter à l'URI http://www.erudit.org/apropos/utilisation.html Document téléchargé le 21 February 2013 05:44 « Trinité et quaternité chez C.G. Jung : Réflexions sur l'évolution historique du raport à la transcendance » Laval théologique et philosophique, 57,2 (juin 2001) : 291-304 TRINITÉ ET QUATERNITÉ CHEZ C.G.JUNG RÉFLEXIONS SUR L'ÉVOLUTION HISTORIQUE DU RAPPORT À LA TRANSCENDANCE Yanick Farmer Faculté de philosophie Université Laval, Québec RESUME : Cet article tente de définir les enjeux psychologiques, philosophiques et théologiques d'une vision trinitaire et quaternaire de Dieu, à partir de l'analyse des réflexions du psychana- lyste suisse Cari Gustav Jung. Par là nous voulons aussi démontrer que la pensée jungienne offre une alternative intéressante et encore très actuelle aux conceptions théologiques léguées par la modernité. ABSTRACT : This article attempts to define the psychological, philosophical and theological issues of a trinitary and quaternary vision of God, based on a reading of the Swiss psychoanalyst Carl Gustav Jung. We also want to bring out the interesting and still very actual alternative of- fered by Jungian thought to theological conceptions inherited from modernity. L î avènement de la modernité, pour laquelle René Descartes représente une figure marquante, a imprimé un cours nouveau et décisif à l'histoire des idées. Par sa démarche et son objet, la philosophie cartésienne s'est faite l'initiatrice d'un courant de pensée selon lequel l'ordre de la Nature se façonne à partir d'une démar- che introspective et phénoménologique qui prend la conscience individuelle comme seul juge de la vérité. L'originalité de cette position ne résidait pas tant dans l'affirmation de la primauté de la raison — déjà bien présente chez les Grecs — comme dans une vision du monde où la véracité du réel n'est affirmée qu'à travers une structure idéelle subjective devant apparaître comme « claire et distincte » aux yeux d'un jugement intuitif de la conscience. La vérité n'est donc plus découverte, elle est construite. Cette tendance s'est perpétuée au XVIIe siècle, notamment avec Newton, et s'est traduite par une mathématisation du réel qui fut à la base de la nouvelle méthode des sciences de la nature. L'évolution historique de la pensée humaine vers une prise de conscience de plus en plus grande de l'importance du moi rationnel dans l'élaboration de l'ordre du monde prit un tournant nouveau avec l'émergence du romantisme, à la fin du XVIIIe puis au XIX e siècle. Cet état d'esprit, qui se manifestait dans la philosophie autant que 291 YANICK FARMER dans les arts, a voulu davantage insister, probablement en réaction au rationalisme en philosophie et au classicisme dans les arts, sur l'expression des sentiments et de la part affective du moi. Le mouvement romantique n'a sans doute pas été le seul à comprendre la valeur de l'affectivité pour l'équilibre psychique global, mais c'est ce levier qui de toute évidence a été le plus puissant dans les œuvres qu'il a produites, et c'est sûrement cela qui a le plus contribué à lui faire une place particulière dans l'histoire des idées. De ce courant issu de la modernité, et qui se poursuivit dans le romantisme, est née une tendance à mettre en valeur l'individualisme subjectif, à détacher l'espace intérieur de la réalité extérieure et à faire de cette dernière presque une illusion fabri- quée par le moi. Les causes de ce long processus culturel de quasi-déification du sujet sont évidemment multiples et complexes, de sorte qu'il n'est pas aisé de les distin- guer. Étant donné que la production culturelle d'une époque s'appuie avant tout sur les individus appartenant à une communauté ou à un peuple, et que par ailleurs la conscience s'élabore à travers les fonctions régulatrices de la mémoire, on peut penser qu'au moins une partie de l'évolution culturelle repose sur le processus bio- psychologique de formation du moi. L'apprentissage et l'expérience se façonnent à partir de représentations potentielles « mémorisées » et formées en partie d'infor- mations innées et en partie d'informations acquises1. Les premières correspondent aux différentes structures régissant le métabolisme, les pulsions, les instincts et le comportement. Quant aux secondes, elles désignent principalement les images et les souvenirs servant entre autres au raisonnement. Une bonne idée de ces structures nous est d'ailleurs fournie par l'étude de l'éthologie animale et humaine. Ainsi, la mémoire culturelle propre à une société et à une époque données se constitue par l'action conjuguée de l'ensemble des mémoires individuelles et des lieux de trans- mission de la tradition (famille, école, université, bibliothèque, musée, etc.). Dans l'histoire culturelle de l'Occident, la multiplication ainsi que le progrès exponentiel des modes de transmission de la tradition paraissent avoir introduit une logique de développement s'apparentant au développement psychologique du moi chez l'indivi- du. Il est permis de penser que l'accroissement du patrimoine culturel de la mémoire collective, par l'abondance du flot des informations, a contribué à faire grandir l'importance du moi et de sa capacité à « ordonner» le monde extérieur,, Dans ce contexte, l'univers qui apparaissait à un Grec présocratique ne pouvait qu'être très différent de celui qu'observait un moderne. Le contraste s'affirme très nettement lorsque l'on compare le réalisme de la pensée grecque à l'idéalisme souvent ren- contré chez les auteurs modernes. À mesure que le moi s'est imposé dans sa primauté, le sentiment de la liberté et de l'indépendance de l'homme s'est accru pour désormais placer le «sujet» au centre du discours philosophique, ainsi qu'en témoigne déjà l'œuvre de Montaigne au XVIe siècle, ou celles de Descartes et Locke au XVIIe. Cette tendance s'est par la suite accélérée au XIX e siècle pour culminer dans l'œuvre de Nietzsche proclamant la 1. Voir Antonio R. DAMASIO, L'erreur de Descartes, trad. Marcel Blanc, Paris, Odile Jacob, 1995, p. 142- 143. 292 TRINITÉ ET QUATERNITÉ CHEZ C.G. JUNG « mort de Dieu » de même que le caractère nécessairement subjectif de toute connais- sance. Cette modification radicale de l'horizon de la pensée humaine, dont l'évidence se manifeste à travers l'évolution historique des cultures occidentales, s'est bien entendu transposée à l'échelle théologique pour métamorphoser le regard de l'homme sur Dieu et la transcendance. Le développement de la psychologie comme discipline autonome, au XIX e siècle, sous l'impulsion des travaux de Fechner, Herbart, James ou Helmholtz a sûrement beaucoup bénéficié de cet environnement culturel pour asseoir sa volonté d'une compréhension scientifique des mécanismes de l'âme humaine. Ce n'est d'ailleurs pas pour rien que certains auteurs, comme Henri F. Ellenberger dans son Histoire de la découverte de l'inconscient2, associent directement la psychologie à l'esprit romantique. Dans l'espoir d'examiner les transformations historiques et culturelles qu'a subies la conscience religieuse jusqu'à notre époque, il nous a paru intéressant de prendre la psychologie comme un témoin privilégié de la transformation de la perspective humaine à l'égard des questions métaphysiques. Cette approche nous paraît d'autant plus pertinente que l'une des branches principales de la psychologie, à savoir la psychanalyse, s'est portée vers ces problèmes avec l'intention de nous offrir un éclairage nouveau, révélateur de l'esprit régnant à la fin du XIX e puis au début du XX e siècle. Ce n'est toutefois pas à partir de l'œuvre de Freud que nous désirons aborder cette question. On connaît le désir qui parcourt l'œuvre freudienne de donner une légitimité scientifique à l'analyse des phénomènes inconscients. Cet espoir a conduit Freud à adopter un cadre théorique très nettement inspiré par la science du XIX e siècle. Au cœur de sa conception de l'appareil psychique se situent des notions classiques des sciences de la nature comme celle de causalité. C'est sans doute pour- quoi sa définition de l'énergie vitale, la libido, se rattache avant tout à l'aspect sexuel, c'est-à-dire à la base somatique, pulsionnelle et hormonale des processus psychiques. Cela explique la conception clairement matérialiste de la religion chez Freud. Si on peut affirmer que la conception freudienne du problème corps-esprit s'est inspirée de l'esprit scientifique du XIX e siècle pour définir une position matérialiste, il en va tout autrement pour la pensée psychanalytique de Cari Gustav Jung qui infléchit celle de Freud en intégrant le nouveau rapport à la réalité proposé par la physique quantique. Ainsi, à partir des années 1930, au contact du physicien Wolfgang Pauli (prix Nobel de 1945) qui fut son patient, Jung propose une image révolutionnaire de l'inconscient qui adjoint aux processus somatiques, notamment instinctuels, un principe non stric- tement matériel capable d'influencer les processus dits psychiques, tels les pensées, les uploads/Philosophie/ trinite-quartenite-chez-jung.pdf

  • 28
  • 0
  • 0
Afficher les détails des licences
Licence et utilisation
Gratuit pour un usage personnel Attribution requise
Partager