Centre Sèvres – Facultés jésuites de Paris LA THÉORIE CRITIQUE : UNE PENSÉE DE

Centre Sèvres – Facultés jésuites de Paris LA THÉORIE CRITIQUE : UNE PENSÉE DE L'EXIL ? Author(s): Miguel ABENSOUR Source: Archives de Philosophie, Vol. 45, No. 2 (AVRIL-JUIN 1982), pp. 179-200 Published by: Centre Sèvres – Facultés jésuites de Paris Stable URL: http://www.jstor.org/stable/43034534 Accessed: 09-05-2016 05:11 UTC Your use of the JSTOR archive indicates your acceptance of the Terms & Conditions of Use, available at http://about.jstor.org/terms JSTOR is a not-for-profit service that helps scholars, researchers, and students discover, use, and build upon a wide range of content in a trusted digital archive. We use information technology and tools to increase productivity and facilitate new forms of scholarship. For more information about JSTOR, please contact support@jstor.org. Centre Sèvres – Facultés jésuites de Paris is collaborating with JSTOR to digitize, preserve and extend access to Archives de Philosophie This content downloaded from 128.197.26.12 on Mon, 09 May 2016 05:11:10 UTC All use subject to http://about.jstor.org/terms Archives de Philosophie 45, 1982, 179-200. LA THÉORIE CRITIQUE : UNE PENSÉE DE L'EXIL ? par Miguel ABENSOUR à Edmond A. El Maleh RÉSUMÉ : Cet essai tente de décrire les lignes de force de la théorie critique , définie comme une pensée de Vexilt ou de ce que Von appelle à tort r L 'école de Francfort ». Les principaux thèmes abordés sont : l'unité ou la pluralité de la théorie critique , la relation au marxisme , la tâche émancipa- trice de la philosophie , la place de la question politique dans la théorie critique. On pourrait distinguer non pas deux théories critiques comme le soutenaient Horkheimer et Marcuse , mais plutôt trois formes , en mettant en lumière une théorie critique k intermédiaire » entre 1939 et 1947 qui correspondrait à une radicalisation de la théorie et à une redécouverte du politique. Quelle serait alors la relation entre cette troisième théorie critique et la pensée d'Adorno ? Ce qui conduit à une autre question : la relation complexe entre Adorno et W.Benjamin ne constituerait-elle pas une dimension cachée de la Théorie critique ? SUMMARY : This essay attempts to describe the main lines of critical theory , presented as a thought of exile, or of the so wrongly called Frankfurt School The principal themes are : the unity or the plurality of the critical theory , the relationship of critical theory to marxism , the function of philosophy in the struggle for emancipation , the political question in critical theory. One could distinguish not two critical theories , as Horkheimer and Marcuse thought , but rather three forms of the critical theory , by insisting upon an intermediary phase between 1939 and 1947, which corresponds to a radicalization of critical theory and a rediscovery of politics. The author tries to discover the relationship between this third critical theory and the peculiarity of Adorno' s thought . Thus, a new question arises : is not the complex relationship between W. Benjamin and Adorno a hidden dimension of critical theory ? Comment définir la Théorie critique ? Est-ce une école, un lieu, un dogme ? Historiquement, il paraît plus exact et plus satisfaisant de 1 . Ce texte, qui se veut une présentation générale de la théorie critique est issu d'un travail de préparation à un entretien réalisé par Edmond El Maleh, publié dans Le Monde du 2 mars 1 980. This content downloaded from 128.197.26.12 on Mon, 09 May 2016 05:11:10 UTC All use subject to http://about.jstor.org/terms 180 M. ABENSOUR parler de l'Institut de Recherche sociale (Institut für Sozialforschung), fondé officiellement en 1923 avec pour premier directeur Cari Grünberg, Horkheimer n'en prenant la direction qu'en 1931, et d'un organe, la Revue de Recherche sociale (Zeitschrift für Sozial- forschung), publiée de 1932 à 1941. A partir des pratiques, des trajets, de la masse de publications, des écrits de Horkheimer, Pollock, Adorno, Marcuse, etc... est-on autorisé à parler d'école ? École signifie - et on peut penser légitimement aux Saint-Simoniens - la cristallisation, autour de la pensée d'un fondateur, sous forme d'élaboration collective, d'un certain nombre de thèses en doctrine unitaire, voire même en dogme , et la diffusion de ce nouveau système dans un espace public, en vue d'aider au passage d'une époque critique à une nouvelle époque organique. S'il est vrai que le mouvement qui s'est rassemblé autour de Horkheimer aurait pu reprendre à son compte la grandiose vision saint-simonienne de la crise sans précédent de la société moderne, à aucun moment ce mouvement n'a cherché à définir une orthodoxie susceptible de constituer le ciment doctrinal d'un nouveau mouvement social. Comment penser ensemble Théorie critique et école ? La pensée critique - pensée de la crise au sens objectif du terme - est aussi pensée contre le dogmatisme au sens kantien du terme. De cette dualité de traditions (Kant-Marx) exclusive de tout repli sur une école, et sur un système, on peut tirer qu'une approche soucieuse de faire droit à cet anti-dogmatisme doit dans son appréhension du phénomène privilégier la pluralité plutôt que l'unité. Plutôt que d'une école, il s'agit d'un cercle , ou mieux d'un mouvement , au sens où l'on parle d'un mouvement d'avant-garde. A partir d'affinités électives, de rencontres, de recherches communes, un petit groupe d'amis, partageant une même hostilité au monde, se constitue pour entreprendre une critique radicale du temps présent. Expérience récurrente dans la modernité que celle d'une association portée par le souci d'une intervention philosophique ; ainsi, au sein de l'idéalisme allemand, le projet d'Institut critique conçu par Schelling et Fichte en 1799-1800. Peut-être la mise en perspective la plus éclairante serait-elle de voir comment la Théorie critique s'est frayée une voie par un recours à deux types d'expérimentations : la réactivation d'un « parti philosophique » tel que celui des Jeunes-Hégéliens dans les années 1840 en Allemagne, et l'essai, dans le champ de la philosophie, d'une pratique collective « d'avant-garde », assez proche de ce point de vue, semble-t-il, du Collège de Sociologie en France, dont certains membres avaient traversé le surréalisme. Bref, il s'agirait d'une communauté intellectuelle utopique qui, dans sa pratique même, annoncerait la liberté et la spontanéité de l'avenir. This content downloaded from 128.197.26.12 on Mon, 09 May 2016 05:11:10 UTC All use subject to http://about.jstor.org/terms LA THÉORIE CRITIQUE 181 Privilégier la pluralité implique d'abord de périodiser la Théorie critique. Il n'existe pas une, mais plusieurs théories critiques : deux, selon Horkheimer, celle des années 1930, marxiste révolutionnaire, celle des années 1970 qui, en même temps qu'elle effectue une critique du monde administré, abandonne explicitement le projet révolutionnaire et tend à opérer un repli sur des positions strictement défensives. De même pour Marcuse qui reconnaît la dualité de la théorie critique, mais pour en tirer des conséquences inverses, à savoir, l'exigence de repenser la révolution. Encore faudrait-il interroger cette auto-interprétation et voir s'il n'est pas légitime de percevoir chez Horkheimer lui-même, une troisième théorie critique entre 1939 et 1947 qui, loin de congédier le projet révolutionnaire, le radicaliserait, incluerait la lutte de classes dans une critique de la domination, inviterait à une critique de la rationalité , sans pour autant ouvrir la voie à l'irrationalisme. Troisième théorie critique qui, outre son intérêt intrinsèque, mérite d'autant plus de retenir l'attention qu'ignorée de la plupart des interprètes, elle ne serait pas étrangère à la trajectoire d'Adorno, trajectoire originale en ce qu'elle reste irréductible aussi bien à un repli défensif qu'à l'élaboration d'une nouvelle utopie « positive ». Pluralité de cercles aussi ; on pourrait définir ce mouvement en prenant la mesure approximative de cette image, comme un cercle de cercles : au delà du cercle fondateur, il faut compter avec d'autres cercles de collaborateurs dont l'intervention à un moment donné a pu être déterminante, W. Benjamin, au premier chef, Neumann, Kirchheimer, etc. Aussi faut-il s'attacher à saisir ces trajets, et les points de rencontre des trajets qui ont donné naissance à des constellations originales. C'est en partant de cette pluralité, intimement liée à l'antidogma- tisme du mouvement, et en déplaçant l'angle d'approche de la périodi- sation de Horkheimer, que l'on peut dégager ces constellations, ou cristallisations pour, dans un second temps, s'interroger sur l'unité de la théorie critique. On peut distinguer trois constellations principales : 1) La constellation de Königstein, ou les entretiens d'Adorno et de Benjamin, fin 1929. 2) La constellation de 1937, marquée par les deux articles fondateurs : - Théorie traditionnelle et théorie critique de Horkheimer - La philosophie et la théorie critique de Marcuse. 3) La constellation Adorno-Horkheimer pendant les années 1940 d'où sortiront : Horkheimer : Raison et conservation de soi (1942) - Éclipse de la raison (1944) Adorno-Horkheimer : Dialectique de la raison (1947) Adorno : Minima moralia (1951) This content downloaded from 128.197.26.12 on Mon, 09 May 2016 05:11:10 UTC All use subject to http://about.jstor.org/terms 182 M. ABENSOUR Cette troisième forme de la Théorie critique représente très certainement la constellation de loin la plus intéressante et la plus riche pour nous. Consécutive à la rupture que marque l'avènement du fascisme, elle est d'abord découverte de la non-pertinence de la théorie uploads/Philosophie/centre-sevres-facultes-jesuites-de-paris-archives-de-philosophie.pdf

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