1 Presses universitaires de Perpignan Un monde sous surveillance ? | Émilie Lab

1 Presses universitaires de Perpignan Un monde sous surveillance ? | Émilie Labrot, Philippe Ségur La biométrie : enjeux et risques des nouvelles techniques d’identification Marjorie Gréco p. 107-128 Full text « Notre liberté est menacée par le besoin de sécurité et la sécurité elle-même est menacée par le souci obsédant qu’on en a. » ROBERT BENSAÏD La biométrie suscite une attention accrue depuis les attaques terroristes du 11 septembre 2001. Elle est un procédé d’identification de personnes vivantes. Elle utilise des données biologiques ou comportementales, telles que les empreintes digitales, l’iris, la rétine, la forme du visage, de la main, la voix la démarche ou le système veineux. Ainsi, un individu peut-il être transformé en un code informatique permettant de l’identifier. Une suite numérique caractérisant l’élément biométrique est alors déterminée. 2 3 4 5 Avec la biométrie, des systèmes automatisés sont mis en place, ils permettent de reconnaître les personnes avec précision, sans avoir besoin de carte ou de mot de passe. Les techniques biométriques sont basées sur l’idée de la sécurité dans un sens large. C’est un moyen efficace de protection des biens et des personnes. Elle permet un contrôle des individus en s’assurant de l’identité d’une personne, par des procédés qui lui imposent des formes de discipline du corps (placer correctement son doigt, etc.). Foucault 1 l’appelait la « biopolitique », il s’agit de mécanismes de régulation des populations. En d’autres termes en contrôlant, par exemple, qu’un élève est bien inscrit à la cantine, on contrôle également s’il se nourrit bien, quelles sont ses habitudes alimentaires. Du fait que la biométrie est liée à la personne, elle ne peut être utilisée par un imposteur. Il faut cependant tenir compte du risque certain du nombre de personne acceptée à tort lors d’une identification, ce sont les « faux positifs ». De plus, chacun laisse des traces de ses empreintes digitales, dans beaucoup de circonstances de la vie courante (une poignée de porte par exemple), elles sont alors plus ou moins exploitables et peuvent être utilisées à l’insu des personnes pour usurper leur identité. Certains chercheurs de la CNIL, de la Deakin University Australia, de la SAGEM MORPHO inc, ou le docteur Fu Sun, expliquent qu’il y a plus de mille ans, les Chinois utilisaient déjà l’empreinte digitale à des fins de signatures de documents. Également, l’anatomiste Marcello Malpighi étudia les caractéristiques de ces empreintes avec l’aide d’un microscope. Par la suite, le physiologiste Jan Evangelista Purkinge catégorisa les empreintes selon certaines caractéristiques. Sir William Herschel, alors fonctionnaire britannique au Bengale et dépassé par le non respect des contrats qu’il passait avec les marchands, exigeait de ces derniers l’apposition de leurs empreintes digitales sur les contrats. C’est le Docteur Henry Faulds qui donna une impulsion au développement d’un système de classification par la prise d’empreinte. Le Docteur Faulds écrivit à Charles Darwin, pour l’informer de ses découvertes sur les empreintes digitales. Ce dernier le confia à Sir Francis Galton, qui était physiologue, anthropologue et psychologue. Il appliqua alors la méthode à l’étude de l’hérédité. Il démontra que les empreintes digitales sont uniques et ne changent pas avec le vieillissement de la personne. À la même période que Sir Galton, un Français, Alphonse Bertillon, testait à la préfecture de police de Paris une méthode d’identification des prisonniers. C’est ce qu’il nommait l’anthropométrie judiciaire ou bertillonnage, cette méthode consistait à prendre des photographies de personnes, mesurer certaines parties de leur corps, noter les dimensions sur les photos et sur les fiches afin de procéder ultérieurement à des identifications. Il faut également noter les extrapolations du Docteur Lombroso, dans son ouvrage, L’Homme criminel. Etude anthropologique et médico-légale 2. Le procédé d’identification par les empreintes digitales et l’anthropométrie judiciaire furent des techniques adoptées par les 6 7 8 corps de polices du monde. C’est en 1892, qu’un policier argentin fut le premier à identifier un criminel par le biais des empreintes digitales. Par la suite, la dactyloscopie s’imposa et l’anthropométrie judiciaire s’effaça. Plus de cent ans après la mise en place de cette technique par Francis Galton, les grands corps policiers ont accès à de nombreuses données où sont conservées des images d’empreintes digitales de milliers de personnes. Par exemple, en juillet 1998, le fichier automatisé des empreintes digitales (FAED), application informatique commune à la police et à la gendarmerie en France contenait 2 998 223 individus enregistrés 3. Le FBI dispose également d’un système de données conservant des images d’empreintes digitales nommé IAFIS (Integrated Automated Fingerprint Indentification System). L’utilisation de l’empreinte digitale à des fins d’identification des criminels par les policiers est également de plus en plus utilisée par des entreprises et des gouvernements pour des raisons de sécurité, d’identification et d’authentification. Cependant, cette technique est en compétition avec plusieurs autres qui se développent sur le marché, telles que, par exemple, la reconnaissance de la forme de la main, utilisée par le Centre d’éducation physique de l’Université de Montréal. Les techniques biométriques se sont beaucoup améliorées, elles modifient les méthodes de traitement et d’observation. En 1960, Schreider pensait que la topographie du système pileux, la couleur des cheveux, la pigmentation des yeux, ne constituaient pas des caractères « mesurables ». Aujourd’hui aucun caractère n’est exclu. De plus, le premier système de reconnaissance faciale a été élaboré dans les années 1960. Certaines caractéristiques de la personne (yeux, oreilles, bouche) devaient être alors relevées sur une photographie, afin que le système puisse mesurer les proportions, puis effectuer une comparaison aux données de référence. Les technologies actuelles utilisent des représentations mathématiques ainsi que des procédés évolués tels que les logiciels de reconnaissance faciale associés à la vidéosurveillance. Un certain nombre de critiques sont émises à l’encontre de la biométrie, souvent dans une logique mettant en lien les contrôleurs et les contrôlés. Aussi, comme le propose Xavier Guchet 4 (philosophe), il semble utile de dépasser cette simple vision, pour s’attarder sur une analyse des mécanismes du pouvoir biométrique et de ses acteurs. Xavier Guchet évoque la notion de biopouvoir développée par Foucault, qui dévoile une explication à ce qu’est la biométrie. « L’intérêt de la notion de biopouvoir est qu’elle permet justement de décrire des mécanismes de pouvoir en abandonnant l’idée que le pouvoir est une réalité homogène, exercée par un individu ou un petit nombre d’individus considérés comme les sujets du pouvoir. Le biopouvoir est plutôt un ensemble de mécanismes, de micro pouvoirs hétérogènes, régionaux, multiples, qui s’exercent en des points innombrables et n’émanent pas d’une instance souveraine qui leur serait extérieure » 5. 9 10 11 12 13 14 15 I - La complexité des systèmes de reconnaissance biométrique A/ Les différents procédés de l’identification biométrique De plus, la mise en place de la biométrie suscite de multiples interrogations quant à la préservation des libertés fondamentales. Aujourd’hui, les systèmes biométriques d’identification engendrent de nombreux intérêts et dans le même temps de multiples craintes. À partir de ce constat plusieurs problèmes peuvent être soulevés : quelles sont les différentes techniques de reconnaissance biométriques ? Quelles sont les limites techniques des systèmes biométriques ? Quel est l’impact de la biométrie sur les libertés fondamentales ? Enfin quelles sont les évolutions biométriques au sein des Etats membres de l’Union Européenne ? Nous verrons dans un premier temps, la complexité des systèmes de reconnaissance biométrique (I) ; dans un second temps, nous aborderons les perspectives des systèmes de reconnaissance biométrique (II). Il sera traité dans un premier temps des différents procédés de l’identification biométrique (A), puis dans un second temps des limites techniques de l’identification biométrique (B). Depuis les attentats du 11 septembre 2001 au Etats-Unis les technologies d’identification se sont considérablement développées. Pour des raisons de sécurité la surveillance des individus s’est par exemple beaucoup manifestée au sein des aéroports, avec la nécessité d’identifier rapidement les personnes. Cependant, ces technologies ont vu le jour bien avant ces attentats 6. L’empreinte digitale n’est pas, par exemple, une technique d’identification récente, mais elle connaît des évolutions nouvelles. Le développement de l’informatique et des équipements liés à l’optique et à l’électronique a permis de mettre au point des systèmes d’identification. Ces évolutions sont étudiées dans un souci d’améliorer le confort, la performance de ces systèmes, mais également pour lutter contre les craintes qui pèsent sur ceux-ci. Tout le débat tourne autour de l’équilibre entre la protection individuelle et la sécurité. • Les outils de reconnaissance biométrique sont multiples, parmi eux il y a ceux qui sont dits anatomiques 7 : 1°) L’empreinte digitale, la plus ancienne technique et la plus répandue, en fait partie. Elle fut adoptée dès 1903 par la préfecture de police, ce qui explique qu’elle est très utilisée au sein de ce service. Elle peut permettre de différencier de vrais jumeaux 8. Son fonctionnement est basé sur un capteur qui prend une image du doigt, un logiciel repère alors les emplacements, (sillons avec crêtes et vallées), minuties (arche, boucle et tourbillon) et les transforme en un code informatique. Les systèmes haut de gamme sont très performants, ils permettent notamment de vérifier que l’empreinte appartient bien à un uploads/Philosophie/ un-monde-sous-surveillance-la-biometrie-enjeux-et-risques-des-nouvelles-techniques-d-x27-identification-presses-universitaires-de-perpignan.pdf

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