QUEST: An African Journal of Philosophy / Revue Africaine de Philosophie XVII:
QUEST: An African Journal of Philosophy / Revue Africaine de Philosophie XVII: 35-48 CIVILISATION OU BARBARIE? Lecture synthétique et critique de Civilisation ou Barbarie de Cheikh Anta Diop Par Jean-Luc MALANGO KITUNGANO S.J. RESUME: Publié en 1981, le livre Civilisation ou Barbarie de Cheikh Anta Diop continue à susciter deds débats houleux dans le cercle des égyptologues . La prétention de ce livre était de démasquer les aspects pernicieux de l’idéologie raciste eurocentriste par des moyens scientifiques. 24 ans plus tard, il sied d’en faire la critique en s’appuiyant sur ses critiques pour saisir la pertinence de cette oeuvre. MOTS CLE: Civilisation, Barbarie, Egyptologie, philosophie africaine, Cheikh Anta Diop ABSTRACT: Published in French in 1981, Civilisation ou Barbarism by Cheikh Anta Diop continues to arouse lively debates amongst Egyptologists. The book aimed at un- veiling the pernicious aspects of the eurocentric racist ideology, by means of scientific argument. A quarter of a century after its publication, it is worth undertaking a synthétic and critical reading of this book, backed by its critics, in order to emphasize the perti- nence of its purpose. KEY WORDS: Civilisation, Barbarism, Egyptology, African philosophy, Cheikh Anta Diop Cheikh Anta Diop: ce nom est parmi les plus connus des savants spécia- listes de l’histoire en général, et de celle de l’Egypte en particulier. Dans les milieux intellectuels et universitaires, il ne laisse pas indifférents ceux qui l’ont lu. Soit on l’admire, soit on en fait une idole, soit encore, on le déteste et à coup sûr, on rejète ses thèses sans autre forme de procès. Ses thèses sur l’origine de l’humanité en général et l’Egypte pharaonique en particulier, furent « problématiques » par le passé et continuent à soulever aujourd’hui encore des débats houleux, féconds mais contradictoires entre chercheurs des différents courants égyptologiques et idéologiques. © 2005 QUEST: An African Journal of Philosophy / Revue Africaine de Philosophie – ISSN 1011-226 for reprinting, anthologising, reproduction, subscriptions, back issues, submission of articles, and directions for authors: http://www.quest-journal.net Jean-Luc Malango Kitungano S.J. Introduction Né en 1923 dans le village de Caytou, au Sénégal, mort dans la nuit du 7 au 8 février 1986, ce savant sénégalais a établi, devant le monde scientifique, une thèse portant sur l’antériorité de l’homme noir et de sa civilisation en usant des méthodes scientifiques pertinentes d’une part. D’autre part, Il a exploré, de manière intelligente, les données de différentes sciences dont la paléontologie, l’histoire, la physique, l’anthropologie physique, les sciences sociales, la linguistique (…) pour assoire scientifiquement ses intuitions. En plus de Civilisation ou barbarie1 qui fait l’objet de notre étude, il compte à son actif plusieurs ouvrages2. Il a également publié plusieurs arti- cles sur l’Afrique3. Nous allons essayer de dégager les arguments culturels, mieux, les thèses principales de l’ouvrage Civilisation ou Barbarie. Notre travail comportera trois sections, en plus de l’introduction et de la Conclusion. Dans la première section nous allons précisé le contexte historique et idéologique dans lequel s’inscrit l’œuvre de Cheikh Anta Diop et le but poursuivit en écrivant Civili- sation ou Barbarie. Dans la seconde section, nous allons recenser briève- ment les différentes thèses qui se dégagent de l’ouvrage et enfin nous relèverons les objections faites à ces thèses par d’autres chercheurs en pro- posant, entre autre, notre point de vue. Contexte historique et ideologique, but de l’ouvrage Civilisation ou barbarie 1.1.Contexte historique et idéologique L’œuvre de Cheikh Anta Diop s’inscrit à l’antipode de la vision “eurocen- triste” du monde. Au moment où il entreprend ses premières recherches his- toriques (autour des années 50), l’Afrique noire est sous la domination 1 Cheikh Anta Diop, Civilisation ou Barbarie, Paris, Présence Africaine, 1981, p. 528. 2 Voire bibliographie à la fin de cet article. 3 Voire bibliographie à la fin de cet article. 36 Lecture synthétique et critique de Civilisation ou Barbarie de Cheikh Anta Diop coloniale européenne et les préjugés de certains scientifiques continuent à la considérer comme un continent anhistorique. Au plan intellectuel, certains scientifiques idéologues essaient tant bien que mal de prouver l’infériorité intellectuelle du nègre. Les thèses de Lévy Bruhl portant sur la mentalité archaïque ou celle des primitifs continuent à être appliquées aux noirs d’Afrique. L’institut d’ethnologie de France crée en 1925 par lui poursuit des recherches systématiques sur ses thèses. La vision d’une Afrique noire anhistorique dans le sens où ses habitants, les nègres, n’ont jamais été res- ponsables d’un seul fait de civilisation s’impose et s’encrent dans les cons- ciences. L’Egypte continue à être rattachée à la civilisation orientale ou méditerranéenne. Cheikh Anta Diop va prendre le contre-pied théorique de ce milieu solidement établi dans l’enceinte même de l’université française. Sa thèse refusée, il persiste en publiant ‘‘Nations nègres et culture’’ en 1954. Dans ce livre, l’auteur fait la démonstration que la civilisation de l’Egypte ancienne était négro-africaine. Par des investigations scientifiques, il remet en question les fondements mêmes de la culture occidentale, notamment en ce qui concerne la genèse de l’humanité et de la Civilisation. A partir des connaissances accumulées et assimilées sur les cultures africaines (notam- ment la connaissance approfondie de la culture des Wolofs ), de celle arabo- musulmane ainsi que celle de l’Europe, Cheikh Anta Diop élabore les contributions majeures dans différents domaines et plus particulièrement en histoire, en archéologie et en physique. L’ensemble de ses œuvres histori- ques se présente comme cohérente en ses éléments. Celles-ci s’approfondissent ou abordent un nouveau contour de la même problémati- que à savoir: la reconstitution scientifique du passé de l’Afrique et la restau- ration d’une conscience historique africaine, s’articulant autour de l’Egypte antique. A ce titre, Cheikh A. Diop est peut être classé parmi les tenants du diffu- sionisme culturel dont le foyer serait en Egypte nubienne. But de l’ouvrage Civilisation ou Barbarie Quel est le but poursuivit par le livre Civilisation ou Barbarie? Dans l’introduction du livre (p. 9-10), Cheikh Anta Diop précise que son livre est un matériau de plus, du travail qui a permis d’élever l’idée d’une Egypte 37 Jean-Luc Malango Kitungano S.J. nègre au niveau d’un concept scientifique opératoire. Il s’assigne, d’une part, la mission de dénoncer la lignée des égyptologues de mauvaise foi qui ont falsifiés de manière consciente l’histoire de l’humanité. D’autre part, il veut contribuer à faire de l’idée que les égyptiens étaient des Noirs, un fait de la conscience historique africaine et mondiale surtout un concept opératoire: le retour à l’Egypte dans tous les domaines est la condition nécessaire pour réconcilier les civilisations africaines avec l’histoire, pour pouvoir bâtir un corps de sciences humaines modernes. Pour renouer avec la culture africaine, un regard vers l’Egypte antique est la meilleure façon de concevoir et de bâtir le futur culturel de l’Afrique. «L’Egypte jouera, dans la culture africaine repensée et rénovée, le même rôle que les antiquités gréco-latines dans la culture occidentale .»4 Autant la technologie et la science moderne viennent d’Europe, autant, dans l’antiquité, le savoir universel coulait de la vallée du Nil vers le reste du monde, et en particulier vers la Grèce, qui servira de maillon intermédiaire. Les jeunes philosophes doivent, comprendre à la lumière de l’ouvrage, qu’aucune pensée, aucune idéologie n’est, par essence étrangère à l’Afrique. Par ailleurs, ils doivent se doter des moyens intellectuels nécessaires pour renouer avec le foyer de la philosophie en Afrique qu’est l’Egypte, au lieu de s’enliser dans le faux combat de l’ethnophilosophie. Il leur faut une rupture avec l’étude structurale atemporelle des cosmogonies africaines5. Les theses culturelles de l’ouvrage Cheikh Anta Diop fonde son argumentation sur les données de la chronolo- gie absolue, de l’Anthropologie physique et de l’archéologie préhistorique pour montrer que l’Afrique est le berceau de l’humanité, non seulement au stade de l’homo erectus, mais aussi au stade de l’homo sapiens. Autour de cette thèse centrale, plusieurs axes d’analyse sont ouverts, en ce qui concerne les négroïdes en général, et l’Egypte comme berceau de la civilisa- 4 Op. cit, p. 12. 5 Op. cit., p. 13. 38 Lecture synthétique et critique de Civilisation ou Barbarie de Cheikh Anta Diop tion antique, en particulier. Les recherches paléontologiques et archéologiques de Leakey, ont per- mis de placer le berceau de l’humanité en Afrique orientale, dans la région des grands lacs africains, autour de la vallée de l’Omo. Deux conséquences découlent de cette découverte selon C.A. Diop: Une humanité née sous la latitude des grands lacs est nécessairement pigmentée et négroïde; la loi de Gloger veut en effet que les animaux à sang chaud soient pigmentée en climat chaud et humide. Toutes les autres races sont issues de la race noire par filiation plus ou moins directe, et les autres continents ont été peuplé à partir de l’Afrique, tant au stade de l’Homo erectus qu’à celui de l’homo sapiens, qui apparut il y a environ 150.000 ans. Ce sont donc les négroïdes qui peuplèrent le reste du monde. La civilisation Egyptienne est partie du cœur de l’Afrique, du sud vers le nord, que la royauté nubienne est antérieure à celle de la Haute Egypte et lui a donnée naissance6. Il découle de cette découverte, une relation de uploads/Philosophie/cheikh-a-diop-civilisation-ou-barbarie.pdf
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- Publié le Fev 11, 2022
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