Science étonnante De la science étonnante, amusante, ou simplement intéressante
Science étonnante De la science étonnante, amusante, ou simplement intéressante 1+2+3+4+5+6+7+… = -1/12 ! (https://sciencetonnante.files.wordpress.com/2013/05/sum1.png)Les mathématiciens sont parfois un peu fêlés. En tout cas ils aiment bien essayer de repousser les limites de notre compréhension, quitte à défier le sens commun. Prenez par exemple la somme suivante : 1+2+3+4+5+6+7… et ainsi de suite. Combien vaut cette somme ? Je pense que n’importe quel écolier censé répondrait « l’infini ». Eh bien oui, mais non. Les mathématiciens ont réussi à prouver que cette immense somme vaut en fait … -1/12 ! Nous allons nous aussi le démontrer, et rassurez vous, dans ce billet on ne va utiliser que l’addition ! Edit du 19/01/2014 : après toutes les controverses suscitées par ce billet, j’ai décidé d’en écrire un autre pour justifier pourquoi ce que je raconte ici n’est pas juste un délire de mec qui manipule des objets mathématiques n’importe comment. Vous pouvez commencer par lire ce billet, mais si cela vous indigne et que vous voulez creuser, n’oubliez pas d’aller lire la suite ici : Le scandale des séries divergentes (https://sciencetonnante.wordpress.com/2014/01/20/le-scandale-des-series-divergentes/) ! Échauffement, niveau 1 A titre d’échauffement, commençons par une somme un peu plus simple : 1 – 1 + 1 – 1 + 1 – 1 + … Combien vaut cette somme ? Les plus malins remarqueront que la valeur de cette somme oscille entre 0 et 1 au fur et à mesure qu’on lui ajoute des termes. Si on veut vraiment affecter une valeur « moyenne » à cette somme infinie, on peut taper entre les deux et choisir 1/2. Eh bien on peut en fait rigoureusement démontrer que cette somme vaut bien 1/2. Voici l’idée : appelons A cette somme, on pose donc A= 1 – 1 + 1 – 1 + 1 – … On peut ensuite observer que A = 1 – 1 + 1 – 1 + 1 – … = 1 – (1 – 1 + 1 – 1 + 1 – …) mais on reconnait que le terme entre parenthèses n’est autre que A lui-même, on a donc l’égalité A = 1 – A et vous pouvez facilement résoudre cette équation pour trouver A = 1/2. Facile et amusant, non ? Alors passons au niveau suivant. Échauffement, niveau 2 Considérons maintenant la somme B = 1 – 2 + 3 – 4 + 5 – 6 + 7 – … Il s’agit encore d’une somme oscillante, mais cette fois-ci les oscillations deviennent de plus en plus grosses ! Cette fois-ci on remarque que B = 1 – (2 – 3 + 4 – 5 + 6 – 7 +…) et en décomposant en deux morceaux le terme entre parenthèses on a B = 1 – (1 – 2 + 3 – 4 + 5 – 6 + 7 – …) – (1 – 1 + 1 – 1 + 1 – …) Or ici on reconnait dans la première parenthèse la somme B dont on est parti, et dans l’autre parenthèse la somme A que l’on a évaluée au paragraphe précédent. On a donc B = 1 – B – A Comme on a calculé que A vaut 1/2, on en tire B = 1 – B – 1/2 et donc B = 1/4. Vous voyez qu’avec de simples opérations arithmétiques, on peut attribuer une valeur bien définie à cette somme infinie oscillante ! Passons aux choses sérieuses Venons-en à notre somme monstrueuse, et appelons la S. S = 1 +2 + 3 + 4 + 5 + 6 + … Cette fois ci, la somme n’oscille plus : elle file carrément vers l’infini à grande vitesse ! Et pourtant voici ce que l’on peut faire : prenons la somme S et retirons-lui la somme B S – B = (1 +2 + 3 + 4 + 5 + 6 + …) – (1 – 2 + 3 – 4 + 5 – 6 + …) Vous voyez que les termes impairs se compensent et que les termes pairs sont doublés, on a donc S – B = 2 * (2 + 4 + 6 + 8 + …) = 4 * (1 + 2 + 3 + 4 + …) et ici à droite on reconnait entre parenthèses notre somme S ! On a donc S = B + 4S ou encore S = -B/3. Comme on a vu que B = 1/4, on arrive donc au résultat tant attendu S = – 1/12. CQFD ! Cela peut vous paraître choquant, vous pouvez chercher la faille, ou vous imaginer que l’on peut démontrer n’importe quoi de ce genre en tripotant des sommes infinies. Eh bien non, si on respecte quelques règles élémentaires, quelle que soit la manière dont on s’y prend, on trouve que si on veut affecter une valeur finie à cette somme monstrueuse, alors -1/12 est l’unique valeur qui colle. Tout cela a-t-il un sens ? (https://sciencetonnante.files.wordpress.com/2013/05/singe.jpg)Du point de vue strictement mathématique, on peut donner un sens formel bien défini à ces calculs. Il suffit juste de généraliser un peu la notion de somme infinie. Ce qui est plus drôle, c’est que cette somme infinie bizarre joue aussi un rôle important en physique théorique. Pour ma part, je l’ai croisée pour la première fois lors d’une étude sur l’effet Casimir. Cet effet (qui n’a rien à voir avec l’île aux Enfants) a été prédit par le physicien hollandais Hendrik Casimir, et prévoit que deux plaques parallèles conductrices placées dans le vide vont s’attirer à cause des fluctuations de l’énergie du vide (énergie dont je parlais dans ce billet (https://sciencetonnante.wordpress.com/2012/05/14/la-plus-grosse-erreur-de-toute-lhistoire-de- la-physique/)). Et pour calculer la force subie par les plaques, on utilise l’égalité 1 + 2 + 3 + 4 + … = -1/12 ! Et ça marche, car cette force a été mesurée expérimentalement ! (https://sciencetonnante.files.wordpress.com/2013/05/string-theory.png)Mais il existe une autre branche de la physique où cette égalité joue un rôle essentiel, il s’agit de la fameuse théorie des cordes. Comme vous le savez peut-être, cette théorie affirme nous vivons dans un monde à 26 dimensions (ou 10 ou 11, c’est selon). Les cordistes aiment dire que c’est ce que « prédit » la théorie, mais la réalité est un peu différente : ce nombre de dimensions n’est pas une prédiction de la théorie, mais plutôt un prérequis pour que la théorie ait mathématiquement un sens. J’ai déjà eu l’occasion d’évoquer cette histoire (dans ce billet (https://sciencetonnante.wordpress.com/2011/03/14/non-lunivers-na-pas-10-dimensions/)), mais en gros ce qu’il faut savoir, c’est que si vous essayez de construire une théorie des cordes en dimension D=4, ça ne marche pas, car on trouve plein d’infinis partout. On pourrait être tentés d’abandonner l’idée, sauf qu’un jour quelqu’un a remarqué que les infinis disparaissaient si on choisissait D=26. Et c’est comme ça que les théoriciens des cordes, pour sauver leur belle théorie, ont décidé de se placer en dimension D=26 et de continuer l’aventure comme si de rien n’était. Mais au fait, pourquoi D = 26 est-elle la dimension magique dans laquelle la théorie marche sans que les infinis apparaissent ? Si on fait le détail du calcul, on trouve que le terme infini qui fout le bazar est en fait proportionnel à or si vous observez cette équation deux minutes, et que vous admettez que 1 + 2 + 3 + 4 + … = -1/12, vous remarquez que tout ce terme devient nul pour D=26, et les infinis disparaissent de la théorie ! Voilà d’où vient le nombre magique, appelé « dimension critique ». (Pour les esprits pointilleux, j’ai raconté ici le calcul tel qu’il se présente pour la théorie dite des « cordes bosoniques », qui est la plus simple. On sait depuis longtemps que cette théorie ne fonctionne pas pour d’autres raisons, et on favorise plutôt les théories « supersymétriques » pour lesquels le nombre magique de dimensions est 10, mais l’idée est la même.) Pour les plus courageux, je propose deux pistes pour aller plus loin : l’une est mathématique (et parle de la définition formelle de ces sommes infinies pas si infinies), l’autre est physique et parle de l’effet Casimir, et nous donne une vision amusante sur ce que signifie vraiment ce -1/12. Pour aller plus loin : une justification mathématique Si vous n’êtes pas convaincus qu’assigner des valeurs finies à ces sommes infinies peut avoir un sens, voici quelques éléments sur le formalisme mathématique sous-jacent. Si on considère une suite , on dit généralement que la série est (simplement) convergente si on peut assigner une limite à la suite des sommes partielles. Pour les suites pour lesquelles la série est simplement convergente, appelons l’opérateur qui associe la limite de la suite des sommes partielles. Mais il existe plein de pour lesquelles cette condition n’est pas vérifiée, et les 3 exemples de ce billet en font partie. La question que l’on peut se poser est : existe-t-il une généralisation de l’opérateur qui soit définie sur un ensemble plus large que les séries simplement convergentes, mais qui bien sûr coïncide avec sur cet ensemble. Petite uploads/Philosophie/ 1-2-3-4-5-6-7-1-12.pdf
Documents similaires
![](https://b3c3.c12.e2-4.dev/disserty/uploads/preview/p8TW09PUZZNPWi5QB2eUiArHgQ9jLm0fks7DmpOv3sUMHj4yrvAZe4dMA3YqZUddv1ZhnVOxIRp8IW3DISnBDZhd.png)
![](https://b3c3.c12.e2-4.dev/disserty/uploads/preview/9MlAS5pPg0VpVruWqLzqMLWvwMRbon5WjGVkvc34PjBpEEOq5JXEstY9YPbC2DOmdpPF9fHkWqfIyqXkwWYZrxWw.png)
![](https://b3c3.c12.e2-4.dev/disserty/uploads/preview/keYFzmYqXJXg4Oem38MjTxuaOPnvEVR2i4hhxcUCpoRtWlbaLFDepFc7Yw2kxGE30bes4hV2mS67rsszRIkEbGpD.png)
![](https://b3c3.c12.e2-4.dev/disserty/uploads/preview/VmzHoA6eRj6G33WtEYtTPs8UezBFXNrwbhASkbj0njdvdRwDutkUUBAM8aYQGjZEXlSVzPjpWvM8zkHanTyWDdlF.png)
![](https://b3c3.c12.e2-4.dev/disserty/uploads/preview/TegXbXH7ZLBlHBaAySYo6KTBgYv7gzuODuVlZtomegN6vs6kjRocn5wF3U7ofj7prEFNiDPFQ19Pt3wdD2uwz9Zi.png)
![](https://b3c3.c12.e2-4.dev/disserty/uploads/preview/ejyJchXg3WXsb1t5q0Ym9r67dlzzJwn2y5sAkJAMPUxRkaoJpspxtbBCqf0pKj93BQ06cWoBbPyAQg59O8zSiq9f.png)
![](https://b3c3.c12.e2-4.dev/disserty/uploads/preview/mQJt51E6lUajKl9YGUNbWtZRTY8hd8pnjMRD6UXu8Shf55rlxQyFraqxPxyjgJmSi8bK8G4aFcZpnhI2oQasAI1W.png)
![](https://b3c3.c12.e2-4.dev/disserty/uploads/preview/6ThH1RRWjodrCxWBMusL3FZ2pTUEIgzapup8404q7M0EbTc5dcEoqOI474vBn0nChzlCvRzo8QOgPXKY8c1WH5fY.png)
![](https://b3c3.c12.e2-4.dev/disserty/uploads/preview/S0lonTn3PgQw2SgEQcIC7CC0MzBF05Y8Gn2ye1huoMdMZxk3tZat5JXmDSLhUJ2Nkjk6HBzsbB5qZBNUsYWi8Tbn.png)
![](https://b3c3.c12.e2-4.dev/disserty/uploads/preview/USVeOD3QENKH08B2NosMhsfeHGHDLUivmeIl5HWYrroswjmap6p5RfROaIbf704LpayNW8znBaO9tpoZM78cfGcd.png)
-
22
-
0
-
0
Licence et utilisation
Gratuit pour un usage personnel Attribution requise- Détails
- Publié le Oct 06, 2021
- Catégorie Philosophy / Philo...
- Langue French
- Taille du fichier 1.9980MB