N° 809 Difficultés d’apprentissage du concept d’oxydoréduction Deuxième partie

N° 809 Difficultés d’apprentissage du concept d’oxydoréduction Deuxième partie par Mohamed SOUDANI et Danièle CROS Étude et recherche sur l’enseignement scientifique L.R.D.S. - Case 39 - Université Montpellier II Place Eugène Bataillon - 34095 Montpellier RÉSUMÉ Cet article fait partie d’une étude plus globale sur les conceptions et obstacles dans l’enseignement et l’apprentissage du concept d’oxydoréduction, du secondaire à l’université. Son objet est de faire un bilan des acquis en oxydoréduction des élèves ar- rivant à l’université et issus du nouveau programme de 1ère S (1994/95). Ce bilan est recherché dans un but comparatif entre les acquis de ces élèves et de ceux issus du pro- gramme précédent afin de tenter d’identifier quelques origines de leurs difficultés. Tous deux non satisfaisants, ces acquis sont quasiment les mêmes. Une origine de ces difficultés semble alors résider dans le choix du contenu et de l’approche utilisés. Nous avons enfin initié une proposition pour l’enseignement de ce concept qui sera développé dans un article ultérieur, après avoir précisé son statut épistémologique et explicité sa trame conceptuelle. 1. INTRODUCTION Ce travail fait partie d’une étude menée sur les conditions d’enseignement-appren- tissage de l’oxydoréduction dont la première partie a déjà été publiée dans le numéro 788 du BUP [1]. Dans cette première partie nous avons souligné l’intérêt de la notion de nombre d’oxydation dans la reconnaissance des réactions d’oxydoréduction et des cou- ples redox et l’insuffisance du modèle de l’oxydoréduction par transfert d’électrons. Nous avons remarqué que les étudiants issus de l’ancien programme de 1986 des clas- ses de 1ères S [2] n’avaient pas acquis la notion de nombre d’oxydation et qu’ils ne mo- bilisaient que le modèle de transfert d’électrons, ce qui les amenait à se tromper dans l’identification des réactions et des couple redox qui leur étaient présentés. Cela se jus- tifiait par la non-insistance de ce programme sur l’utilisation de cette notion. Vol. 92 - Décembre 1998 M. SOUDANI et D. CROS BULLETIN DE L'UNION DES PHYSICIENS 1865 Nous nous intéressons, dans cette deuxième partie de l’étude, non seulement aux conditions d’apprentissage de ce concept mais aussi aux «effets» dus au changement du programme de chimie des classes de 1ères S en ce qui concerne l’oxydoréduction. En ef- fet, dans le nouveau programme en vigueur depuis l’année scolaire 1994/95 [3], les ob- jectifs assignés à ce concept ont subi une légère modification. On insiste davantage sur la notion de nombre d’oxydation : en utilisant la notion de nombre d’oxydation, les élèves doivent être capables de reconnaître une réaction d’oxydoréduction et d’identifier les couples redox. [3] 2. MÉTHODOLOGIE Nous avons entrepris une enquête auprès de 257 étudiants de 1ère année universi- taire (1996/97, section scientifique). La moitié de cet échantillon est issue de l’ancien programme [2] et a déjà suivi l’enseignement du premier semestre du DEUG A de l’an- née universitaire 1995/96, elle redouble donc sa première année universitaire. L’autre moitié, arrivant à l’université, est issue de l’enseignement du nouveau programme. Les tests ont été soumis aux étudiants dans les mêmes conditions que dans l’en- quête précédente [1]. La comparaison a porté sur trois groupes : • le premier groupe (G1) est constitué de 233 étudiants issus de l’ancien programme des 1ères S [2]; et a été testé dans l’étude précédente [1], • le second groupe (G2) est constitué de 128 étudiants «redoublants» en première année universitaire (1996/97) et issus de l’ancien programme des 1ères S [2], • le troisième groupe (G3) est constitué de 129 étudiants de 1ère année universitaire (1996/97) et issus du nouveau programme des 1ères S [3]. 3. RÉSULTATS 3.1. Définitions : Oxydation et réduction Étant donné que le modèle interprétatif le plus utilisé pour l’enseignement du thème de l’oxydoréduction, au lycée et à l’université, est le modèle électronique, nous nous attendions à ce que les items correspondant au transfert d’électrons choisis par les étudiants soient corrects. Mais il n’en est rien. Nous remarquons sans ambiguïté que, ni les redoublants, ni les «nouveaux» ne font de différence entre oxydation et réduction, les pourcentages de bonnes réponses étant pratiquement identiques (entre 42 % et 46 %). Les pourcentages, pratiquement identiques pour les items gain et perte d’élec- trons, montrent que les étudiants ont du mal à préciser le sens du transfert d’électrons dans chaque processus (oxydation ou réduction). Difficultés d’apprentissage du concept d’oxydoréduction BUP n° 809 1866 BULLETIN DE L'UNION DES PHYSICIENS Les résultats obtenus nous permettent de dire que les étudiants testés au cours de cette étude (même des redoublants) ont toujours du mal à se repérer dans la «jungle ter- minologique» du concept oxydoréduction (oxydation, réduction, perte d’électrons et gain d’électrons...). Nous avons souligné [1] que les étudiants, n’utilisant que le modèle de transfert d’électrons, sont confrontés à des obstacles de type langagier : l’interférence du sens commun avec le sens chimique de ces termes. Le mot réduction, par exemple, dans l’esprit de l’élève, est très peu lié à son sens chimique, il est souvent lié à la vie socio-économique1. BACHELARD [4] dit à ce propos «assez naturellement, l’obstacle verbal nous conduira à examiner un des obstacles les plus difficiles à surmonter parce qu’il est soutenu par une philosophie facile». Par ailleurs, les étudiants issus du nouveau programme et les étudiants redoublants font parfois appel au transfert d’oxygène pour la définition de l’oxydation (respective- ment 22 % et 20 %) et la définition de la réduction (respectivement 20 % et 14 %), ce que faisaient un peu moins les étudiants testés en 1994/95 (14 % pour oxydation et 7 % pour réduction). Retenir cette définition comme définition «première» nous parait pourtant aisé puisqu’elle devrait permettre de faire facilement le lien entre un concept (plutôt abstrait) et les phénomènes de la vie courante auxquels il est lié. Ces phénomènes représentent les forces pilotes de la biosphère. 3. 2. Nombre d’oxydation d’un élément : Définition, calcul, utilisation Dans l’ancien programme, les instructions officielles explicitent la définition du nombre d’oxydation mais limitent son utilisation. Dans les instructions du nouveau pro- gramme, la définition n’est pas explicite, par contre on insiste sur l’intérêt de son utili- sation . 3.2.a. Définition du nombre d’oxydation Nous avons demandé aux étudiants de : «donner une définition du nombre d’oxy- dation d’un élément». La réponse attendue est : le nombre d’oxydation d’un élément dans une entité chimique est «la charge qui serait présente sur [son] atome si tous les électrons dans chaque liaison aboutissant à cet atome étaient attribués à l’atome le plus électronégatif» [5]. Cette réponse a été donnée seulement par 4 % du groupe G1, par 11 % du groupe G2 par 7 % du groupe G3. Près de la moitié du groupe G2 et les 2/3 des deux autres groupes n’ont pas donné de réponses. Vol. 92 - Décembre 1998 M. SOUDANI et D. CROS BULLETIN DE L'UNION DES PHYSICIENS 1867 1 Nous avons testé cette hypothèse par une association de mots. Les résultats de cette enquête feront l’objet d’une publication ultérieure. Certains étudiants ont donné des réponses diverses que nous n’avons pas classées telles que par exemple : «je n’ai rien compris au cours concernant ce chapitre» «je ne l’ai pas compris et je ne le comprendrai peut-être jamais» ou des réponses qui montrent, encore une fois, la confusion entre oxydation et réduc- tion, le rôle de l’oxydant et celui du réducteur : «le nombre d’oxydation c’est le nombre d’électrons cédés par l’oxydant et donc captés par le réducteur»2 , «c’est l’inverse du degré de réduction, je m’explique : si x ε {degré d’oxydation d’un élément} alors 1/x ε {degré de réduction d’un élément}» ... Nous notons que ni le changement du programme de 1ères S, relatif à la notion de nombre d’oxydation, ni l’enseignement universitaire n’ont permis une amélioration notable de la qualité des réponses. La définition du nombre d’oxydation reste non ac- quise par la majorité des étudiants et elle est même parfois confondue avec la valence de l’élément. La difficulté parait alors être intrinsèque à la notion de nombre d’oxyda- tion elle-même... Nous avons souligné que certains chercheurs [6] pensent que le nom- bre d’oxydoréduction est une attribution artificielle et arbitraire de certains nombres aux éléments et que les étudiants l’envisagent comme une combinaison fortuite permet- tant de jouer à un jeu... 3.2.b. Calcul du nombre d’oxydation Nous avons demandé aux étudiants de calculer le nombre d’oxydation de l’élé- ment soufre dans les entités S8, SO2 et S2O8 2- en justifiant la méthode de calcul. Tous les étudiants qui ont répondu correctement ont justifié leurs réponses. Le résultat est nettement amélioré surtout chez les redoublants (G2). Notre ensei- gnement, favorisant plutôt le bachotage, pousse les étudiants à se pencher davantage sur les algorithmes et les problèmes de calcul en négligeant, dans la plupart des cas, le vrai sens des concepts qu’ils utilisent, pourvu qu’ils réussissent les exercices tradition- nels [7, 8]. Une année d’université a permis d’améliorer les capacités des étudiants à faire le calcul relatif à cette notion. Ceci nous parait tout à fait normal. D’autre part, vu le changement des objectifs du programme des 1ères S, les uploads/Philosophie/difficultes-d-x27-apprentissage-en-oxydoreducton-soudani-2eme-partie.pdf

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