1 IIA741, Hermenéutica y responsabilidad. Homenaje a Paul Ricœur. Actas VII Enc
1 IIA741, Hermenéutica y responsabilidad. Homenaje a Paul Ricœur. Actas VII Encuentros internacionales de filosofia en el Camino de Santiago, 2003, pp. 17-2 © Comité éditorial du fonds Ricœur Note éditoriale. Ce texte est issu de la conférence inaugurale donnée par Paul Ricœur aux VIIe Rencontres Internationales de philosophie de Camino de Santiago, en Espagne (novembre 2003), consacrées à la pensée de Ricœur et publiées en espagnol sous le titre Hermenéutica y responsabilidad. Homenaje a Paul Ricœur (« Herméneutique et responsabilité. Hommage à Paul Ricœur »)1. Le philosophe y aborde le thème de la reconnaissance, réactualisé en Allemagne par Axel Honneth, et sur lequel il travaille alors dans le cadre de l’élaboration de son ultime ouvrage, Parcours de la reconnaissance (Stock, 2004). Les remarques introductives sur l’absence d’une théorie de la reconnaissance de même rang que les théories de la connaissance, voire d’un grand livre sur la reconnaissance, se retrouvent dans l’Avant-propos et l’Introduction de l’ouvrage de 2004 (p. 9 et p. 13). La problématique de l’article, née de la crainte d’une demande infinie de reconnaissance qui produirait une forme de « conscience malheureuse » et de « mauvais infini » - retournement, contre Hegel ou ses interprètes, de deux grands motifs hégéliens -, fait intervenir le don comme complément et correction de la « lutte » sur laquelle les commentateurs de Hegel, à la suite de Kojève, ont mis l’accent. On retrouve cette discussion, parfois au mot près, avec les mêmes références à Marcel Mauss et à l’ouvrage paru en 2002 de Marcel Hénaff, Le Prix de la vérité, mais aussi avec de plus amples développements empruntés notamment à l’historienne N. Zemon-Davis, dans la Ve section de la Troisième étude de Parcours de la reconnaissance (pp. 327 à 356), lorsqu’il s’agit d’aborder la « reconnaissance mutuelle » et la « logique de réciprocité ». L’originalité du présent texte est ainsi de « concentrer » une problématique qui relie la « perplexité » sur l’issue de la « lutte pour la reconnaissance », exprimée dès les premières pages de Parcours de la reconnaissance, avec l’ouverture vers le don comme horizon d’une reconnaissance mutuelle qui attend la dernière étude pour se déployer, tout en contenant certaines réflexions sur l’argent non reprises dans l’ouvrage de 2004 (comme les lignes sur la Philosophie de l’argent de Simmel). (J.-Cl. Monod, pour le Fonds Ricœur). 1 Quelques coquilles, portant notamment sur des noms propres, ont été corrigées sans mention expresse. La lutte pour la reconnaissance et le don IIA741, in Hermenéutica y responsabilidad. Homenaje a Paul Ricœur Actas VII Encuentros internacionales de filosofia en el Camino de Santiago, 2003, pp. 17-27 © Comité éditorial du Fonds Ricœur 2 IIA741, Hermenéutica y responsabilidad. Homenaje a Paul Ricœur. Actas VII Encuentros internacionales de filosofia en el Camino de Santiago, 2003, pp. 17-2 © Comité éditorial du fonds Ricœur Mots clés : Reconnaissance. Lutte. Don. Argent. Hegel. Honneth. Mauss. Hénaff. [Page 17] e titre de cette conférence, La lutte pour la reconnaissance et l'économie du don, semble marier l'eau et le feu, le mot « lutte » et le mot « don » ; mais ce qui est en jeu c'est le mot « reconnaissance », la reconnaissance mutuelle; ce travail fait partie d'une tentative plus vaste de donner au concept de « reconnaissance » une dignité philosophique qu'il n'a pas, comparé au mot « connaissance » ; il y a des théories de la connaissance, des traités de la connaissance, mais, selon mon information, nous n'avons pas de grand livre qui porterait le titre De la reconnaissance ; je ne suis pas sûr qu'il puisse être écrit et je ne présente ici que des fragments de recherche. Le concept de reconnaissance est entré dans la philosophie grâce essen- tiellement au philosophe allemand Hegel, presque au début de son œuvre philosophique, à Iéna entre 1802 et 1806. Le thème de la reconnaissance n'est pas inconnu du public de langue française, grâce au travail de Kojève sur le grand livre de Hegel qui suivit cette période de préparation, La Phénoménologie [Page 18] de l'Esprit ; le noyau de cette œuvre est la lutte pour la reconnaissance précisément, mais autour d'un thème qui m'a paru un peu réducteur, la lutte du maître et de l'esclave, et qui en effet, dans ce livre, ne peut se terminer que par un renvoi en quelque sorte dos-à-dos du maître et de l'esclave qui se reconnaissent tous deux comme partageant la pensée. L'issue de la lutte pour la reconnaissance dans La Phénoménologie de l'Esprit est donc le stoïcisme, où un maître et un esclave, un empereur et un esclave, disent tous deux « nous pensons » ; et comme tous les deux pensent, ils sont indifférents, maître ou esclave. Le stoïcisme produit donc le scepticisme. Remontant plus haut que cet ouvrage très achevé, admirable de La Phénoménologie de l'Esprit, à la période d'Iéna, j'ai alors suivi les travaux d'une autre génération de chercheurs qui, dans des ouvrages fragmentaires inachevés, mettent en chantier l'idée de la lutte pour la reconnaissance, mais avec un horizon beaucoup plus prometteur de développements ultérieurs que cette espèce de fermeture dont je viens de parler sur le stoïcisme et le scepticisme. Dans ces écrits et surtout dans leur réactualisation en Allemagne principalement autour de jeunes chercheurs, et aussi à Louvain-la-Neuve autour de Taminiaux, l'idée généralement exposée est la suivante : si nous restons seulement dans l'horizon de la lutte pour la reconnaissance, nous créerons une demande insatiable, une sorte de nouvelle conscience malheureuse, une revendication sans fin. C'est pourquoi je me suis demandé si nous n'avions pas par ailleurs, dans notre expérience quotidienne, l'expérience d'être reconnus dans un échange qui est précisément l'échange du don. Je fais donc une tentative dont j'ignore le succès, mais dont je suis certain qu'elle est féconde, pour compléter et corriger l'idée finalement violente de lutte par l'idée non violente de don. Voilà donc la ligne générale de ma présentation. Revenant en quelques mots sur l'œuvre de Hegel à Iéna, je veux désigner quel est l'adversaire permanent que la philosophie politique a tenté de combattre et d'exclure : il s'agit du Hobbes du Léviathan. On peut dire que toute la tradition du droit naturel, de Grotius, Pufendorf, Locke, Leibniz, et jusqu'à Fichte, tend à réfuter Hobbes. L'idée de Hobbes, chacun le sait au moins très sommairement, c'est que dans l'état qu'il appelle de nature — c'est une sorte de fable de l'origine, et qui est d'ailleurs parfaitement reconstruite L 3 IIA741, Hermenéutica y responsabilidad. Homenaje a Paul Ricœur. Actas VII Encuentros internacionales de filosofia en el Camino de Santiago, 2003, pp. 17-2 © Comité éditorial du fonds Ricœur par une description empirique de l'état des choses— les hommes ne sont conduits que par la peur de la mort violente, de la main d'un autre. Les passions qui règnent sur cette peur sont la compétition, la défiance et la gloire. [Page 19] Au fond, c'est autour de l'idée de défiance que nous allons tourner puisque la reconnaissance que nous allons voir est la réplique à cette défiance pour sortir de l'état de nature ainsi présenté par Hobbes. La solution est un contrat, mais un contrat entre des hommes noués par la peur et qui s'en remettent à un souverain ; celui-ci ne contracte pas, ne participe pas comme contractant au contrat; si bien qu'un artifice, l'État, est représenté par le gros animal dont il est question dans le livre de Job : le Léviathan, c'est la grosse bête en quelque sorte. Le problème posé à Hobbes et à tous ses successeurs est de savoir s'il y aurait un fondement moral distinct de la peur, un fondement moral dont on peut dire qu'il donne la dimension humaine, humaniste à la grande entreprise politique. Le jeune Hegel se situe dans cette ligne ; mais il a derrière lui des appuis considérables, des anti- hobbesiens si j'ose dire, c'est-à-dire la tradition, assez mal définie d'ailleurs, du droit naturel, avec l'idée qu'il y a une marque morale originaire sur l'homme : on la trouve chez Grotius dans cette « qualité morale de la personne » — « qualitas, moralis personae » l'expression est de Grotius — en vue de quoi on peut légitimement posséder, faire et agir ; c'est le premier relais. Le deuxième relais, c'est bien entendu Kant, avec son idée de l'autonomie : au sens propre du mot le soi et la norme forment un lien absolument primitif ; un impératif catégorique s'ensuit et il n'y a pas de problème dérivé de la peur: c'est une fondation primordiale de la moralité ; mais le problème est de tirer une philosophie politique du principe d'autonomie, et c'est à ce stade qu'intervient le dernier relais, le grand philosophe peut-être le plus difficile à lire de toute la philosophie allemande, Fichte. Lui le premier a lié l'idée de réflexion sur soi à une idée de l'orientation vers l'Autre ; cette déter- mination réciproque de la conscience de soi et de l'intersubjectivité, c'est l'œuvre de Fichte, et en ce sens, dans cette uploads/Philosophie/la-lutte-pour-la-reconnaissance-et-le-don.pdf
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- Publié le Jul 02, 2021
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