André Léonard Comment lire Hegel ? Considérations spéculatives et pratiques In:

André Léonard Comment lire Hegel ? Considérations spéculatives et pratiques In: Revue Philosophique de Louvain. Quatrième série, Tome 70, N°8, 1972. pp. 573-586. Abstract How to read Hegel ? The purpose of this article is to furnish a pedagogical and methodical plan to read the later works of Hegel. In order to do this, it bases itself on the indications contained in the very structure of the Hegelian System while it refers to the procedures used by Hegel in his university teaching. Three cycles of readings are thus proposed, which correspond in a global fashion to the three literary genres adopted by Hegel respectively in the Berlin Courses, the Phenomenology of Mind and the Encyclopedia of Philosophical Sciences. This article furnishes information relative to the study of the hegelian texts themselves and the necessary bibliographical references. Résumé Cet article a pour but de fournir un plan à la fois pédagogique et méthodique de lecture des œuvres de maturité de Hegel. Pour ce faire, il s'inspire des indications contenues dans la structure même du système hégélien en même temps qu'il renvoie aux procédés employés par Hegel dans son enseignement universitaire. Trois cycles de lecture sont ainsi proposés, qui correspondent globalement aux trois genres littéraires adoptés respectivement par Hegel dans les Cours de Berlin, la Phénoménologie de l'Esprit et l'Encyclopédie des sciences philosophiques. L'article fournit conjointement les renseignements relatifs à l'étude des textes hégéliens eux-mêmes et les références bibliographiques indispensables. Citer ce document / Cite this document : Léonard André. Comment lire Hegel ? Considérations spéculatives et pratiques. In: Revue Philosophique de Louvain. Quatrième série, Tome 70, N°8, 1972. pp. 573-586. doi : 10.3406/phlou.1972.5699 http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/phlou_0035-3841_1972_num_70_8_5699 Comment lire Hegel? Considérations spéculatives et pratiques Cet article s'adresse aux jeunes philosophes désireux d'entreprendre une étude approfondie de Hegel en vue d'un travail académique ou d'une publication. Il s'adresse aussi aux moins jeunes, soucieux d'aborder systématiquement une œuvre que, peut-être, ils ne con naissent jusqu'ici que par bribes et morceaux. Le système hégélien est en effet d'une telle complexité et d'une si grande difficulté que certains se posent avec angoisse la question de savoir comment pénétrer dans cette forteresse de la spéculation. Beaucoup ont tenté l'expédition mais un grand nombre n'en sont jamais revenus, pour s'être égarés, sans guide, dans les oubliettes de la dialectique, tandis que d'autres rentraient prématurément de voyage, vaincus et découragés par les pistes austères du savoir. Ici, comme en d'autres aventures spirituelles plus décisives, il y a, semble-t-il, beaucoup d'appelés mais peu d'élus. C'est pour avoir ressenti nous-même, à certains moments, la douleur de cette réprobation que nous voudrions l'épargner à d'autres en leur offrant une méthode de lecture de Hegel qui a déjà fait ses preuves auprès de plus d'un apprenti hégélien. Certes, il n'existe point de voie large qui conduise au vendredi saint de la pensée. Seule la voie étroite du concept achemine au calvaire de l'Esprit absolu et ouvre ainsi infiniment l'immensité cohérente et recueillie du système de l'Idée. Si donc le savoir hégélien demeure à jamais crucifiant pour la conscience naturelle, il reste que le système a ses voies privilégiées qui ne sont pas nécessairement nos voies. C'est par elles, et par elles seules, qu'il nous faut entrer dans le cercle mouvant de la pensée. Ce cercle étant déterminé par la mobilité de trois points qui sont autant de mondes, à savoir le Logos, la Nature et l'Esprit, il y a constamment trois entrées dans le système, trois ouvertures béantes qui seules peuvent conduire à la béatitude du savoir. Le rôle du guide que nous voudrions être est d'indiquer ces voies d'accès à soi-même que le système ouvre généreusement de lui-même à la pensée finie qui veut y communier en s'effaçant en lui. Nous nous sommes déjà expliqué en détail dans un 574 André Léonard article précédent sur la structure propre de ce système hégélien et nous y renvoyons le lecteur avec insistance (1). C'est en rappelant les conclusions de cet article que nous allons maintenant présenter un plan pédagogique concret pour la lecture et l'étude de Hegel. Ainsi donc que nous l'avons exposé antérieurement, le Tout de l'Idée absolue est à saisir dans la cohérence organique des trois syll ogismes Logos-Nature-Esprit (L-N-E), Nature-Esprit-Logos (N-E-L) et Esprit-Logos-Nature (E-L-N) selon la vision englobante du système qui nous est livrée par Hegel au terme de l'Encyclopédie de 1830, dans les §§ 574 à 577. Mais la merveille de cette systématique encyclopédique est qu'elle permet de saisir la cohérence, non seulement de YEncyclopé- die, mais encore de tout le système hégélien, y compris la Phéno ménologie de l'Esprit et les Cours de Berlin. On sait en effet que les diverses œuvres où s'expose la pensée de Hegel sont essentiellement les trois textes cités à l'instant. Pour le reste, nous avons encore la Science de la Logique, qui est le déploiement détaillé de ce que nous retrouvons en forme abrégée dans la Logique de Y Encyclopédie, et les Principes de la philosophie du droit, qui constituent une élaboration plus fouillée de la partie de l'Encyclopédie consacrée à l'Esprit objectif. Or la conclusion dernière de notre étude sur la structure du système hégélien était l'ensemble formé par les trois affirmations suivantes : 1) conformément au premier syllogisme L-N-E, qui est marqué par la médiation extérieure de la Nature et la discursivité de la science, les Cours de Berlin sur l'histoire, l'art, la religion et la philosophie présentent un exposé du système de style historico-positif, exposé qui, en réfléchissant objectivement le mouvement de la spéculation, a pour but d'offrir à l'étudiant encore ignorant du système encyclopédique une présentation des moments capitaux de ce dernier articulée au rythme immédiatement accessible de la conscience objectivante; Hegel commence par y donner le concept formel de l'objet spirituel étudié, son Logos absolu (L), il détaille ensuite les divers moments de sa réalisation naturelle et historique (N) et termine en en montrant l'achèvement spirituel complet (E); 2) quant à la Phénoménologie, conformément au second syllogisme N-E-L, qui est marqué par la médiation de l'Esprit et la réflexion active de celui-ci hors de la Nature vers l'absoluité du Logos, elle donne du Tout une présentation de style réflexif et conscientiel, exposé qui, en réfléchissant l'expérience (*) Cf. A. Léonard, La structure du système hégélien, dans Revue philosophique de Louvain, t. 69 (1971), p. 495-524. Comment lire Hegel? 575 subjective de la conscience, montre l'arrachement progressif de la conscience de soi spirituelle (E) à la naturalité de son immédiateté sensible (N) et son introduction douloureuse dans l'univers logique et rationnel du Savoir absolu (L) ; 3) pour ce qui est enfin de Y Encyclopédie, conformément au troisième syllogisme E-L-N, qui est marqué par la médiation de la Vérité logique absolue et son partage dans les deux sphères de l'Esprit et de la Nature, elle expose la révélation absolue de l'Absolu à partir de lui-même puisque la rationalité absolue du Logos n'y est plus ni un terme visé eschatologiquement comme dans la Phénoménologie, ni un principe formellement présupposé comme dans les Cours de Berlin, mais le milieu même du discours, la trans lucidité immanente à la cohérence syllogistique absolue du système; c'est donc à partir du Logos (L) qu'y sont saisis la nécessité et le caractère propre de la Nature (N) et de l'Esprit (E). Il ressort de ces conclusions que la présentation encyclopédique du système est évidemment la plus définitive et la plus ultimement vraie. Néanmoins, elle ne peut s'affirmer comme vraie qu'en s'appuyant sur la médiation des deux autres approches qu'elle confirme en même temps qu'elle les dépasse. Mais pour nous qui, d'un point de vue pédagogique, cherchons une voie d'accès au système, il est clair que c'est du côté des Cours de Berlin ou de la Phénoménologie qu'il faut nous tourner pour trouver cette introduction au savoir. Il pourrait sembler tout d'abord que la première lecture qui s'impose dans cette perspective soit celle de la Phénoménologie puisque cette dernière a été conçue par Hegel lui-même comme la première partie du système de la science, comme l'exposition du devenir du savoir. Mais si, d'un point de vue systématique, la Phénoménologie est, comme science de l'expérience de la conscience, la seule initiation scientifique de la conscience de soi naturelle au royaume de l'Esprit absolu, il reste que, sur le plan pédagogique, elle remplit mal ses promesses car aucun lecteur ne peut entrer de plain-pied dans cette voie ascétique dont le secret est détenu par un fur uns représentant un savoir auquel la conscience elle-même demeure encore étrangère. C'est pourquoi la meilleure solution est d'aborder en premier lieu les divers Cours de Berlin professés par le maître. Jamais en effet Hegel n'initia à sa pensée ses propres étudiants en leur commentant la Phénoménologie de l'Esprit. Il préférait recourir à une méthode qui fît plus appel à la positivité de la conscience objectivante qu'à la négativité tourmentée de la conscience de soi. Or les Cours de Berlin répondent précisément 576 André Léonard à cette exigence spirituelle et pédagogique en même temps que leur démarche reprend la forme spéculative propre au premier déploiement uploads/Philosophie/ leonard-a-commet-lire-hegel.pdf

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