voxnr.com Lundi, 9 Septembre 2013 Pour une entrée en Tradition Jean-Paul Lippi

voxnr.com Lundi, 9 Septembre 2013 Pour une entrée en Tradition Jean-Paul Lippi Spiritualités :: Tradition Prolégomènes à une métaphysique opérative L'idée de Tradition, au sens guénonien du terme, connaît aujourd'hui un incontestable regain d'intérêt dans des milieux encore quantitativement restreints mais qui n'en p araissent pas moins appelés à jouir d'une influence grandissante, encore que celle-c i doive surtout, de par sa nature subtile, se faire sentir sur un plan très largemen t ignoré du grand public. De même, un certain nombre de personnes, légitimement insati sfaites des réponses apportées par le monde moderne à leur exigence spirituelle, pours uivent, le plus souvent à titre individuel, une recherche dans ce domaine, en s'ap pliquant à éviter autant que faire se peut les pièges d'un spiritualisme dévoyé et humanit ariste. Devant cette situation, nous voudrions tenter d'apporter dans les lignes qui vont suivre une clarification quant à la véritable nature de la Tradition dont le s premiers se réclament et à laquelle les secondes aspirent. Il nous semble en effet que le mot, s'il n'est pas toujours, à proprement parler, galvaudé, n'est que trop rarement employé dans la plénitude de sa signification, des valences secondaires lui étant trop fréquemment attachées. Cette volonté de clarification nous conduira également à préciser ce qu'il convient d'entendre, dans l'optique Traditionnelle, lorsque référenc e est faite à la métaphysique. Envisagé dans la plénitude effective de sa définition, le mot Tradition ne désigne essenti ellement nulle autre chose que la perception de l'immanence de la Transcendance, suivie de la transmission doctrinale de la possibilité de cette perception. Est d onc traditionniste, pour employer le néologisme forgé par Pierre A. Riffard (1), tout homme qui vit hic et nunc cette Transcendance, c'est-à-dire qui ressent dans son E sprit, son âme et sa chair ? indissociablement ? l'action de celle-ci, sur le plan tant personnel qu'historique et / ou politique. Les mots n'étant que ce qu'ils so nt, cette sensation renvoie, dans ses profondeurs ultimes, au registre de l'indi cible, ce dont les adversaires de la vision du monde Traditionnelle ne manquent pas de tirer argument pour reléguer cette dernière au rayon des sous-produits de l'i déalisme, quand ce n'est pas à celui des délires quasi-psychotiques. Dans ce dernier c as, la volonté de vivre l'enseignement Traditionnel est ramené à un phantasme de réunifi cation fusionnelle, affirmé fondé sur la nostalgie refoulée de l'état de non-séparation en tre mère et nourrisson. Il n'est plus alors question de dépassement de la condition humaine et de rattachement au divin, mais au contraire de régression, soit intelle ctuelle soit affective, soit les deux à la fois. L'expérimentation de la Transcendan ce, identique, dès lors qu'elle est stabilisée, à la re-divinisation, ne s'analyse plu s, dans le cadre de cette conception spirituellement mutilante, que comme une ha llucination, provoquée par le désir angoissé d'échapper à la condition d'être « marqués par l radicale finitude », ainsi que l'écrit un auteur par ailleurs intéressant mais qui n' en confond pas moins trop facilement la pensée de la Tradition avec sa parodie New Age (2). En réalité, que l'appel à l'Esprit puisse effectivement, dans certains cas, cacher un malaise existentiel, le fait n'est pas niable, encore que les conséquences en soie nt parfois, même dans ces conditions, bien plus positives qu'on ne veut bien l'adm ettre (3). Mais vouloir à toute force tout ramener à cela, généralement, d'ailleurs, pou r les besoins d'une cause partisane, philosophique ou religieuse, plus ou moins avouée revient à adopter l'attitude moderne par excellence qui consiste à toujours préte ndre expliquer à bon droit le supérieur par l'inférieur, et à ne reconnaître in fine de légi timité au premier que du moment que l'on est (croit-on) parvenu à le réduire au second (4). Face à une contestation ainsi dirigée, la réaction des hommes de Tradition ne pe ut être d'engager la discussion selon une tactique arguments / contre-arguments, cec i en raison du caractère d'indicibilité ultime de l'expérience de l'immanence de la Tr anscendance mentionné plus haut. Il n'est pas pour autant question pour eux de se draper dans leur superbe pour mieux poitriner aux quolibets, ni davantage de rep rendre à leur compte quelque saugrenu credo quia absurdum, mais simplement de rele ver que l'affirmation et sa réfutation ne sont pas, en l'occurrence, au même niveau, qu'elles ne renvoient pas, précisément, au même registre. C'est pourquoi il n'y a, à pa rler strictement, rien à répondre à qui nie la possibilité d'atteindre ? c'est-à-dire de r etrouver ? des états de conscience supérieurs à celui partagé par l'immense majorité de fa ctuelle humanité, ou, à plus forte raison, qui rejette l'éventualité même de l'existence d e ces états. Ce qui doit parler ici, c'est seulement la force de l'exemple. Non qu e chacun soit libre de le suivre ou non, d'accepter ou de refuser la transmissio n (le tradere) de la doctrine puis de s'engager dans l'expérience de la Transcenda nce vécue en mode immanent. Il y a tout au contraire en ce domaine comme l'effet d 'une Grâce (si l'on veut s'exprimer à la manière des théologiens) qui détermine pour chacu n, au moins dans les conditions de son existence présente, une manière de prédestinati on (5). On comprend aisément que ce vécu immanentiste de la Transcendance soit plus que diff icilement compatible avec toute forme d'exclusivisme religieux, surtout militant et prosélyte. La forme, certes nécessaire sur son plan propre, que telle ou telle r eligion donne à l'expérience de la Transcendance a en effet pour conséquence inévitable de figer celle-ci dans son expression, ce par le mouvement même dans lequel elle en dévoile l'existence ; c'est pourquoi une religion peut être tout aussi bien un chemi n d'accès à l'Absolu que l'occasion d'un piétinement, si ce n'est d'un égarement, spirit uel. Nous retrouvons ici la distinction bien connue de l'ésotérisme et de l'exotérisme , distinction qui repose en dernière instance sur la faculté de passer, littéralement, au travers des formes. Il faut également souligner qu'un tel vécu interdit le culte d e tout impératif catégorique moral, quelle qu'en puisse être la source. Dût ceci choquer c ertains parmi nos lecteurs, nous affirmons que la Tradition, parce qu'elle est d 'essence métaphysique, ne saurait être en aucune manière morale. Si l'on veut authentiqu ement retraduire en langage normatif l'expérience des états supra-humains, c'est sur le plan de l'éthique et non sur celui de la morale qu'il convient de se situer, l a seconde étant universaliste par définition alors que la première est différentialiste au sens où elle ne connaît d'autre loi que celle qui s'impose, à des fins de conservat ion (6), à un être particulier en fonction de sa nature propre, c'est-à-dire en foncti on du niveau d'expérimentation de la Transcendance dont il est effectivement capab le. Que des normes soient ? si l'on peut dire ? encloses dans chacun des « états mul tiples de l'Être » (7), nous ne songeons nullement à le nier. Mais, précisément parce que chaque norme est consubstantielle à l'état au niveau duquel (et à partir duquel) elle se manifeste, aucune d'entre elles ne saurait se prévaloir d'une validité universell e (8). C'est pourquoi celui qui atteint l'Absolu ne peut plus connaître de normes, puisqu'il les a toutes expérimentées et finalement dépassées, un tel être devenant donc « à ui-même sa propre Loi » (9). La morale possède certes sa justification sur le plan qui est légitimement le sien, celui de l'aide apportée, si l'on veut à la manière d'une béqui lle, aux individus incapables de se rendre authentiquement libres et donc de se tenir debout par leurs seules forces. Mais lui accorder une valeur éminente, c'est couper l'accès à l'Absolu, en bornant l'expérience de la Transcendance à l'un des nivea ux de la Manifestation illusoirement posé comme ultime. De fait, l'Absolu ne mériter ait pas son nom s'il ne contenait toutes les normes, y compris les plus immorales, chacun des « états multiples de l'Être » manifestant telle d'entre elles selon sa poten tialité et sa valence particulières. Dès que conscience est prise de ceci, le refus d' un comportement quelconque ne peut plus se fonder sur des préceptes affirmés valides dans l'universel, mais uniquement sur l'affirmation de valeurs supérieures d'un p oint de vue métaphysique, c'est-à-dire témoignant d'un état de l'Être plus élevé et contenant de ce fait les précédents états qu'il dépasse selon le principe de l'intégration hiérarchisa nte. Repousser cette conception revient à rejeter principiellement la nécessaire dim ension destructrice de l'Être et donc à mutiler intellectuellement l'Absolu. Ces précisions indispensables étant apportées, la Tradition commence à apparaître sous son jour véritable. Ce dont celle-ci témoigne, c'est d'une Connaissance expérimentale, ce lle de la présence active de forces non-humaines dans le monde des hommes. Mais il faut prendre garde de n'enfermer la formule dans une dimension ni étroitement théis te ni, à l'inverse, vaguement occultisante. Ce qui est évoqué ici, ce n'est pas faction providentielle d'un Dieu personnalisé ou les agissements de Supérieurs Inconnus et aut res uploads/Philosophie/lippi-jean-paul-pour-une-entree-en-tradition.pdf

  • 17
  • 0
  • 0
Afficher les détails des licences
Licence et utilisation
Gratuit pour un usage personnel Attribution requise
Partager