Idéologie princière du Moyen Age serbe ВЛАДАРСКА ИДЕОЛОГИЈА У СРПСКОМ СРЕДЊЕМ В
Idéologie princière du Moyen Age serbe ВЛАДАРСКА ИДЕОЛОГИЈА У СРПСКОМ СРЕДЊЕМ ВЕКУ Historiographie dynastique et idéologie politique en Serbie au Bas Moyen Age 157 Historiographie dynastique et idéologie politique en Serbie au Bas Moyen Age Essai de synthese de l’idéologie de l’Etat médiéval serbe (IDEOLOGIE, LEGITIMITE, SAINTETE) S’il est vrai que l’homme, en tant qu’être religieux (homo religiosus), «à mesure de découvrir le sens religieux de l’histoire, échappe au nihilisme historique ou historiciste», et que «le sacré n’est pas seulement une étape dans l’évolution de l’humanité, mais un élément fondamental, inhérent à la structure de la conscience humaine» (M. Eliade), la dimension spirituelle de l’idéologie politique au Moyen Age ne doit être ni minorée à l’excès, ni su- bordonnée, ou simplement réduite, à un aspect pratique et fonc- tionnel. Le fait est cependant que toute philosophie1 ou théologie politique suppose une interférence et une implication profondes dans la vie politique et les institutions de l’Etat qu’elle interprète et conditionne à la fois. Le cas de l’idéologie politique serbe il- lustre particulièrement bien cette relation ambiguë et complexe entre théorie et praxis dans un Etat médiéval. En tant que vecteur de l’idéologie de l’Etat, l’hagio-biographie dynastique a traversé dans son évolution séculaire des étapes 1 Cf. D. Bogdanoviç, Politiéka filosofija srednjovekovne Srbije -Moguçnosti jednog istraùivanja, in Filozofske studije XVI, Belgrade 1988, p. 7-28. Pour l’expression de «théologie politique», voir : G. La Piana, Political Theology, The Interpretation of History, Princeton 1943. Pour cette expression : F. Kämpfer, O nekim problemima starosrpske hagiobiografije - osvrt na prva ùitija Simeona Nemaqe, Istorijski glasnik 2, Belgrade 1969, p. 29-51 ; P.S.Protiç, %itija srpskih svetaca kao B O Š K O I . B O J O V I Ć 158 Historiographie dynastique et idéologie politique en Serbie au Bas Moyen Age 159 consécutives au devenir politique de la Serbie médiévale. Ces étapes peuvent être définies suivant les événements majeurs qui ont déterminé l’évolution des structures de l’Etat et de l’Eglise au cours des trois siècles qui ont précédé la fin du Moyen Age, au sein de l’aire géographique de la Serbie de cette période. Nous distinguerons ainsi : 1. Le culte fondateur de l’idéologie dynastique (fin XIIe — fin XIIIe siècle) ; 2. L’apogée de l’idéo- logie némanide et l’élargissement du culte dynastique (fin XIIIe et début XIVe s.) ; 3. De la monarchie mystique à l’empire consti- tutionnel (milieu du XIVe s.) ; 4. La crise politique et le renouveau de l’idéologie dynastique (fin du XIVe s.) ; 5. Le despotat — conti- nuité de la tradition némanide et différenciation des pouvoirs et des genres littéraires dans les sources dynastiques (fin XIVe — mi- lieu XVe s.) ; 6. Milieu XVe — début XVIe siècle Le culte fondateur de l’idéologie dynastique (fin XIIe — fin XIIIe siècle) Le XIIIe siècle, depuis le règne de Stefan le Premier Cou- ronné (1196-1228), jusqu’au règne du roi Milutin (1282-1321), vit l’instauration des deux cultes fondateurs, d’abord celui de Siméon-Nemanja, auteur de la dynastie némanide, puis celui de Sava Ier, créateur de l’Eglise autocéphale de Serbie. Les chryso- bulles royaux, avec leurs préambules rhétoriques et narratifs, les acolouthies et autres textes liturgiques, principalement les textes hagiographiques relatifs aux deux cultes fondateurs, et enfin les fondations royales avec leurs églises-mausolées et leurs compo- sitions dynastiques, sont autant de sources plus ou moins contem- poraines de tout ce programme idéologique qui était celui de la théologie politique de l’Etat serbe. izvor istorijski, Belgrade 1897 ; Arhiepiskop Danilo, %ivoti kraxeva i arhiepiskopa srpskih, Belgrade 1935 (introduction de N. Radojéiç, p. XXVI) ; cf. H. Birnbaum, Byzantine tradition transformed : The old serbian Vita, Aspects of the Balkans. Continuity and Change, Den Haag – Paris 1972, p. 243-284. Les textes narratifs et liturgiques en question sont l’œuvre de quatre grands écrivains de cette période : l’archevêque Sava Ier, Stefan le Premier Couronné, le moine Domentijan et un autre moine athonite, nommé Teodosije.5 S’échelonnant du début jus- qu’au dernier quart du XIIIe siècle, ils marquent l’instauration en Serbie du culte de Siméon-Nemanja, puis de Sava Ier, avec le développement, la jonction, et enfin le jumelage des deux cultes fondateurs, qui forment la base de l’idéologie dynastique du royaume némanide.7 La souveraineté de l’Etat serbe fut acquise au cours d’une longue lutte menée par le grand joupan Stefan Nemanja (1166- 1196)8 contre le pouvoir suprême de l’empereur byzantin. Tant Cf. l’étude de S. Hafner sur cette première hagiographie de Siméon-Ne- manja, écrite par Sava vers 1207 (et qui selon les prescriptions du typikon de Studenica devait être lue une fois par mois aux moines) : S. Hafner, Studien zur altserbischen Dynastischen Historiographie (Südosteuropäische Arbeiten 3), Munich 1964, p. 64-77. Edition des écrits de Saint Sava : V. Çoroviç, Spisi Svetog Save, Belgrade - S. Karlovci 1928. 5 Pour les idées de Teodosije sur les institutions sociales et politiques en Ser- bie (sur le souverain, l’Etat, la noblesse et les Assemblées d’Etat, la société, la patrie serbe et les mœurs) : N. Radojéiç, Teodosijevi pogledi na druètveno ure$eqe u Srbiji, Ljubljana 1931 (résumé français), 17-38. En 1207, suite à la translation de ses reliques depuis le Mont-Athos à Stu- denica. Sur le processus liturgique et les conditions de canonisation en Serbie (écoulement de myron, odeur de sainteté, miracles et état de conservation inal- térée des reliques) et dans l’Eglise orthodoxe : N. Milaè, Da li su slovenski apostoli Kiril i Metodije sveci ?, in Istina, Zadar 1888, p. 20-166 ; L. Mirkoviç, Uvrèteqe despota Stevana Lazareviça u red svetitexa, Bogos lovxe II/3, Belgrade 1927, p. 161-177 ; Dj. Trifunoviç, in O Srbxaku, Belgrade 1970, p. 11-17. 7 L’instauration de ces cultes se situe sur la toile de fond de la littérature ec- clésiastique en général. La question des canonisations des souverains en Serbie est traité en premier lieu dans l’ouvrage de synthèse de L. Pavloviç, Kultovi lica kod Srba i Makedonaca, Smederevo 1965 (cf. n. 62). Cf. D. Bogdanoviç, Istorija stare srpske kqiùevnosti, Belgrade 1980, p. 162-163. 8 Devenu, le 25 mars 1196, moine sous le nom de Siméon, il se retira dans sa fondation pieuse, le monastère de Studenica, où il passa près de deux ans avant de s’établir au Mont-Athos, en novembre 1197, d’abord au monastère de Vato- pédi, puis en fondant le monastère de Chilandar, où il mourut “le 13 février B O Š K O I . B O J O V I Ć 160 Historiographie dynastique et idéologie politique en Serbie au Bas Moyen Age 161 que la puissance de Byzance du temps de Manuel Comnène fut effective, le grand joupan, malgré de nombreuses tentatives di- plomatiques et militaires, ne put s’affranchir de sa condition de vassal. L’affaiblissement de Byzance après la mort du dernier grand souverain de la dynastie des Comnènes coïncida avec un regain de prestige pour le souverain de Serbie. Le mariage du second fils du grand joupan avec une princesse byzantine, et l’at- tribution du titre de sébastokratôr au nouveau gendre impérial, officialisèrent cette modification importante dans les rapports entre les deux pays. Le préambule de la charte de fondation du monastère serbe au Mont Athos fondé par Stefan Nemanja en 1198 révèle l’attitude du souverain9 serbe à l’égard de l’empereur. («Au commencement Dieu créa le ciel et la terre et les hommes sur elle, et Il les bénit en leur donnant pouvoir sur toute cette création. Il établit les uns en tant que tsars [empereurs], d’autres en tant que princes et d’autres comme souverains, donnant à chacun de paître son troupeau en le protégeant de tout le mal susceptible de le frapper. Pour cette raison, mes frères, le Dieu très-miséricordieux institua les Grecs en tant que tsars, les Hongrois en tant que rois ; chaque peuple eut sa part, et Il donna la Loi et établit les mœurs, plaçant à leur tête les souverains selon la coutume et la Loi [et] les départageant par Sa grande sagesse.10 C’est pour cela qu’[Il] 1199”. Pour la datation : F. Barièiç, Hronoloèki problemi oko godine Nemaqine smrti, in Hilandarski zbornik 2, Belgrade 1971, p. 31-58 ; Lj. Maksimoviç, O godini prenosa Nemaqinih mowtiju u Srbiju, in Zbornik Radova Vizantoloèkog Instituta 24/25, Belgrade 1986, p. 437-444. 9 La doctrine du pouvoir séculier détenu par l’empereur, s’étendait en Occident implicitement aux rois qui étaient «empereurs dans leurs royaumes» et pouvaient ainsi prétendre à la plénitude du pouvoir à l’égard de leurs sujets : E. Kanto- rowicz, La souveraineté de l’artiste. Note sur quelques maximes juridiques et les théories de l’art à la Renaissance, in Mourir pour la patrie (Recueil d’articles de E. Kantorowicz), éd. PUF, Paris 1984, p. 45 n. 34. 10 Ostrogorsky cite cette phrase en remarquant : “…qu’aucun autre document écrit hors de Byzance n’exprime aussi clairement le principe de différenciation et de gradation des Etats”: G. Ostrogorski, Srbija i vizantiska hijerarhija drùava, in Le prince Lazar – O knezu Lazaru (Actes du symposium de Kruèe- vac 1971), Belgrade 1975, p. 131 ; cf. in S. Hafner, op. cit, le chapitre : Herrs- uploads/Politique/ 1-fr.pdf
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- Publié le Jui 15, 2022
- Catégorie Politics / Politiq...
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