10 Bourdieu L’opinion publique n’existe pas 1.Introduction Commençons par une b
10 Bourdieu L’opinion publique n’existe pas 1.Introduction Commençons par une brève biographie de l’auteur et une remise en contexte de l’article analysé. Pierre Bourdieu est un sociologue français, fondateur d’une sociologie critique de la modernité. Il a proposé une approche nouvelle du monde social et il accorde une fonction majeure aux structures symboliques dans des domaines comme l’éducation, la culture, les médias, la politique. Bourdieu est l’auteur de nombreux ouvrages tels que La misère du monde, La distinction et L’opinion publique n’existe pas. L’article, a été publié en 1973, suite à l’exposé réalisé par son auteur en janvier 1972, à Noroit. Sa publication s’inscrit dans la période suivant mai 68, période de l’histoire où l’opinion publique a été très fortement sollicitée et controversée. Notons que Bourdieu critique le système, par son point de vue marginal et atomistique. Tout au long de notre exposé, nous allons tenter de vous expliquer cette vision du sociologue, se basant sur la thèse suivante : l’opinion publique, admise par les sondages d’opinion ou ceux qui en utilisent les résultats, n’existe pas. Nous avons relevé quatre concepts dans cet article : - Primaires : Société civile : (définition du 21°siècle) ensemble des forces vives d’un régime démocratique qui ne sont pas des professionnels de la politique. Opinion publique : ensemble des convictions et des valeurs plus ou moins partagées, des jugements, des préjugés et des croyances de parties influentes de la population d'une société donnée.1 - Secondaires : Sondage : mesure de ce que pense l’opinion publique. 1 http://opinions-publiques.blogspot.com/2006/06/opinion-publique-definition.html Champ : […] se définit entre autres choses en définissant des enjeux et des intérêts spécifiques, qui sont irréductibles aux enjeux et aux intérêts propres d’autres champs […] et qui ne sont pas perçus de quelqu’un qui n’a pas été construit pour entrer dans ce champ. […] Pour qu’un champ marche, il faut qu’il y ait des enjeux et des gens prêts à jouer le jeu, dotés de l’habitus impliquant la connaissance et la reconnaissance des lois immanentes du jeu, des enjeux, etc.2 2.Synthèse de l’article 3 Selon Bourdieu, les sondages d’opinion, pour être valables, se basent sur trois postulats, ils les engagent implicitement : 1) tout le monde a une opinion 2) toutes les opinions se valent 3) il existe un consensus sur les problèmes, les questions qui méritent d’être posées Or, nous dit-il, ces postulats sont erronés. Reprenons-les un à un, en utilisant la pensée de Bourdieu, pour démontrer qu’ils posent en effet problème. 2.1. Tout le monde a une opinion Non seulement cela est faux, nous dit Bourdieu, mais en plus, même si c’était vrai, la méthode utilisée pour les sondages d’opinion ne donnerait pas la possibilité à chacun d’exprimer son opinion, les personnes interrogées devant choisir leur réponse dans une liste non exhaustive de possibilités. En effet, « on omet fréquemment dans les questions ou dans les réponses proposées une des options possibles, ou encore on propose plusieurs fois la même option sous des formulations différentes »4. Mais revenons-en à la réfutation du postulat en lui-même. Lors des sondages d’opinion, on ignore les non-réponses, or elles existent. Il y a donc des personnes interrogées qui n’ont pas d’opinion sur la question posée, mais celles-ci sont ignorées. Ainsi, le taux de réponses est 2 BOURDIEU P. (2002), « Questions de sociologie », Paris, Minuit, p.113 3 BOURDIEU P. (1973) (1984), « L’opinion publique n’existe pas » in Questions de sociologie, Paris, Les Editions de Minuit 4 p. 223 2 plus important chez les femmes que chez les hommes. De même, les questions portant sur des problèmes de connaissance voient un plus grand taux d’abstention de réponse chez les moins instruits que celles portant sur des problèmes éthiques, tout comme les questions génératrices de tensions pour une catégorie déterminée connaissent de forts taux de non-réponses au sein de celle-ci. 2.2. Toutes les opinions se valent Selon Bourdieu, il existe deux principes de production d’une opinion. Le premier est la compétence politique, « par référence à une définition à la fois arbitraire et légitime, c’est-à-dire dominante et dissimulée comme telle, de la politique »5. Cette compétence n’étant pas universellement répandue et variant comme le niveau d’instruction, chaque personne interrogée n’a pas la même capacité à appréhender un problème politique. Ainsi, il établit deux conditions pour pouvoir répondre à une question politique : la première est de concevoir la portée politique de la question, la deuxième de pouvoir lui appliquer des catégories adéquates. Le second principe de production d’une opinion, est l’éthos de classe, autrement dit le « système de valeurs implicites que les gens ont intériorisées depuis l’enfance et à partir desquels ils engendrent des réponses à des problèmes extrêmement différents ». Ainsi, selon leur compétence politique et leur éthique de classe, les différentes personnes interrogées appréhendent le problème posé de différentes manières, et utilisent donc une échelle d’appréciation différente. Dès lors, toutes les personnes interrogées ne produisant pas leur opinion selon le même principe, on ne peut pas dire que toutes les opinions se valent, puisqu’elles ne sont pas toutes produites en appréhendant le problème de la même manière. 2.3. Il existe un consensus sur les problèmes Avant d’expliquer en quoi consiste ce consensus sur les problèmes, notons que Bourdieu nous dit que « les problématiques qui sont proposées par les sondages d’opinion sont subordonnées à des intérêts politiques, et cela commande […] la signification des réponses et la signification 5 p. 226 3 qui est donnée à la publication des résultats. Le sondage d’opinion est […] un instrument d’action politique »6. Bourdieu fait référence à l’effet d’imposition de problématique. Il est un fait que si l’on demandait à un échantillon de personnes d’écrire les cinq questions qui leur paraissent importantes par rapport à une thématique, elles seraient bien différentes de celles posées dans la réalité, et seraient très diverses. Cette imposition se retrouve dans toute enquête d’opinion et toute interrogation politique, comme l’interrogation électorale. La problématique dominante est proposée par les détenteurs de pouvoir politique désireux d’avoir un retour, un feed-back sur la politique afin de pouvoir organiser au mieux celle-ci. On remarque toutefois que la maîtrise de la problématique imposée est inégale selon les différentes classes sociales. De cette façon, toutes les personnes interrogées sur la problématique vont avoir une interprétation différente de la question posée, selon leur niveau d’instruction,… Par conséquent, l’interprétation faite des sondages d’opinion n’est pas toujours la bonne. Comme le dit Bourdieu, l’imposition de la problématique transforme les réponses éthiques en réponses politiques. Selon les personnes interrogées, la réponse se basera sur le champ politique ou éthique (chez les personnes possédant un capital culturel moindre, la réponse sera donnée dans une compréhension éthique, chez les personnes plus cultivées, elle sera donnée dans une optique politique). Illustration 7 : lors d’un sondage d’opinion, l’institut souhaite être informé sur le degré d’instruction par rapport aux lois de la transmission héréditaire du capital culturel. Il s’agit ici de la problématique dominante imposée aux personnes interrogées. Cependant, la question posée est la suivante : « est-ce que la réussite scolaire est fonction des dons, de l’intelligence, du travail, du mérite ? » Cet exemple démontre bien qu’une problématique est imposée mais que la question relative à celle-ci peut être interprétée de différentes manières. La réponse est donc 6 p. 224 7 p. 230 4 potentiellement faussée, les classes populaires y répondant en songeant au problème éthique et idéologique que cela pose, tandis que les classes plus cultivées y répondent en utilisant leur capital culturel. Dans son texte, Bourdieu parle également de l’analyse statistique des questions posées. En effet, grâce à cette analyse, on voit clairement que la majorité des questions portent sur les préoccupations politiques du "personnel politique". Cela renvoie à la problématique dominante, définie par les détenteurs du pouvoir, en vue d’organiser au mieux la politique. Notons ici l’idée d’enquête d’opinion comme artefact du pouvoir politique, c’est-à-dire de l’effet artificiel que produit cette dernière. Bourdieu explique cette notion en prenant un exemple que l’on retrouve assez souvent : « l’opinion publique » exprimée en pourcentage dans les magazines8. Selon lui, ce pourcentage dissimule le fait que l’opinion représente un état de forces pour les personnages politiques. En effet, ceux-ci reprennent le leitmotiv « Dieu est avec nous » en le modernisant : « l’opinion publique est avec nous ». Cela leur permet d’acquérir une certaine forme de pouvoir, de force. L’opinion publique les légitimise en quelques sortes. Enfin, notons que l’enquête d’opinion ne tient pas compte des groupes de pression… : leur problématique est donc écartée volontairement. Tout au long de son exposé, Bourdieu justifie son point de vue sur les trois postulats engagés implicitement par les sondages d’opinion : ils ne sont, selon lui, pas valables. En démontant la structure-même sur laquelle se basent ces sondages, le but de Bourdieu est de montrer que l’opinion publique qu’admettent les instituts de sondages d’opinion et ceux pour qui ils sont créés, à savoir ceux qui en utilisent les résultats, n’existent pas. 3.Liens avec les cours Deux types de liens sont à faire uploads/Politique/ 10-bourdieu-p-l-x27-opinion-publique-n-x27-existe-pas-gpe-alice-naglieri 1 .pdf
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- Publié le Apv 08, 2021
- Catégorie Politics / Politiq...
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