Novembre 2019 Emmanuel COMBE Paul-Adrien HYPPOLITE Antoine MICHON L’EUROPE FACE
Novembre 2019 Emmanuel COMBE Paul-Adrien HYPPOLITE Antoine MICHON L’EUROPE FACE AUX NATIONALISMES ÉCONOMIQUES AMÉRICAIN ET CHINOIS (1) POLITIQUE DE CONCURRENCE ET INDUSTRIE EUROPÉENNE fondapol.org 2 3 L’EUROPE FACE AUX NATIONALISMES ÉCONOMIQUES AMÉRICAIN ET CHINOIS (1) POLITIQUE DE CONCURRENCE ET INDUSTRIE EUROPÉENNE Emmanuel COMBE Paul-Adrien HYPPOLITE Antoine MICHON 4 La Fondation pour l’innovation politique est un think tank libéral, progressiste et européen. Président : Nicolas Bazire Vice Président : Grégoire Chertok Directeur général : Dominique Reynié Président du Conseil scientifique et d’évaluation : Christophe de Voogd 5 La Fondation pour l’innovation politique offre un espace indépendant d’expertise, de réflexion et d’échange tourné vers la production et la diffusion d’idées et de propositions. Elle contribue au pluralisme de la pensée et au renouvellement du débat public dans une perspective libérale, progressiste et européenne. Dans ses travaux, la Fondation privilégie quatre enjeux : la croissance économique, l’écologie, les valeurs et le numérique. Le site fondapol.org met à disposition du public la totalité de ses travaux. La plateforme « Data.fondapol » rend accessibles et utilisables par tous les données collectées lors de ses différentes enquêtes et en plusieurs langues, lorsqu’il s’agit d’enquêtes internationales. De même, dans la ligne éditoriale de la Fondation, le média « Anthropotechnie » entend explorer les nouveaux territoires ouverts par l’amélioration humaine, le clonage reproductif, l’hybridation homme/ machine, l’ingénierie génétique et les manipulations germinales. Il contribue à la réflexion et au débat sur le transhumanisme. « Anthropotechnie » propose des articles traitant des enjeux éthiques, philosophiques et politiques que pose l’expansion des innovations technologiques dans le domaine de l’amélioration du corps et des capacités humaines. Par ailleurs, le média « Trop Libre » offre un regard quotidien critique sur l’actualité et la vie des idées. « Trop Libre » propose également une importante veille dédiée aux effets de la révolution numérique sur les pratiques politiques, économiques et sociales dans sa rubrique « Renaissance numérique ». La Fondation pour l’innovation politique est reconnue d’utilité publique. Elle est indépendante et n’est subventionnée par aucun parti politique. Ses ressources sont publiques et privées. Le soutien des entreprises et des particuliers est essentiel au développement de ses activités. FONDATION POUR L’INNOVATION POLITIQUE Un think tank libéral, progressiste et européen 6 INTRODUCTION GÉNÉRALE.........................................................................................................................................................9 I. CRÉER DES GÉANTS POUR EXPORTER ? GARE AU « SYNDROME PSG »...................................................................................................................................14 II. LA FERMETÉ DE LA COMMISSION EUROPÉENNE EN MATIÈRE DE CONTRÔLE DES CONCENTRATIONS : UNE IDÉE À RELATIVISER.................................................................................................................................................17 III. DE NÉCESSAIRES ADAPTATIONS INCRÉMENTALES DU CONTRÔLE DES CONCENTRATIONS DANS UN ENVIRONNEMENT CONCURRENTIEL EN PLEINE ÉVOLUTION......................22 IV. LE RÉGIME DES AIDES D’ÉTAT, UNE ÉPINE DANS LE PIED À RETIRER AU PLUS VITE ?..............................................30 ANNEXE...................................................................................................................................................................................................................34 SOMMAIRE 7 RÉSUMÉ Suite à l’interdiction par la Commission européenne du rapprochement entre Alstom et Siemens, les tenants du déclassement de l’Europe semblaient avoir trouvé leur coupable : une politique européenne de concurrence entravant, par excès de zèle, l’émergence de « champions européens ». Sans nier l’existence de perspectives d’amélioration de la politique de contrôle des concentrations, il serait contre-productif de reprocher à Bruxelles l’application de règles dont les vertus économiques en termes de défense du pouvoir d’achat et d’incitations à innover sont clairement démontrées. Une comparaison avec les États-Unis invite à se méfier des théories qui voient dans les règles de concurrence communautaires un obstacle au développement économique de l’Europe. 8 9 INTRODUCTION GÉNÉRALE À l’heure où la guerre commerciale sino-américaine fait rage, nul ne doute plus de la résurgence des logiques nationales et non coopératives dans la conduite des politiques économiques. Les principaux partenaires commerciaux de l’Union européenne s’engagent résolument dans des stratégies mercantilistes et délaissent les organes multilatéraux de gouvernance du commerce international. Des règles multilatérales contestées par les États-Unis. En novembre 2016, l’élection de Donald Trump, porté par son agenda « America First », a marqué un tournant à cet égard. Sous sa présidence, les États-Unis ont instauré des barrières tarifaires importantes, notamment sur l’aluminium et l’acier. La compatibilité de ces décisions, basées sur des textes censés protéger la sécurité nationale, avec les accords de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) est fortement contestée. Par ailleurs, l’organe de règlement des différends de l’OMC sera paralysé dès la fin de l’année 2019 du fait du refus des États-Unis de nommer des juges au sein de son organe d’appel. Les garde-fous garantissant la bonne application des règles internationales de lutte contre la concurrence déloyale seront alors bloqués. L’EUROPE FACE AUX NATIONALISMES ÉCONOMIQUES AMÉRICAIN ET CHINOIS (1) POLITIQUE DE CONCURRENCE ET INDUSTRIE EUROPÉENNE Emmanuel COMBE Professeur des Universités, professeur à la Skema Business School, vice-président de l’Autorité de la concurrence*. Paul-Adrien HYPPOLITE Haut fonctionnaire, normalien et ingénieur du corps des Mines*. Antoine MICHON Haut fonctionnaire, polytechnicien et ingénieur du corps des Mines*. * Les auteurs de cette étude sont responsables de son contenu qui n’engage pas les institutions pour lesquelles ils travaillent. 10 fondapol | l’innovation politique Les ambitions industrielles chinoises. La Chine, quant à elle, ne cache pas son objectif d’atteindre à terme le statut de première puissance économique mondiale et est déterminée, au regard des moyens financiers mobilisés, à y parvenir. L’agenda mercantiliste « Made in China 2025 » ou encore l’initiative « Belt and Road », destinée à faire émerger de nouveaux réseaux de commerce et d’infrastructure entre l’Asie et l’Europe, témoignent de cette volonté. Ces velléités ne sont pas surprenantes : le développement de l’industrie manufacturière a été le moteur du rattrapage économique chinois. Entre 1991 et 2012, la part de l’industrie domestique chinoise dans la valeur ajoutée manufacturière mondiale a été multipliée par six, passant de 4 à 24 %. Cet essor est le fruit d’une stratégie assumée de l’État communiste, dont l’omniprésence dans la conduite des affaires est indiscutable. En raison de ce capitalisme d’État, les pays occidentaux ne considèrent pas la Chine comme une économie de marché et suspectent les pouvoirs publics d’octroyer des subventions diverses, massives et variées aux secteurs exposés à la concurrence internationale. La guerre commerciale menée par le président Trump a le mérite d’attirer l’attention sur les pratiques mercantilistes chinoises, alors que certains reprochent toujours à l’Europe de faire preuve de complaisance envers celles-ci, ignorant les conséquences immédiates sur notre tissu économique (destruction d’emplois exposés, accroissement de la fracture territoriale) et les enjeux économiques à long terme (maîtrise des technologies et des chaînes de valeur). Empêtrée dans ses divisions, l’Europe perd-elle pied sur la scène internationale ? À l’heure où l’industrie européenne paraît prise en tenaille entre des entreprises américaines de plus en plus concentrées et des géants chinois activement soutenus par la puissance publique, l’inquiétude grandit parmi les dirigeants européens sur une forme d’« impuissance » du continent. Dans ce contexte international mouvementé, l’Europe a tendance à paraître affaiblie car profondément divisée. Ainsi, l’interdiction en février 2019 par la Commission européenne de la fusion entre Alstom et les activités ferroviaires de Siemens a suscité, jusqu’au plus haut niveau politique, une vive opposition entre les partisans d’une politique de concurrence attentive aux intérêts des consommateurs européens et les défenseurs d’une politique industrielle sensible aux intérêts de certains producteurs. Les Européens se divisent également sur le sujet de la politique industrielle et du contrôle des aides d’État. Ces débats sont alimentés par un sentiment de décrochage économique. En 2008, sur les 500 premières entreprises mondiales (par leur chiffre d’affaires) référencées par le magazine Fortune, 171 étaient européennes, 150 américaines et 28 chinoises ; dix ans plus tard, seules 122 entreprises européennes figurent dans ce même classement, contre 126 américaines et 110 chinoises. Entre 2004 et 2017, la part de l’Europe dans la valeur ajoutée industrielle mondiale a chuté de 29 à 19 % 1 contre 22 % à 16 % aux États‑Unis 1. Voir en annexe les graphiques historiques. L’Europe face aux nationalismes économiques américain et chinois (1) 11 dans le même temps. Ajoutons à cela un fait particulièrement marquant : dans le domaine du numérique, l’Europe ne dispose d’aucune entreprise technologique de l’envergure des GAFAM aux États-Unis ou des BAT en Chine 2. État des lieux du commerce international sur l’année 2018 (flux en milliards de dollars et en pourcentage du PIB) Exportations Importations Biens Services Biens Services Union européenne (UE 28) 2 310 12 % 1 085 6 % 2 337 12 % 860 5 % Chine 2 494 19 % 267 2 % 2 135 16 % 525 4 % États-Unis 1 666 8 % 828 4 % 2 612 13 % 559 3 % Japon 738 15 % 192 4 % 748 15 % 200 4 % Source : Fondation pour l'innovation politique ; données Centre du commerce international, Eurostat. Quelle réaction européenne ? Ces éléments entretiennent l’idée que l’Union européenne ne disposerait plus des armes nécessaires pour s’assurer une place dans la compétition mondiale à laquelle se livrent les grandes puissances. Nombreux sont ceux qui considèrent par ailleurs que la préférence européenne pour la négociation de solutions coordonnées au niveau international est dépassée, le cadre multilatéral étant devenu notoirement dysfonctionnel et inopérant. Dans ce contexte, l’Europe cherche une réponse appropriée. Quelques propositions sont d’ores et déjà sur la uploads/Politique/ 169-i-europe-nat-eco-2019-11-29-w.pdf
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- Publié le Apv 16, 2022
- Catégorie Politics / Politiq...
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