LA CORRESPONDANCE ALTHUSSER-SÈVE Amitié, compagnonnage politique et divergences

LA CORRESPONDANCE ALTHUSSER-SÈVE Amitié, compagnonnage politique et divergences théoriques Jean-Pierre Cotten Fondation Gabriel Péri | « La Pensée » 2019/1 N° 397 | pages 59 à 71 ISSN 0031-4773 DOI 10.3917/lp.397.0059 Article disponible en ligne à l'adresse : -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- https://www.cairn.info/revue-la-pensee-2019-1-page-59.htm -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Distribution électronique Cairn.info pour Fondation Gabriel Péri. © Fondation Gabriel Péri. Tous droits réservés pour tous pays. La reproduction ou représentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorisée que dans les limites des conditions générales d'utilisation du site ou, le cas échéant, des conditions générales de la licence souscrite par votre établissement. 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Au centre du livre, une transcription d’une correspondance entre Louis Althusser et Lucien Sève. Cette correspondance débute par un billet d’Althusser (de juin 1949, date incertaine), elle s’achève par un très court message du même Althusser (document 97, sans date, mais posté le 19 octobre 1987). Quelques lettres sont reproduites en fac-similé (p. 14, * Philosophe, professeur honoraire des universités. 1. Louis Althusser-Lucien Sève, Correspondance, 1949-1987, postface de Roger Martelli « Deux intellectuels dans le siècle », Paris, Éditions sociales, 2018, coll. « Les éclairées », 373 pages. Amitié, compagnonnage politique et divergences théoriques La correspondance échangée entre Louis Althusser et Lucien Sève, de 1949 à 1987, doit être envisagée selon trois perspectives, différentes quoique indissociables : une amitié, qui ne s’est jamais démentie jusqu’à la fin des échanges, un compagnonnage politique, tous deux étant membres du Pcf, et des divergences théoriques qui apparaissent, finalement, assez tôt. On propose de distinguer quatre périodes : 1949-1961 ; 1962-1973 ; 1974-1977 ; 1980-1987. C’est la deuxième période qui est décisive, elle se conclut par l’absence de terrain d’entente entre une conception de la doctrine marxiste inséparable d’une anthropologie théorique, prenant appui avant tout (non pas uniquement) sur les hommes au travail (Sève) et une théorisation du matérialisme historique qui ne rencontre nullement l’homme (ou les hommes) dans son élaboration conceptuelle, la réalité psychique à laquelle donne accès cette pratique spécifique qu’est la psychanalyse participant d’un autre continent, séparé par un océan de celui qui est justiciable d’une science des formations sociales au sens fort (Althusser). Mots-clés : correspondance Althusser-Sève ; marxisme en France ; 2e moitié du xxe siècle ; marxisme ; anthropologie marxisme et psychanalyse. © Fondation Gabriel Péri | Téléchargé le 05/10/2022 sur www.cairn.info par er sim (IP: 109.23.199.10) © Fondation Gabriel Péri | Téléchargé le 05/10/2022 sur www.cairn.info par er sim (IP: 109.23.199.10) La correspondance Althusser-Sève 60 270, plus 8 pages de reprographies, non paginées, entre la page 270 et la page 271). Une grande part des lettres sont conservées au fonds Althusser à l’IMEC, l’Institut Mémoires de l’édition contemporaine. Un certain nombre d’entre elles, rédigées par Althusser à l’intention de Sève, n’ont jamais été envoyées à leur destinataire, presque une douzaine2, Sève complète cet ensemble par son fonds d’archives. À la suite de cette correspondance, Sève propose des « Notes explicatives à loyale relecture » (p. 71-272), puis une annotation, lettre par lettre (p. 273-344), qui, selon son auteur, remplit au moins deux fonctions : donner des « éclaircissements factuels », mais aussi fournir des « commentaires explicatifs » pour éclairer le lecteur des années 2010 sur des points qui pourraient plus ou moins totalement lui demeurer impénétrables, tout en respectant un principe de « loyale relecture », sans qu’il soit possible, précise Sève, de « prétendre à l’objectivité ». Ces notes ont été rédigées en 2016. Dans une courte « Présentation » (p. 7-10, juillet 2016), Sève explique, notamment, pour quelles raisons il a pris la décision de rendre publics des documents, non pas pour céder à des demandes pressantes, mais en prenant en compte, néanmoins, les remarques de certains, en particulier Étienne Balibar. On ne sait pas, à ce propos, si ce cercle de proches de Sève a eu connaissance, pour tout ou partie, de la correspondance, il est vrai en partie accessible, selon des modalités déterminées, à l’IMEC3. À la fin de l’ouvrage, se trouvent la contribution de Roger Martelli, « Postface. Deux intellectuels dans le siècle » (deux de ses ouvrages sont cités dans la bibliographie qui fait suite, ils ont paru chez les Éditions sociales en 2010 et tout récemment en 2017, et leur auteur est tenu par Sève pour « un des plus qualifiés historiens du communisme »), une très courte bibliographie (p. 361-364, où deux ouvrages, seulement, sont mentionnés sur Althusser, du moins pour ceux parus avant 1990, et où ne se rencontre aucune référence à ce qui a été écrit sur Sève, son activité publique et son œuvre) et une table des matières. Une table des illustrations conclut le tout. Questions préalables Comment aborder le « cœur » du livre, constitué, selon la lecture ici proposée, par le texte de la correspondance et des notes qui l’accompagnent rédigées par Lucien Sève ? Sans négliger le reste des composantes de l’ouvrage, il n’en sera fait usage que par rapport à ce 2. Certaines sont parmi les plus longues, les plus argumentées, mais aussi les plus vives, voire les plus virulentes : lettres 23 (sans date), 26 (24 novembre 1963), 34 (7 juin 1966), 37 (13 juillet 1966), 43 (15 novembre 1967), 67 (26 avril 1972, date invraisemblable, cf. note de Sève, p. 201), 68 (sans date, probablement mai 1972, cf. note de Sève, p. 212), 79 (septembre 1973), 82 (1er juin 1974), 83 (2 juillet 1974).- Sur le problème « déontologique » que pose la publication de ces documents non expédiés, dont le destinataire n’a donc pu prendre connaissance que récemment, voir les remarques de Sève, à propos de la lettre 26, p. 290 et sq. 3. Dans l’inventaire du fonds Althusser à l’IMEC, il est précisé que si, d’une façon générale, les documents sont communicables, « [l]es documents psychiatriques et certains dossiers autobiographiques ne sont pas consultables », p. 3. © Fondation Gabriel Péri | Téléchargé le 05/10/2022 sur www.cairn.info par er sim (IP: 109.23.199.10) © Fondation Gabriel Péri | Téléchargé le 05/10/2022 sur www.cairn.info par er sim (IP: 109.23.199.10) 61 Jean-Pierre Cotten « cœur » et sans les mettre sur le même plan. Deuxième choix interprétatif : ne pas séparer la correspondance entre Sève et Althusser des notes explicatives/interprétatives de Sève (même si ces pages datent d’environ trente ans après le dernier mot d’ Althusser, mais la mémoire de Sève semble très fidèle). Cela dit, un décalage peut exister, dont il conviendra de rendre compte4. Une question classique d’abord : quel est le « statut » de ces textes par rapport à ceux publiés par les deux auteurs, qui sont ou étaient des acteurs de l’histoire se faisant ? Beaucoup de textes d’Althusser, inédits de son vivant, ont été publiés depuis sa disparition, Lucien Sève est, à ce jour, seul responsable de ce qu’il veut (ou non) publier. Tous les inédits, en toute hypothèse, ne pourront ni ne devront être publiés (en particulier le dossier psychiatrique d’Althusser, pas, du moins, avant un délai légal déterminé). Resserrons le débat : qu’en est-il d’une correspondance « privée », dans ses relations avec un sens de la « responsabilité » publique/politique d’hommes qui sont aussi des personnages publics, Althusser et Sève, membres d’un parti politique, le PCF , l’un jusqu’à sa mort, l’autre jusqu’en 2010, ont eu une pratique, qui a pu évoluer, pour des raisons elles- mêmes politiques, de la « responsabilité politique » ; évolution qui n’est pas séparable de la place, de la « nature », des fonctions historiques du parti dont ils étaient membres (que l’on songe aux publications les plus datées de Lucien Sève5, que l’on songe également à la série d’articles de Louis Althusser, Ce qui ne peut plus durer dans le Parti communiste 6, textes publiés dans des conjonctures historico-politiques très différentes) ? Mais aussi, bien évidemment, qu’en est-il de la manière qu’ils avaient de « faire vivre » leur appartenance au PCF (de leurs « responsabilités », de la façon dont ils les concevaient et les « pratiquaient », de leur audience, au sein de leur parti et au-delà) ? Encore une question préliminaire : peut-on faire fond sur la distinction entre deux sortes de contenus : un contenu d’ordre biographique uploads/Politique/ althusser-seve.pdf

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