Directeur de la publication : Edwy Plenel www.mediapart.fr 1 1/3 La stratégie d
Directeur de la publication : Edwy Plenel www.mediapart.fr 1 1/3 La stratégie de Boris Johnson pour sauver son avenir politique PAR MARIE BILLON ARTICLE PUBLIÉ LE MARDI 1 FÉVRIER 2022 Mis à mal par un rapport publié lundi qui souligne« des erreurs de leadership », Boris Johnson continue d’espérer sauver sa peau, malgré le scandale des fêtes organisées en plein confinement. L’ouverture d’une enquête criminelle, paradoxalement, pourrait donner davantage de temps à Johnson pour réagir. Boris Johnson à Londres le 31 janvier 2022. © WIktor Szymanowicz/NurPhoto/AFP Londres (Royaume-Uni).–« Shameless!», criaient des députés pendant le discours de Boris Johnson à la Chambre des communes lundi 31janvier. «Sans honte!» Le premier ministre venait de conclure des excuses à la suite de la publication du rapport de l’enquête interne sur le «Partygate», avant d’être contraint de changer de tactique: «Je sais où est le problème», affirma-t-il, ignorant les «C’est vous!» des députés de l’opposition, et provenant peut-être aussi de certains de son propre parti, «c’est de savoir si l’on peut faire confiance à ce gouvernement pour faire ce qu’on attend de lui». «Sans honte!»«Sans vergogne!» Boris Johnson n’a pas démissionné à la publication du rapport rédigé par la fonctionnaire Sue Gray, sur les fêtes qui se sont tenues à Downing Street et dans le quartier de gouvernement de Whitehall pendant les différents confinements. Ce n’est pas une surprise, car les conclusions tant attendues ont été rendues sous une forme minimaliste. Seize fêtes ont fait l’objet d’un examen, mais douze font désormais partie d’une enquête criminelle menée par la police métropolitaine de Londres. Scotland Yard a demandé à Sue Gray de n’évoquer qu’à la marge ces événements. Sur mediapart.fr, un objet graphique est disponible à cet endroit. La fonctionnaire a finalement préféré ne donner de détails sur aucune des fêtes qu’elle a passées au peigne fin. Ses conclusions en revanche sont plus piquantes que prévu: «Certains des comportements lors de ces rassemblements sont durs à justifier», «plusieurs de ces rassemblements n’auraient pas dû avoir lieu ou n’auraient pas dû développer la forme qu’ils ont pris». Sue Gray n’est pas tendre avec ceux qui y ont participé. Mais elle ne dit pas si elle vise les fonctionnaires, les attachés politiques, ou bien des membres du gouvernement. « Parfois, il ressort que peu de cas a été fait de ce qui se passait dans le pays pour juger de l’opportunité de ces rassemblements, les risques qu’ils représentaient pour la santé publique et la manière dont le public pourrait les regarder», écrit-elle. L’accusation la plus précise provient du même court paragraphe: «Il y a eu des erreurs de leadership et de jugement provenant de plusieurs sources au “Number 10” et au Cabinet Office à plusieurs moments.» N’étant pas directement mis en cause, Boris Johnson espérait s’en sortir à la Chambre des communes avec des promesses de remise à plat du fonctionnement interne du Number10. «J’ai compris, et je vais arranger ça», a-t-il assuré. Mais la prédécesseure de Boris Johnson, Theresa May, a livré sa propre interprétation des conclusions du rapport, devant le Parlement: «Le rapport montre que le Number10 ne respectait pas les règles qu’il a édictées. Donc soit le premier ministre n’avait pas pris connaissance des règles, soit il ne les comprenait pas, soit il pensait qu’elles ne s’appliquaient pas à lui.» Boris Johnson a répondu que, manifestement, l’ancienne cheffe du gouvernement ne comprenait pas les conclusions du rapport, en raison du flou du document. «Non, ce n’est pas ce que dit le rapport de Sue Gray. Je vous suggère d’attendre les conclusions de l’enquête.» Boris Johnson parle ici de l’enquête de police. Directeur de la publication : Edwy Plenel www.mediapart.fr 2 2/3 Car après avoir dit à ceux qui l’appelaient à démissionner, de patienter jusqu’au «conclusions de l’enquête» en pensant à celle de Sue Gray, l’ouverture d’une enquête par Scotland Yard la semaine dernière donne un peu plus de temps à Boris Johnson pour sauver son avenir politique. Le premier ministre a même invité l’un de ses désormais ex-fidèles, le député conservateur Andrew Mitchell, qui a annoncé à la Chambre des communes ce lundi n’avoir plus confiance en lui, à revisiter son jugement, au moment des conclusions de l’enquête de police. Celle-ci pourrait durer plusieurs jours ou semaines. Et pendant ce temps-là, le premier ministre pourra toujours dire qu’il ne se permettra pas de porter préjudice aux enquêteurs. «Monsieur le premier ministre, demande la députée travailliste Jess Phillips, étiez-vous présent à l’événement mentionné dans le rapport qui s’est déroulé dans votre propre appartement le 13novembre [2020 - ndlr]? Je suppose que vous n’avez besoin de personne pour nous dire si vous étiez là ou non.» Le premier ministre se dérobe, jugeant qu’il s’agirait de commenter une enquête en cours. «Vous devrez attendre», conclut-il sèchement. Durant la séance, Boris Johnson a invoqué à plusieurs reprises la séparation des pouvoirs. «Il se cache derrière une enquête sur des comportements criminels qui se seraient déroulés sur son lieu de vie et de travail, l’accuse le chef de l’opposition travailliste, Keir Starmer. Il se sert de cette enquête comme d’un bouclier opportun, alors qu’elle devrait être une marque de la honte.» Au leader des travaillistes, Boris Johnson n’a pas seulement dit d’être patient. Il a aussi déployé une autre de ses stratégies: la diffamation. Le premier ministre l’a accusé à la Chambre des communes, lorsqu’il était procureur, de n’avoir pas poursuivi Jimmy Savile en 2009. L’ancien présentateur de la BBC décédé en 2011 a depuis été reconnu comme un pédophile en série. Des accusations contre Keir Starmer qui ne sont pas fondées, selon l’organisme de fact checking indépendant Full Fact . Critiquer le leader de l’opposition fait partie des stratégies qui plaisent aux députés conservateurs, même ceux qui doutent des capacités de Boris Johnson. «L’opération viande rouge» («Operation Red Meat» mise en place mi-janvier et visant à multiplier des annonces séduisant ses troupes – telles que la fin des restrictions du «Plan B » face au variant Omicron) a déjà montré son efficacité. Boris Johnson ne semble plus aussi menacé d’être renversé à tout moment par son parti qu’il ne l’était début janvier. L’autre grande branche de la stratégie de communication de Boris Johnson est de dire que les Britanniques en ont assez d’entendre parler de fêtes, de gâteaux d’anniversaire et de valises remplies de bouteilles d’alcool. C’est ce fil que le premier ministre a tiré à Westminster après ses excuses mitigées. «Oui, vous pouvez faire confiance à ce gouvernement pour faire ce qu’on attend de lui», assure-t-il. Et Boris Johnson de consacrer une minute trente sur les six minutes qu’a duré sa déclaration pour énumérer ses réussites: le Brexit d’abord, «créateur d’emplois», puis les campagnes de vaccination «nous permettant de restaurer les libertés individuelles plus vite que tout autre pays de taille comparable». Un député travailliste demande alors au premier ministre de répondre à l’un de ses électeurs qui s’inquiète que ces scandales à répétition n’endommagent «la réputation du Royaume-Uni à l’international». «Notre réputation est bâtie sur notre capacité à rassembler nos alliés pour faire face à Vladimir Poutine», rétorque Boris Johnson. Ce n’est pas la première fois qu’il se présente comme le meneur du monde libre dans cette crise internationale. Dès le 25janvier, il avait déjà dit: «Le gouvernement britannique […] rassemble l’Occident pour mettre en place le plus robuste paquet de sanctions.» À l’instar des États-Unis, Londres veut s’en prendre à l’argent et aux actifs financiers des proches de Vladimir Poutine, en cas d’invasion de l’Ukraine. Sans entrer dans les détails, la ministre des affaires étrangères, Liz Truss, a précisé ce lundi qu’il s’agirait du «plus robuste régime de sanctions contre la Russie que nous n’avons jamais mis en place [qui] marquerait Directeur de la publication : Edwy Plenel www.mediapart.fr 3 3/3 le changement le plus important dans notre approche depuis que nous avons quitté l’Union européenne». Londres estime pouvoir agir avec plus de fermeté et de rapidité que ses alliés européens, n’ayant plus à attendre un consensus entre membres pour prendre des décisions. Boris Johnson doit discuter cette semaine au téléphone avec Vladimir Poutine avant de se rendre à Kiev pour rencontrer le président Volodymyr Zelensky. Downing Street «veut donner l’impression d’être un meneur déterminé, qui fait face avec fermeté à une crise internationale, bien loin de l’impression d’un homme brisé qui ne parvient pas à se débarrasser des casseroles des fêtes en confinement», écrit un éditorialiste du Guardian. Boris Johnson n’avait pas véritablement brillé pendant ses deux ans en tant que ministre des affaires étrangères entre 2016 et 2018. Mais une crise à l’international est toujours une opportunité politique. Les députés qui soutiennent encore «Boris» font d’ailleurs valoir qu’il serait dangereux de déstabiliser le Royaume-Uni en changeant de leader en plein milieu de telles tensions internationales... À voir si l’argument suffira à sauver leur leader. Directeur de la publication : Edwy Plenel Direction éditoriale : Carine Fouteau et Stéphane Alliès Le journal MEDIAPART est édité par la Société Editrice de Mediapart (SAS). Durée de la société : quatre-vingt-dix-neuf ans à compter du 24 octobre uploads/Politique/ article-1009364.pdf
Documents similaires










-
29
-
0
-
0
Licence et utilisation
Gratuit pour un usage personnel Attribution requise- Détails
- Publié le Jui 16, 2021
- Catégorie Politics / Politiq...
- Langue French
- Taille du fichier 0.0486MB