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THÉORIES DU FASCISME ALLEMAND (à propos du collectif Guerre et Guerriers édité

THÉORIES DU FASCISME ALLEMAND (à propos du collectif Guerre et Guerriers édité par Ernst Jünger) Walter Benjamin Editions Hazan | « Lignes » 1991/1 n° 13 | pages 57 à 81 ISSN 0988-5226 ISBN 9782877361811 Article disponible en ligne à l'adresse : -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- http://www.cairn.info/revue-lignes0-1991-1-page-57.htm -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- !Pour citer cet article : -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Walter Benjamin, « Théories du fascisme allemand. (à propos du collectif Guerre et Guerriers édité par Ernst Jünger) », Lignes 1991/1 (n° 13), p. 57-81. DOI 10.3917/lignes0.013.0057 -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Distribution électronique Cairn.info pour Editions Hazan. © Editions Hazan. Tous droits réservés pour tous pays. La reproduction ou représentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorisée que dans les limites des conditions générales d'utilisation du site ou, le cas échéant, des conditions générales de la licence souscrite par votre établissement. Toute autre reproduction ou représentation, en tout ou partie, sous quelque forme et de quelque manière que ce soit, est interdite sauf accord préalable et écrit de l'éditeur, en dehors des cas prévus par la législation en vigueur en France. Il est précisé que son stockage dans une base de données est également interdit. Powered by TCPDF (www.tcpdf.org) Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 77.196.19.217 - 26/04/2016 18h08. © Editions Hazan Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 77.196.19.217 - 26/04/2016 18h08. © Editions Hazan WALTER BENJAMIN THÉORIES DU FASCISME ALLEMAND (à propos du collectif Guerre et Guerriers édité par Ernst JÜNGER) 1 INTRODUCTION L'ART POUR L'ART DE LA GUERRE par Philippe BECK et Bernd STŒGLER La recension critique du collectif « Guerre et guerriers » (Gesammelte Schriften, Suhrkamp, 1980, III, pp. 238-250) compte parmi les textes dits « politiques » de Benjamin. Deux remarques s'imposent d'abord sur la catégorie du« texte poli- tique », s'agissant de Benjamin. D'une part, il est sans doute impossible d'isoler dans son corpus certains textes dits« de circonstances »,et particulièrement les textes dits« politiques » en raison de leur thématique plus directement et ouvertement «politisée». Il est impossible de les isoler, pour deux raisons au moins : d'abord, parce que tous les textes de Benjamin sont, au sens indéterminé ou minimal du terme, des textes politi- 57 Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 77.196.19.217 - 26/04/2016 18h08. © Editions Hazan Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 77.196.19.217 - 26/04/2016 18h08. © Editions Hazan ques, ont un rapport, direct ou indirect, plus ou moins expli- cite, et selon des modalités différentes, au politique, non seu- lement à son thème ou à ses thématiques les plus massives, mais encore à la limite du politique. Ensuite, parce que les textes de Benjamin, y compris les textes les plus directement engagés dans les circonstances du moment (s'il en est d'autres ; si, en général, il existe des textes sans circonstances) sont tous plus et moins que des « textes politiques » : la question de Ben- jamin serait plutôt, engageant le statut de ses propres écrits, l'esthético-politique, c'est-à-dire l'articulation de l'esthétique et du politique. Cela au moins depuis 1930 où, dans le texte traduit ici, apparaît la question de l'esthétisation du politique au travers d'une pensée que nous proposons d'appeler « l'art pour l'art de la guerre» :c'est à peu près l'expression de Ben- jamin, ici même, lorsqu'il s'agit de penser le lien mythique et esthétique du fascisme et de la guerre. Le geste sera pro- longé, au moment de la montée du nazisme (et du« national- esthétisme»), en 1933, dans Expérience et pauvreté, autre texte important, et moins connu, de Benjamin(l). Et surtout dans L'œuvre d'art au temps de sa reproductibilité techni- que (1936) : «Fiat arts- pereat mundus », dit le fascisme qui, Marinetti le reconnaît, attend de la guerre la satisfaction artis- tique de la perception sensible modifiée par la technique. C'est manifestement le parachèvement de l'art pour l'art. L'huma- nité qui, jadis, dans Homère, fut un objet de spectacle pour les Dieux Olympiens, l'est devenue maintenant pour elle- même. Son étrangement à soi-même a atteint le degré qui lui fait vivre son propre anéantissement comme jouissance esthé- tique de première classe. « Voilà pour ce qui concerne l 'esthé- tisation du politique, que cultive et exploite le fascisme. Le communisme lui répond par la politisation de l'art» (der- nier paragraphe). Plus haut, dans ce même texte de 1936 (au chapitre IV), Benjamin définissait « l'art pour l'art » comme «théologie de l'art». Cette doctrine conduisit directement à (1) Expérience et pauvreté, in Poésie, no 51, trad. Philippe Beck-Bemd Stiegler. Pour la distinction entre les fascismes (français, allemand, italien), cf Walter Benjamin (• Angelica Balabanoff •). • Für die Diktatur •. Suhrkamp, IV, 1, pp. 487 et sq.). Cf: La fiction dupolttique, de Philippe Lacoue-Labarthe, 1987, qui tente de penser la différence entre le national- socialisme et le fascisme. 58 Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 77.196.19.217 - 26/04/2016 18h08. © Editions Hazan Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 77.196.19.217 - 26/04/2016 18h08. © Editions Hazan une théologie négative : on finit, en effet, par concevoir un art« pur », qui refuse non seulement de jouer aucun rôle essen- tiel, mais même de se soumettre aux conditions qu'impose toujours un projet objectif. La deuxième remarque qu'on pourrait faire est par consé- quent la suivante: l'écart de Benjamin par rapport à l'esthéti- sation du politique n'eut donc pas pour strict corollaire le refus de la politisation de l'art, et la définition de l'art comme poli- tique : il y faudrait des analyses circonstanciées, mais du moins l'« explicite» ne fait pas se rencontrer, sinon dans la faille ouverte par l'ironie à l'égard de la grandeur du «truc marxiste », deux pensées comme celles de Benjamin et Syber- berg(2). (Encore que Benjamin, précisément, ait aussi ouvert une autre pensée que celle fondée sur le simple maintien de la distinction entre l'explicite et l'implicite, la lettre-voile et l'esprit, historique-essentiel, enveloppé dans le voile.) A ce titre, le texte sur les « Théories du fascisme allemand » est un texte où le complément de l'esthétisation du politique-savoir, la politisation de l'art et/ou du texte» n'est pas destitué. A ce titre aussi, déjà et encore, il est politisé (à l'ironie près, et ceci n'est pas, du reste, une autre histoire, si la question est bien, toujours encore, celle d'une postérité du romantisme, si celui- ci est la théorie même de l'esthético-politique). Il ne peut être question ici d'esquisser une problématique sur les rapports de Benjamin aux deux penseurs de la ques- tion de la Technique :Jünger et Heidegger. Indiquons seule- ment que la question du voile et la question de la technique sont liées, ce qui n'est pas, déjà, sans incidence sur le sens du texte de Benjamin ... Mais, en 1930, Benjamin reconnaît la justesse de certaines analyses de Jünger (il faudrait pouvoir penser ensemble telles déclarations de Benjamin sur Heideg- ger et sur Jünger ; à Scholem, 20 janvier 1930 : « ... pour abou- tir, pour donner un ferme échafaudage à tout ce travail, il ne me faudra pas moins qu'une étude aussi bien de certains aspects de Hegel que de certaines parties du « Kapital ». Ce qui pour moi aujourd'hui semble une chose acquise, c'est que pour ce livre (il s'agit des« Passages parisiens») aussi bien que (2) Nous laissons suspendue ici la question du rapport entre La société sans joie et les textes récents de Syberberg. 59 Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 77.196.19.217 - 26/04/2016 18h08. © Editions Hazan Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 77.196.19.217 - 26/04/2016 18h08. © Editions Hazan pour le « Trauerspiel » je ne pourrai pas me passer d'une intro- duction qui porte sur la théorie de la connaissance - et, cette fois surtout, sur la théorie de la connaissance de l'histoire. C'est là que je trouverai sur mon chemin Heidegger et j'attends quel- que scintillement de l'entre-choc de nos deux manières, très différentes, d'envisager l'histoire. »; 25 avril1930, à Scholem: « ... mes récentes et passionnantes rencontres avec Brecht. L'idée court ici de démolir Heidegger dans le cadre d'un tout petit groupe de lecture critique que Brecht et moi dirigerions au cours de l'été. Mais Brecht, assez mal en point, est malheu- reusement à la veille de partir et seul je ne m'en chargerai pas ».(3) Le 20 juillet 1938, il écrit de Skovbostrand à Gretel Adorno : « ... je tombai l'autre jour sur un numéro de l'« Inter- nationale Literatur » où je figure, suite à un passage de mon travail sur les Affinités électives, comme un partisan de Heidegger. Grande est la misère de cette littérature». Cepen- dant, le 22 avril 1939, dans une lettre à Bernard Brentano, Benjamin parlera de la « métaphysique à gros grains de Jünger » ; il ajoute entre parenthèses : « (Ceci étant, je n'ai rien contre les métaphysiciens. Ce sont les vrais troubadours de la raison farouche. Mais vis-à-vis d'elle, Jünger se conduit en lansquenet.) »(4) On peut au moins en conclure que l'analyse à venir des rapports entre les pensées de Benjamin, Heidegger et Jünger serait difficile et complexe. uploads/Politique/ benjamin-theoriesdufascismeallemand-lignes0-013-0057.pdf