219 V. THÈMES 1. LA CITOYENNETÉ Les adultes ont tendance à refuser aux enfants
219 V. THÈMES 1. LA CITOYENNETÉ Les adultes ont tendance à refuser aux enfants le droit d’être des citoyens aujourd’hui et mainte- nant ; au mieux, ils les considèrent comme des citoyens « en devenir ». Brian Howe Les multiples dimensions de la citoyenneté contemporaine Au sens strictement juridique, un citoyen est un habitant d’un État doté d’une législation destinée à protéger les droits civils et politiques des individus qui, en retour, ont des obligations à son encontre : obéir aux lois du pays, contribuer aux dépenses communes et défendre le pays s’il venait à être attaqué. La citoyenneté se distingue de la nationalité ou de l’identification ethnique – deux termes qui, dans ce contexte, sont synonymes et ont en commun le principe d’une communauté culturelle et linguistique. Ainsi, plusieurs nationalités coexistent dans la plupart des États européens et des individus de même nationalité peuvent vivre dans des États voisins. L’État est une entité politique et géopolitique, tan- dis que la nation est une entité culturelle et/ou ethnique. La citoyenneté dépend de l’État et n’a rien à voir avec la nationalité. Aujourd’hui, la citoyenneté dépasse la simple relation juridique entre les individus et l’État. En plus de sa dimension juridique, qui renvoie aux droits et aux obligations civiques et politiques, elle comporte une dimension psychologique et sociale. Etre un citoyen fait partie de l’identité de tout un chacun. Votre sentiment d’appartenance à votre communauté vous incline à lui accorder votre attention. Dans le même temps, vous souhaitez que les autres en fassent autant et, qu’avec vous, ils recherchent le bien- être de la communauté toute entière. Au sens large, donc, la citoyenneté n’est pas simplement un processus de socialisation. Elle implique des sentiments d’identité, d’appartenance, d’inclusion, de participation et d’engagement social. En tant que partie inhérente de la communauté, le citoyen peut peser de son influence sur celle-ci et contribuer à sa prospérité. Le citoyen est ainsi à la fois un « bénéficiaire » de droits et d’obligations et un « acteur » qui participe au sein d’un groupe auquel il a le sentiment d’appartenir. Selon cette définition, les citoyens sont égaux en dignité. 220 QUESTION : Quelles sont les formes d’engagement ou d’implication, autres que le vote, ouvertes au citoyen ordinaire ? Comment l’encourager à participer ? Genèse du concept de citoyenneté et approches contemporaines L’évolution du concept de citoyenneté dans l’histoire permet d’expliquer ses multiples dimensions. La citoyenneté est née dans les cités-États de la Grèce ancienne. En ces temps, les « citoyens » étaient ceux qui avaient le droit légal de participer aux affaires de l’État. Mais ceux-là ne représentaient qu’un pourcentage réduit de la population : les esclaves et les femmes n’étaient que des sujets et les étrang- ers étaient exclus. Pour qui avait le privilège d’être un citoyen, l’idée de la « vertu civique », ou d’être un « bon » citoyen, était un aspect important du concept. Cette tradition déboucha sur l’importance don- née aux devoirs que les citoyens étaient censés accomplir. L’association du concept de citoyenneté à celui d’identité nationale s’est produite au XIXe siècle, alors qu’émergeaient les États-nations en Europe et que le statut légal de « citoyen » était souvent lié à l’existence d’un État-nation – même si plusieurs ethnies vivaient sur son territoire. Le lien entre citoy- enneté et patriotisme s’est également renforcé à cette époque. La conception libérale de la citoyenneté, qui trouve son origine dans la Révolution française, insis- tait sur l’importance des droits pour tous les citoyens, et l’engagement eu égard à une constitution plutôt qu’à une ethnie. Tandis que le droit de vote se répandait, la justice et les droits politiques devenaient une réalité pour une proportion croissante de la population. Au XXe siècle, les partisans de la « citoyenneté sociale » sont allés plus loin en reconnaissant que les cit- oyens devaient pouvoir attendre de l’État des droits civils et politiques. L’essor de la protection sociale au cours du siècle passé doit beaucoup aux penseurs affirmant que les droits des citoyens devaient englober leurs conditions de vie et de travail. De nos jours, le concept de citoyenneté a plusieurs définitions, à la fois liées entre elles et complémen- taires. Le concept de « citoyenneté active » implique d’œuvrer en faveur de l’amélioration de sa commu- nauté et de tous ses membres au moyen de la participation économique, du service public, du bénévolat et d’autres efforts. La « citoyenneté européenne » a plusieurs significations. Le Traité sur l’Union européenne (Traité de Maastricht) a introduit le concept selon lequel les citoyens des États membres de l’Union européenne (UE) possèdent de plus en plus de droits et de devoirs à l’égard de l’Union dans son ensemble – et plus seulement à l’égard de leur seul État. Parmi les droits accordés aux citoyens de l’UE figurent le droit à la liberté de mouvement et le droit de vote et d’éligibilité au Parlement européen. Pourtant, on ne peut pas dire qu’il existe aujourd’hui une « société européenne » comme il existe une société grecque ou tchèque. Aujourd’hui, la citoyenneté européenne se situe quelque part entre une réalité tangible et un idéal inac- cessible. « Dans l’idéal, la citoyenneté européenne devrait se comprendre en termes de valeurs : celles de démocratie, de droits de l’homme et de justice sociale. »1 La citoyenneté européenne confère un authen- tique sentiment d’appartenance à de multiples systèmes de valeurs : les droits de l’homme, la national- ité, l’ethnie, la communauté locale, la famille, une idéologie, entre autres. Ce système d’appartenance, multiple et dynamique, inhérent à la citoyenneté européenne, ne se heurte pas à l’identité nationale ; il est dépourvu d’exclusive et fonctionne au plan local. La « citoyenneté mondiale » est un concept récent né de l’idée que chacun est citoyen du monde. Mais, au sens juridique, il n’existe pas de citoyen mondial. « La citoyenneté mondiale, c’est comprendre la nécessité de lutter contre l’injustice et l’inégalité, et avoir le désir et la capacité de s’engager activement dans ce combat. C’est savoir apprécier la valeur unique et précieuse de la terre, et préserver l’avenir des générations qui nous suivront. La citoyenneté mondiale n’exclut aucune autre conception de la citoyen- neté ; c’est penser différemment et s’engager pour faire la différence »2. Compte tenu des nombreuses interprétations possibles de « citoyen » et de « citoyenneté », et dans la 221 mesure où le concept d’État-nation n’est pas forcément pertinent dans une Europe multiculturelle, le Conseil de l’Europe désigne par citoyen « une personne vivant avec d’autres personnes dans une société donnée ». À la place d’État-nation, le terme de « communauté » décrit mieux l’environnement local, régional et international dans lequel vit un individu. QUESTION : Quelle est votre conception de la citoyenneté ? Quels devraient être les critères de la citoyen- neté dans un monde que caractérise de plus en plus la mobilité et la multiculturalité ? Qui, dans votre société, ne devrait pas pouvoir prétendre aux droits liés à la citoyenneté ? De nos jours, le concept de citoyenneté englobe pour la plupart d’entre nous un peu des concepts préci- tés, quoiqu’en proportion variable. Certains insisteront sur la notion de « devoirs », d’autres s’attacheront davantage aux « droits ». Pour quelques-uns, le patriotisme est un concept clé, associé à un seul État, tan- dis que pour d’autres, la citoyenneté revêt un sens plus large. Les enfants en tant que citoyens La législation de beaucoup de pays a longtemps considéré les enfants comme la propriété de leurs par- ents. Même si la patria potestas, qui conférait au père un pouvoir absolu sur ses enfants – y compris de vie et de mort –, a disparu depuis longtemps, on en trouve encore des traces dans quelques pays. Les enfants sont en effet traditionnellement considérés comme des « non-citoyens » ou des « pré-citoy- ens ». La Convention des droits de l’enfant, qui reconnaît le droit des parents à la garde, à l’éducation et à la représentation de leurs enfants (articles 5 et 18), introduit parallèlement le principe de l’intérêt supérieur de l’enfant, qui limite les droits parentaux dans l’intérêt de l’enfant (article 3). Selon Brian Howe, défenseur canadien des droits de l’enfant, bien que les enfants soient légalement des citoyens en vertu de leur naissance ou de leur naturalisation, ils ne sont bien souvent ni reconnus ni trai- tés comme tels. « Les adultes ont tendance à refuser aux enfants le droit d’être des citoyens aujourd’hui et maintenant ; au mieux, ils les considèrent comme des citoyens en devenir ».3 Howe identifie deux raisons à cette attitude : la dépendance économique des enfants et leur immaturité psychologique. Il souligne toutefois que d’autres groupes économiquement dépendants, comme les parents au foyer, les retraités, les étudiants ou encore les adultes handicapés, ne sont pas pour autant reniés dans leur citoy- enneté. Il en conclut que les enfants ont un droit à la citoyenneté, dans la mesure où l’enjeu de la citoy- enneté est l’inclusion et non l’indépendance économique. QUESTION : Les enfants sont-ils véritablement des citoyens uploads/Politique/ citoyen-net-e.pdf
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- Publié le Jul 04, 2021
- Catégorie Politics / Politiq...
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