19.- ENSEMBLE DOCUMENTAIRE SUR LA TRANSITION DÉMOCRATIQUE EN ESPAGNE Document 1

19.- ENSEMBLE DOCUMENTAIRE SUR LA TRANSITION DÉMOCRATIQUE EN ESPAGNE Document 1 : Suárez s’adresse au pays après les événements de janvier 1977 Mesdames et Messieurs, bonsoir. Un mois et demie après que vous avez décidé avec vos suffrages librement émis, votre destin comme nation, je me sens dans le devoir de comparaître devant vous pour vous communiquer quelle est l’attitude du gouvernement face aux actions criminelles dont la gravité je ne veux pas vous cacher parce que, finalement, leur propos est d’annuler la voix de notre société. Nous sommes conscients de l’importance du défi : il s’agit de rendre inviable notre chemin vers une convivialité civilisée et il s’agit d’actions de petits groupes tout à fait marginaux, mais professionnels du crime. Et quels sont les buts qui se proposent d’atteindre ces professionnels de la terreur ? Terroriser la population, briser la confiance dans le gouvernement, n’importe lequel qu’il soit, attaquer la structure de l’État, provoquer les forces armées et celles de l’ordre public, troubler la confiance citoyenne et liquider le processus où nous nous sommes engagés et arriver à affronter violemment et radicalement les forces politiques du pays entre elles Je souhaite vous transmettre très clairement une chose : rien de capitulation face à la subversion. Rien d’attitudes tièdes vers les provocations. Rien de ne pas prendre souci par rapport aux grandes affaires qui peuvent toucher l’unité, l’indépendance et la sécurité de la patrie. Cependant, nous affirmons très nettement que : tout, quant à l’attitude et à la prédisposition au dialogue pacifique. Tout, quant à ouvrir le jeu politique pour normaliser la vie citoyenne. Tout, quant à la reconnaissance de la particularité et personnalité des régions. Absolument tout, quant à rendre possible que les différentes options politiques puissent développer leurs aspirations légitimes au pouvoir. Vous pouvez être absolument certains que, malgré toutes les difficultés et avec votre aide, nous allons suivre le chemin que vous-mêmes nous avez signalé, celui qui est, enfin, le chemin de toute l’Espagne. Merci à tous et bonsoir. Allocution télévisée du président Adolfo Suárez, samedi, 29 janvier 1977. Document 2 : Funérailles des avocats du bureau d’Atocha assassinés en janvier 1977 1.- Présentation des documents 1 Le texte est un document politique et historique-circonstanciel de source primaire. Il s’agit d’un discours adressé à la nation par le président du gouvernement à travers une allocution télévisée lors des événements de janvier 1977 qui mirent en danger le processus de transition démocratique en Espagne. Par rapport à l’image, elle peut être considérée comme un document témoin et iconographique de source primaire, à caractère journalistique. Il s’agit d’une photo prise à l’occasion d’un moment historique : la manifestation de deuil pour les avocats du bureau d’Atocha, assassinés par des tueurs d’extrême droite, donnant témoin de ce moment. L’auteur du texte est le président du gouvernement à l’époque, Adolfo Suárez (1932-2014). Adolfo Suárez est un politicien issu des rangs du franquisme, dont la carrière politique pendant la dictature est liée au Mouvement National, nom qui reçoit le parti unique du franquisme, autrement dit, FET et des JONS, le parti issu de l’unification des différents groupes fascistes et traditionalistes ayant prêté leur appui au soulèvement du 18 juillet 1936. Adolfo Suárez est nommé ministre Secrétaire Général du Mouvement dans le premier gouvernement de la monarchie présidé par Carlos Arias Navarro. Au début juillet 1976, il remplace Arias Navarro à la tête du gouvernement, ayant échoué le projet de maintenir l’essentiel du franquisme, en ne reformant que l’accessoire, du premier gouvernement de la monarchie. Comme président du gouvernement Suárez réussit à faire approuver par les Cortes du franquisme la réforme politique qui supposait la fin du système dit de « démocratie organique » de la dictature. Dans les premières élections au suffrage universel depuis 1936, celles du 15 juin 1977, Suàrez obtient la victoire à la tête d’une coalition de partis de droite et de centre appelée « Unión de Centro Democrático ». Une fois la Constitution de 1978 approuvée, l’UCD emporte les élections de février 1979. Cependant, l’instabilité de l’UCD, les menaces putschistes, le manque d’appui de certaines institutions de l’État, amènent Adolfo Suárez à démissionner le 29 janvier 1981. La photo constitue un document symbolique d’un moment historique. On peut voir la foule qui accompagne les corbillards des avocats d’Atocha lors des funérailles de ceux-ci. Il s’agit d’un document graphique qui montre la force du Parti communiste, auquel étaient liés les avocats assassinés, qui avait convoqué la manifestation de deuil, illégale car toute manifestation publique était illégale à l’époque, mais que personne n’osa pas interdire. Le but du texte est de souligner que le processus démocratique ne va pas s’arrêter, malgré les actions terroristes de l’extrême droite et de l’extrême gauche. Dans ce sens, l’auteur exprime cette idée à travers plusieurs arguments : D’abord, la reconnaissance de la gravité de la situation à laquelle on doit faire face. Puis, la constatation de quels sont les buts qui se sont proposés les terroristes : altérer la convivialité démocratique, empêcher le développement du processus de transition démocratique et provoquer les institutions. Ensuite, quelle va être l’attitude du gouvernement à l’égard des provocations terroristes. D’une part, ne pas se laisser intimider par les provocations. D’autre part, se montrer ferme dans le maintien du processus démocratique. Enfin, rassurer la population à l’égard de la fermeté du gouvernement dans ces circonstances. L’image a pour but de montrer l’immensité de la réponse à la tuerie d’Atocha, ce qui supposa la plus grande manifestation jusqu’à alors ayant eu lieu en Espagne. 2.- Contexte historique Les événements de janvier 1977, l’enlèvement d’Antonio Mª de Oriol et du général Villaescusa par les GRAPO et la tuerie d’Atocha par des tueurs d’extrême droite ont lieu un mois et demie après l’approbation par référendum de la Loi de la Réforme Politique, que le président du gouvernement Adolfo Suárez avait présenté aux Cortes. Ces événements mettaient en danger le processus de transition démocratique amorcé, car supposaient d’une part une provocation envers les institutions qui surveillaient le processus démocratique et menaçaient avec un retour à la dictature, et d’autre part un défi aux forces de l’opposition et notamment au Parti communiste qui avait joué un rôle principal dans l’opposition au franquisme tout au long de la dictature. Ce défi fait prendre conscience au gouvernement de la nécessité d’accélérer le processus de transition démocratique avant que les forces contraires à son développement eussent l’opportunité de le faire échouer. En même temps l’impressionnante manifestation organisée par le Parti communiste 2 obligea le gouvernement à ne pas le maintenir à l’écart du processus de transition, si bien que quelques mois plus tard, le 9 avril 1977, le Parti communiste était légalisé, pouvant, donc, se présenter aux élections de juin 1977. 3.- Réflexion organisée sur le processus de transition démocratique en Espagne (1975-1982) La dictature franquiste était intimement liée à la figure du dictateur. C’est pourquoi elle ne va pas survivre à sa mort en novembre 1975. En outre, les transformations de la société espagnole au cours des années 1960, la poussée de l’opposition et des mouvements populaires (syndicats, partis, associations du quartier, etc.), et la situation européenne et internationale, n’allaient pas permettre le maintien en Espagne d’une dictature héritière des régimes totalitaires des années 1930. Donc on va analyser d’abord pourquoi les projets de ne réformer que légèrement le franquisme, mais le maintenir dans l’essentiel, projet représenté d’abord par le gouvernement de Carrero Blanco et ensuite, après la mort de Franco, par celui d’Arias Navarro ne pouvaient qu’échouer. Puis, le processus de transition dirigé par le gouvernement d’Adolfo Suárez consistant à briser le régime, mais à partir de ses institutions, si bien que ce sont les Cortes franquistes qui sont chargés d’approuver la réforme politique qui met fin au système politique de la dictature. Enfin, comment les institutions clés de la dictature, et notamment l’Armée, vont surveiller tout le processus, marquant aussi ses limites. La mort de Franco le 20 novembre 1975, est suivie de la nomination de Juan Carlos I comme roi. Les expectatives d’un changement politique se virent, cependant, déçues par la continuité d’Arias Navarro à la tête du gouvernement, malgré la présence de ministres considérés réformistes dans le gouvernement, comme Fraga ou Areilza. Le gouvernement d’Arias se montre incapable d’amorcer un processus de transition démocratique. Le projet de réforme politique présenté par Arias devant les Cortes n’est qu’une blague de mauvais goût qui met en place encore une fois un système de représentation organique. Par ailleurs, la répression continue, comme montrent les événements de Vitoria, Montejurra ou l’arrestation des dirigeants de l’opposition après avoir sorti de prison en conséquence de l’amnistie partielle décrété pour fêter la nomination de Juan Carlos I. Dans un gouvernement sans réponses aux problèmes des citoyens et au milieu d’une crise économique mondiale, l’échec du gouvernement menaçait d’entraîner tout le système et même la monarchie. Il y avait besoin, donc, d’un changement et ce changement ne pouvait être impulsé que par des personnes qui n’avaient pas eu un rôle principal dans le gouvernement d’Arias. En effet, de façon surprenante, uploads/Politique/ commentaire-transition.pdf

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