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Communication politique « La communication suit le pouvoir comme son ombre. À tous ses niveaux, la politique a besoin de communication pour se réaliser pleinement. On peut aller jusqu’à affirmer que communication et politique nouent des liens consubstantiels couvrant plusieurs dimensions, et ce bien avant l’essor des médias de masse. Depuis toujours, toute forme d’autorité politique se met en scène et en récit pour imposer ou confirmer son statut et pour mobiliser ses assujettis et les convaincre si besoin est. » Ainsi Arnaud Mercier définit-il la communication politique. Il apparaît en effet que la logique des rapports entre gouvernants et gouvernés a été depuis toujours outillée. Si la logique est restée quasiment immuable, l’outillage lui a constamment évolué au gré des circonstances au point de se constituer en proto politique. Dans ce cours, nous allons tout d’abord définir la communication politique, ensuite, nous allons établir les grandes étapes franchies par la communication politique, les outils successifs mis en œuvre lors de ces évolutions. Dans un deuxième temps nous considérerons les effets induits de la communication sur le politique avant de conclure par la construction de nos jours du discours politique parvenu au stade de quasi science de la gouvernance. La communication politique est un problème aussi vieux que celui de la cité et il suffit de se souvenir du rôle attribué au langage chez les premiers penseurs de la cité antique pour comprendre cette consubstantialité qu’Aristote pointait en définissant l’être humain comme un animal à la fois politique et symbolique. I – définition On peut définir la communication politique de manière lapidaire en la ramenant à l’ensemble des techniques et stratégies au service de la domination politique. Il s’agirait alors de l’ensemble des approches outillées par les politiques et dans un jeu longuement pensé afin de séduire, circonvenir l’opinion publique, de désinformer les citoyens pour mieux assurer l’assise des dirigeants aux devants de la direction des affaires publiques. Il est possible d’étendre désormais cette définition à l’ensemble des rapports ambigus entretenus entre dirigeants et dirigés et qui s’appuient sur des mécanismes controversés. Pour prospérer, ces rapports ont besoin d’un appui intellectuel ainsi que d’outils appropriés lesquels ne sont pas toujours disponibles dans la sphère politique immédiate. Un emprunt à d’autres sphères s’impose dès lors avec le risque que les outils importés colportent avec eux les déterminismes qui ont présidé à leur conception. Ainsi la communication politique devient un champ ouvert qui intègre alors la conquête et le contrôle d’espaces nouveaux chaque fois qu’elle doit étendre son influence. Les administrations par exemple deviennent dans la plupart des pays des enjeux pour l’extension de la communication politique. La communication politique est antérieure à la constitution des cités fussent-elles antiques. II – naissance et évolution de la communication politique depuis la deuxième moitié du XXe siècle la communication politique s’est considérablement développée entraînant une multitude d’études qui ont fini par en faire une science à part entière. Pour autant, le phénomène lui-même est très ancien et confine avec les premières mises en place d’organisation en société. Du reste, même le monde animal n’échappe pas entièrement à l’emprise de formes primaires de communication de type politique. La nécessité d’une hiérarchisation dans certaines communautés animales a consacré l’apparition de formes de répression et de séduction comme mode d’assise de l’autorité. Cela a pu être observé chez les grands singes par exemple. C’est dire que c’est la configuration en société qui est à la base première de l’apparition de la communication politique. Celle-ci a été complétée et consolidée par l’apparition du langage articulé propre à l’humain. Au sein de la communauté primaire, face à des enjeux réduits à leurs simples expressions, la force de type animal peut être considérée comme la manifestation initiale de la communication politique. Le mâle dominant, le guerrier vainqueur parce qu’il séduit par sa bravoure sa stature acquiert un statut politique fait de respect, de soumission des autres qu’il lui faut ensuite entretenir s’il ne veut pas déchoir. Le langage politique moderne conserve des traces très visibles de ces premiers pas de la communication politique. Ainsi ce langage est peuplé de termes et d’expressions qui ont survécu aux pratiques plutôt physiques auxquelles ils renvoient. Gilles Gauthier, Professeur au Département d’information et de communication de l’Université de Laval a ainsi étudié la métaphore guerrière dans la communication politique. Il est parvenu à observer que « La politique, par ceux là même qui en sont les artisans et aussi par ceux qui en sont les observateurs et analystes, est souvent dite être une “arène”, un “combat”, une “lutte”, une ”bataille” mettant aux prises des “opposants”, “adversaires” et “ennemis”, faisant l’objet d’une “victoire” ou d’une “défaite” au cours de “campagnes”, “débats” et autres formes d’”affrontements” suivant des “manœuvres”, “stratégies”, “tactiques” et autres considérations polémologiques. La métaphore guerrière est manifestement un constituant et une illustration de la communication politique. »1 Cet âge primaire de la communication politique auquel renvoie le discours guerrier voire animalier, va céder le pas à un mode plus civilisé avec la sédentarisation des peuplements humains et l’apparition des premières cités. La force animale, brutale ne suffit plus pour faire autorité. Le pouvoir doit être légitimé. Pour cela il doit être sacré. D’ailleurs « sacre » est de nos jours encore un terme parfait pour désigner l’aboutissement d’une « campagne » politique heureuse. Un candidat est « sacré vainqueur ». La communication politique va se couvrir alors de divin. Le chef est élu par les dieux, il a reçu une onction de leur part, il règne en leur nom et les représente auprès de ses semblables. Les religions vont donc apporter une contribution inestimable à la construction du discours et de la communication politique tout entière. Ainsi les prophètes, premiers tribuns politiques, ont presque tous reçu un message divin, un ordre divin leur enjoignant de commander les hommes. La communication politique va dans ce cas se construire autour de la magnification des dieux par les hommes en première ligne desquels viennent ceux désignés par les premiers : les hommes politiques. Les fêtes religieuses sont les lieux d’exercice de ce magnificat. Les dieux deviennent des prétextes heureux d’adulation de l’élu du patriarche, guide, du timonier, etc. Là encore le discours politique rend compte de la prégnance passée du sacré dans la communication politique. Ainsi la plupart des hommes politiques commencent, parsèment ou terminent leur discours en invoquant Dieu. « Que Dieu bénisse le Burkina Faso ! » Roch Marc Christian KABORE (discours à la nation le 31 décembre 2020). « God save the Queen » (hymne national de l’Angleterre). « In God we trust » (inscription sur le dollar américain). L’homme politique doit prononcer une « profession de foi » Dans bien de pays y compris de grandes démocraties c’est sur un livre saint que l’élu qui doit prendre fonction jure d’exercer la charge qui lui a été confiée par les électeurs grâce à Dieu. Etc. Jusque là, la communication politique, s’appuie encore sur une pratique de type autoritaire du pouvoir. Celui-ci est concentré entre les mains d’une seule personne apte à prendre des décisions sensées être incontestable. Ainsi la papauté survivance de cette époque est réputée irrévocable, omnipotente, omnisciente et infaillible. Cependant l’élargissement de l’espace politique, l’apparition des premières agglomérations va entraîner progressivement une dilution du pouvoir par le jeu des mandats. L’administration de territoires de plus en plus étendus ne permet plus à un seul individu d’étendre son autorité. Il devra se démultiplier en déléguant son autorité à des mains 1 Gilles Gauthier, la métaphore guerrière dans la communication politique ; Recherches en communication, n° 1 (1994). expertes, simples prolongements des siennes. Dans un premier temps, ce seront les princes, puis cela évoluera pour intégrer la parentelle du chef et plus loin encore des hommes de confiance. On les élèvera à un rang estimable grâce à un cérémonial de type liturgique et leur nouvelle dignité sera marquée par les attributs dont on les affuble, vêtements, appellations, codes de conduites, soit autant de messages adressés aux gouvernés. Ces délégués de l’autorité centrale peuvent contribuer à enrichir la communication en développant à leur tour des manifestations communicantes qui leur sont propres. Cette particularisation va avoir un effet accélérateur sur la dilution du pouvoir de type divin mais aussi sur la formalisation de la communication politique. Les délégués sont en effet choisis pour leur aptitude particulière censée renforcer les pouvoirs du premier élu. Or ces aptitudes peuvent à certains moments dépasser les intentions du premier élu. Il lui faut alors s’en accommoder. L’apparition des scribes dans l’Égypte ancienne, des devins, des druides traduit l’émiettement de l’autorité centrale. Leur mission première est d’aider le chef. Les mossis diront « songnaba ». Mais le chef lui-même finit par devenir tributaire de ses aides. Au forgeron il doit les armes qui font de lui une puissance. Au devin il doit la vision des évènements qui l’attendent. Au griot il doit la mémoire de son règne. Sauf que par moments, il arrive que ces « spécialistes » veuillent monnayer au prix fort leurs services quand ils ne rêvent pas uploads/Politique/ politique-de-communication-cours.pdf

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