CHAPITRE 7 : COMMENT EXPLIQUER L’ENGAGEMENT POLITIQUE DANS LES SOCIETES DEMOCRA

CHAPITRE 7 : COMMENT EXPLIQUER L’ENGAGEMENT POLITIQUE DANS LES SOCIETES DEMOCRATIQUES ? L’engagement politique est l’ensemble des actes manifestant la volonté de participer à la vie politique pour peser sur ses orientations ou interpeller les autorités politiques. L’engagement politique comporte certes une dimension individuelle (artistes engagés, grève de la faim, consumérisme politique, dimension individuelle du vote…), mais il s’agit surtout d’un phénomène collectif. C'est-à-dire qu’il s’effectue le plus souvent dans le cadre d’organisations diverses (l’engagement syndical et associatif ou la participation à des mobilisations collectives). Par ailleurs, comme le vote, l’engagement politique obéit à des déterminismes socioculturels et doit être relié au processus de socialisation. I/ Les formes de l’engagement politique L’engagement politique est multiforme. A) Le vote et la consommation engagée 1. Le Vote Voter est la désignation de représentants politiques ou l’expression de préférences politiques. Voter est une affaire individuelle car il symbolise l’appartenance à la communauté politique (identité sociale) Voter est une affaire collective car il s’apparente à une cérémonie du devoir civique qui célèbre l’unité de la nation (cohésion sociale). Malgré la montée de l’abstention, les Français continuent de percevoir l’acte électoral comme la manifestation la plus forte de l’engagement citoyen. 2. La consommation engagée une autre façon de voter La consommation engagée renvoie à l’ensemble des actions individuelles ou collectives visant, par le choix de produits et de producteurs, à dénoncer certaines pratiques marchandes (boycott) ou à promouvoir des formes d’activités économiques jugées plus éthiques (buycott). Ce type d’engagement marquerait l’émergence d’un consommateur citoyen. Il ne se limite pas au boycott et au buycott et peut s’inscrire dans une critique plus large de la société de 1/9 consommation. Ainsi, boycotter une entreprise qui fait travailler des enfants ou encore acheter des vêtements issus du commerce équitable sont des pratiques de consommation engagée. B) Le militantisme Le militantisme est l’engagement des individus de forte intensité dans un parti politique, une association ou un mouvement social pour une cause collective. 1. La faiblesse du militantisme dans les partis et syndicats Le militantisme est l’engagement des individus de forte intensité dans un parti politique, une association ou un mouvement social pour une cause collective. Ce militantisme « classique » semble aujourd’hui en crise : – Difficulté des partis à recruter des adhérents même si la France n’a jamais été un pays de fort militantisme partisan, à l’exception de brèves périodes (Front populaire, Libération, Mai 1968, campagnes des présidentielles) ; – Un certain déclin du syndicalisme (chômage, précarité) : le taux de syndicalisation des Français est l’un des plus bas au sein de l’OCDE, la capacité des syndicats à mobiliser est remise en cause et le nombre de grèves semble en chute libre, mais il faut là aussi nuancer le constat. 2. La vitalité de l’engagement associatif Les associations réunissent des personnes majoritairement bénévoles autour de projets ou d’activités dans un but non lucratif. D’après l’Insee, les associations de « défense de causes, de droits ou d’intérêts » représentent moins de 20 % du total des associations (1,3 million) présentes en France. Par ailleurs, les associations sportives, d’organisations religieuses, de loisirs ou culturelles n’ont pas une dimension explicitement politique. II/ Les principales explications de l’action collective 2/9 L’action collective correspond à l’action commune ou concertée des membres d’un groupe en vue d’atteindre des objectifs communs. A) L’approche économique et l’approche sociologique 1. L’approche économique : Les incitations sélectives poussent les individus à s’engager à l’action collective : Solution au paradoxe de l’action collective ■ Selon Oxon Mancur, c’est l’idée selon laquelle s’engager est à priori irrationnel car les coûts de la participation sont individuels mais les bénéfices collectifs. Le choix rationnel est de ne pas supporter les coûts et d’adopter un comportement de passager clandestin (La stratégie du free-riding ou « ticket gratuit » ou encore du « cavalier seul » qui consiste à laisser les autres agir et supporter les coûts de l’action, tout en bénéficiant de ses retombées éventuelles qui constituent un bien collectif. ■ La solution à ce paradoxe vient de l’existence d’incitations sélectives (positives ou négatives). Les incitations positives sont des avantages réservés à ceux qui participent à l’action collective (monopole des syndicats sur l’embauche, sur les promotions ou services offerts à des prix inférieurs à ceux du marché). Les incitations négatives sont des représailles contre ceux qui adoptent un comportement de passager clandestin. 2. L’approche sociologique : Les rétributions symboliques poussent les individus à s’engager. ■ Les individus ne s’engagent pas tant pour obtenir des récompenses matérielles, mais parce que l’engagement leur procure des gratifications d’ordre affectif, moral et identitaire : estime de soi, reconnaissance, intégration à un groupe en lutte, partage de moments intenses, camaraderie, fierté de défendre ses valeurs, de se sentir altruiste, d’agir pour une juste cause, de contribuer à « faire l’histoire ». Elle souligne également que l’engagement militant est un moment de socialisation intense et joue un rôle décisif dans la construction de l’identité. ■ Le « paradoxe du pèlerin » (Exit, Voice and Loyalty, 1970) : « Le bénéfice individuel de l’action collective n’est pas la différence entre le résultat qu’espère le militant et l’effort fourni, mais la somme de ces deux grandeurs. » B. Le rôle du contexte politique 3/9 1. La structure des opportunités politiques Elle désigne l’environnement politique auquel sont confronté les actions collectives et mouvements sociaux qui peuvent favoriser ou défavoriser l’action collective. Elle repose principalement sur quatre piliers :  Un système politique ouvert/fermé aux mobilisations collectives  Des alliances politiques stables/instables  Capacité/Incapacité d’un système politique à développer des politiques satisfaisant les mouvements sociaux.  La présence ou l’absence d’alliés, d’élus ou de médias apportant leur soutien au mouvement. Par exemple, dans un contexte de forte répression des militants ou les revendications ont peu de chance d’aboutir, il est probable que l’engagement politique soit moins importante que dans un contexte ou la revendication est possible. 2. Rendre la syndicalisation obligatoire Cela a pour objectifs de faire remonter le taux de syndicalisation en France et d’améliorer ainsi la représentativité des syndicats et le dialogue social. Cependant, cette volonté se heurte à de nombreux obstacles en France : – Les syndicats s’opposent à une forme d’ingérence de l’État et défendent la « liberté de se syndiquer ou non » ainsi que l’égalité républicaine ; – Cette mesure contredit l’idée d’un engagement volontaire et cadre mal avec la figure « classique » du militant ; – Cette obligation conduirait à une spécialisation des syndicats par métiers et provoquerait un émiettement syndical, ce qui affaiblirait la représentativité des syndicats et compliquerait le dialogue social ; – La tradition française d’un « syndicalisme de lutte » cadre mal avec le modèle du « syndicalisme de service ». III/ L’influence des variables sociaux démographiques sur l’engagement politique 4/9 A) La catégorie socioprofessionnelle et le diplôme L’engagement politique dépend fortement du statut social et du niveau de diplôme. 1) La catégorie socioprofessionnelle (doc.1 page 316) L’appartenance à une catégorie sociale favorisée peut aussi faciliter l’engagement politique. En effet, ces catégories plus aisées sont fortement dotées en capital culturel et économique, ont moins de contraintes matérielles et temporelles qui favorisent leur militantisme. Ainsi, les membres des catégories aisées votent plus fréquemment que ceux des catégories populaires (employés et ouvriers), sont davantage syndiqués, et sont surreprésentés à l’Assemblée nationale. La surreprésentation de la classe dominante peut être à l’origine des politiques qui marginalisent les catégories populaires. Ces constats confirment l’analyse de Loïc Blondiaux : les membres des catégories aisées, les mieux dotés en capital culturel et les plus intégrés socialement, participent davantage à la vie politique, quelles que soient les formes d’engagement considérées. 2) Le niveau de diplôme (doc.1 page 316) On constate aussi que plus le niveau de diplôme s’élève, plus le vote systématique et l’adhésion à un syndicat sont fréquents. En effet, lorsque des personnes sont diplômées, elles ressentent souvent moins de gêne ou de honte à s’exprimer en public, ce qui va les amener à prendre davantage la parole ou à participer à l’action collective. B) L’âge, la génération et le genre 1) L’âge ou la génération ■ La participation électorale conventionnelle est plus importante chez les personnes âgées comparées à celle des plus jeunes, qui préfèrent la participation électorale non conventionnelle. En effet, l’absentéisme chez les jeunes s’explique par le fait qu’ils soient plus frappés par le chômage, la précarité du marché du travail et la dévalorisation des diplômes. ■ L’engagement associatif des 65 ans et plus est supérieur à la moyenne car ces derniers, retraités pour la plupart ont plus de temps à s’engager que les jeunes occupés par un emploi. 5/9 2) Le genre Les femmes ont un engagement militant moins important que les hommes. En effet, d’abord, les femmes sont plus occupées par les tâches domestiques (facteurs sociologiques), ensuite l’existence de stéréotypes (manque de charisme, absence de combativité et de maitrise technique, qualités d’orateurs). Egalement, les syndicats qui restent réticents à l’idée de confier des positions de pouvoir aux femmes (facteurs politiques). Enfin, le champ politique français depuis 1789 a privé durablement les femmes uploads/Politique/ cours-engagt-politique-ndri.pdf

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