Chapitre V La France sous le Premier Empire Avec le régime impérial, la France

Chapitre V La France sous le Premier Empire Avec le régime impérial, la France est revenue aux traditions monarchiques et à l’absolutisme, car Napoléon gouvernait à l’aide de ses fonctionnaires, sans tenir compte de la Constitution. Les libertés démocratiques avaient disparu, et l’égalité des citoyens était sensiblement altérée, par la création d’une nouvelle couche sociale, la noblesse impériale. Napoléon avait une personnalité extraordinaire, une ambition et un besoin permanent d’agir, doublés d’une mémoire prodigieuse et d’un désir de gloire sans limites. Rien ne lui semblait irréalisable et il est arrivé à rêver même d’un empire immense, placé sous sa domination. Le spectacle troublant des années de la Révolution, la manière brusque dont il avait pris le pouvoir et l’admiration générale dont il avait joui pendant son ascension, au temps du Directoire et du Consulat, lui avaient inspiré une très grande confiance en soi-même et un profond mépris pour les autres. C’est la raison pour laquelle il allait peu à peu perdre le sens de la mesure et commettre de graves erreurs : le mépris de ses collaborateurs allait le conduire à n’accepter aucun conseil, et le mépris de ses ennemis allait l’entraîner à sa perte. Seul son jugement lui semblait bon et il n’acceptait aucune initiative venant d’autrui. La Cour impériale fut organisée comme celle d’un roi. La famille de Napoléon constitua une dynastie de Princes Français, dans la lignée de laquelle la couronne devait être transmise de façon héréditaire. L’Empereur était entouré de six Grands Dignitaires : le Grand Electeur, l’Archichancelier d’Empire, l’Architrésorier, le Connétable et le Grand Amiral. Les fonctions de ceux-ci étaient seulement honorifiques. Quatorze maréchaux d’Empire, nommés le 19 Mai 1804, et huit inspecteurs et colonels généraux formaient les Grands Officiers militaires. Il y avait encore les six Grands Officiers civils : le Grand Aumônier, le Grand Maréchal du Palais, le Grand Chambellan, le Grand Ecuyer, le Grand Veneur et le Grand Maître des Cérémonies. La Maison militaire de l’Empereur comprenait quatre colonels généraux et la Garde Impériale. Il y avait aussi de nombreux préfets du palais, de chambellans, d’écuyers, de pages, qui étaient les domestiques du souverain. L’ensemble de la Cour était complété par une Maison de l’Impératrice et une Maison pour Madame Mère (la mère de l’Empereur) et d’autres pour les princesses et les princes d’Empire. Tous ces courtisans bénéficiaient de traitements considérables, de dotations et de gratifications diverses et ils devaient, en échange, se conduire selon une étiquette aussi rigide que celle des anciennes cours royales. Ainsi, les titulaires de certaines fonctions furent de droit princes, comtes ou barons ; d’autres membres de la Cour, chargés de certains services privés, furent récompensés par l’octroi d’un titre nobiliaire. Cependant, l’ancienne noblesse restait supprimée. La famille de l’Empereur était fort nombreuse1. La mère de Napoléon, Marie Letizia Bonaparte, était une femme de caractère énergique, mais très simple d’allure, parlant peu le français. Malgré le titre de Madame Mère, qu’elle reçut pendant l’Empire, elle mena une vie retirée, à l’écart de la Cour. Refugiée à Rome en 1815, à la chute de l’Empire, elle y mourut en 1836. L’Impératrice Joséphine (qui avait, de son premier mariage avec le vicomte Alexandre de Beauharnais, un fils, Eugène, que Napoléon fit vice-roi du royaume d’Italie, et une fille, Hortense, mariée en 1802 avec un des frères de Napoléon, Louis, futur roi de Hollande) était celle qui souhaitait que son époux menât une politique de réconciliation avec l’ancienne noblesse. Joséphine fut répudiée en 1809, parce qu’elle n’avait pas donné d’héritier à Napoléon ; elle vécut le reste de sa vie à la Malmaison, où elle mourut peu après l’abdication de l’Empereur, le 29 Mai 1814. En ce qui concerne les frères de Napoléon, on pourrait dire qu’ils ont été parmi ses plus proches collaborateurs et en ont été grandement récompensés : Joseph, le frère aîné, qui avait participé à la préparation du coup d’Etat du 18 Brumaire et avait été chargé de plusieurs missions diplomatiques, fut fait par Napoléon, roi de Naples (1806-1808) puis roi d’Espagne (1808-1813). Après la défaite de Waterloo, Joseph vécut aux Etats-Unis, puis en Angleterre et à Florence, jusqu’à sa mort en 1844. Lucien Bonaparte avait été membre, puis président du Conseil des Cinq-Cents et en cette qualité, il avait été l’artisan du succès du coup d’Etat du 18 Brumaire ; il fut ministre de l’Intérieur en 1799, puis ambassadeur en Espagne en 1800 et membre du Tribunat pendant le Consulat. A cause du pouvoir autoritaire exercé par Napoléon, il se brouilla avec celui-ci, se réfugia en Italie en 1804 et ne se réconcilia avec l’Empereur qu’au moment des Cent- Jours. Louis Bonaparte fut, au début, aide de camp de Napoléon pendant les campagnes d’Italie 1 Les informations sur la famille Bonaparte ont été recueillies dans Le Robert Encyclopédique des Noms Propres, éd. cit., p. 304. et d’Egypte. En 1802, il épousa, contre son gré, Hortense de Beauharnais (avec laquelle il eut trois enfants, dont Louis Napoléon, le futur Napoléon III). En 1808, Napoléon le fit roi de Hollande, mais Louis entra en conflit avec l’Empereur (en refusant d’appliquer le Blocus continental contre l’Angleterre) et il abdiqua en 1810. Jérôme Bonaparte, marié en 1807 avec la princesse Catherine de Wurtemberg, fut nommé par Napoléon roi de Westphalie la même année. Mais, incapable de gouverner, il perdit son trône en 1814. Après la chute de l’Empire il vécut à l’étranger et ne revint en France qu’en 1848, quand il profita de l’ascension de son neveu Louis Napoléon (le futur Napoléon III), qui lui donna successivement les titres de gouverneur des Invalides, Maréchal de France et Président du Sénat. Quant aux sœurs du Napoléon, Marie-Anne (dite Elisa Bonaparte), Marie-Paulette (dite Pauline Bonaparte) et Marie-Annonciade (dite Caroline Bonaparte) elles étaient toutes les trois des femmes énergiques, actives et ambitieuses. En 1805, Napoléon fit Elisa princesse de Lucques et de Piombino, puis la couronna, elle et son mari (l’officier Félix Bacciochi) sous le titre de Grande Duchesse de Toscane ; elle fut une excellente administratrice de ses Etats. Pauline, veuve en 1802, du général Charles Leclerc, épousa en 1803 le prince romain Camille Borghèse et devint la princesse Borghèse ; elle se sépara bientôt de lui et vécut libre et indépendante. Napoléon la fit duchesse de Guastalla en 1806. Elle était très attachée à Napoléon, qu’elle rejoignit à l’Ille d’Elbe en 1814. A la chute de l’Empire elle se réfugia à Florence où elle mourut en 1825. Caroline, la troisième sœur de Napoléon, épousa Murat en 1800 et elle exerça une forte influence sur celui-ci. Reine de Naples en 1808, elle favorisa les arts et la vie culturelle de son royaume. Après la mort tragique de son mari (fusillé en Calabre en 1815) elle prit le titre de comtesse de Lipona, elle se retira à Florence et y vécut jusqu’en 1839. Pour donner à sa Cour de l’éclat et pour consolider son pouvoir, Napoléon créa une noblesse impériale. Ainsi, en 1806, Napoléon donna à certains de ses ministres et de ses maréchaux des fiefs dans les régions conquises en Italie : Cambacérès devint duc de Parme, Fouché duc d’Otrante, Talleyrand prince de Bénévent. Le gouvernement impérial n’apporta pas de profondes modifications sur le plan politique, car les pouvoirs de Bonaparte étaient déjà très grands depuis le Consulat. Le calendrier républicain disparut au 1er janvier 1806 ; le Tribunat fut supprimé en 1807. Les sessions du Corps législatif furent de plus en plus rares et réduites à quelques semaines. L’Empereur légiférait de plus en plus par de décrets et des sénatus- consultes. Les sénateurs étaient d’une docilité exemplaire (car Napoléon s’assurait de leur soumission complète en leur accordant des sénatoreries, c’est-à-dire des domaines fonciers à titre viager). Le Gouvernement impérial fut donc une dictature personnelle, car le travail du Conseil d’Etat et des ministres n’étaient plus qu’un travail de préparation ou d’exécution, l’Empereur se réservant, en toute chose, le droit de décision. La liberté individuelle n’était plus garantie : les suspects pouvaient être arrêtés et incarcérés « par mesure de sûreté » par une simple décision administrative. Une police immense enveloppa la ville de Paris et les départements, étant renforcée par de nombreux agents secrets, au service-même de l’Empereur. La liberté de la presse ne fut pas respectée, non plus. Dès le Consulat, la censure des livres, des journaux et des pièces de théâtre avait été déférée aux Ministères de la Police et de l’Intérieur. En 1810, Napoléon donna un décret qui constitua la Direction générale de l’Imprimerie et de la Librairie : Pour être libraire ou imprimeur il fallait posséder un brevet et prêter serment de fidélité au gouvernement. A Paris, les journaux furent réduits à quatre et leurs directeurs furent désignés par le Gouvernement. En province les journaux furent remplacés par une feuille d’annonces par département, où l’on ne tolérait aucune allusion politique. Le « Mercure de France » fut supprimé à la suite d’un article ouvertement hostile au régime impérial, signé par François René de Chateaubriand. L’article, publié le 4 juillet 1807, est un témoignage éloquent de la uploads/Politique/ course-9.pdf

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