157 Thème 4 – 1-6318-TE-PA-02-14 9 L’échelle de l’État nation Gouverner la Fran

157 Thème 4 – 1-6318-TE-PA-02-14 9 L’échelle de l’État nation Gouverner la France depuis 1946 : État, gouvernement et administration, héritages et évolutions L’État est l’ensemble des personnes et des institutions qui exercent le pouvoir suprême de gouverner et de décider sur une population et un territoire donnés. Ce n’est ni le gouvernement seulement, ni le corps de ses serviteurs, que l’on peut nommer communément la bureaucratie ou l’administration. L’historien Pierre Rosanvallon affi rme que l’analyse de l’État ne peut être découpée en tranches. Son étude doit donc être envisagée dans son rap- port au régime politique, aux institutions, à l’économie, la société, et à la nation. Au cours de l’Histoire, il a revêtu quatre fi gures qui se sont juxtaposées :  l’« État gendarme » qui assure les fonctions régaliennes afin de main- tenir l’ordre politique et social : justice, police, défense.  L’État comme institution du social : il doit renforcer la cohésion d’une société d’individus en développant des règles juridiques, écono- miques, contractuelles, mais aussi favoriser des représentations, un imaginaire collectif, bref en fabriquant du Français.  L’État comme « réducteur d’incertitudes », par exemple en établissant un protectionnisme* favorable aux agriculteurs dans les années 1880, ou en créant une sécurité sociale en 1945.  L’État régulateur, avec la planification* et les nationalisations*. Solution à tous les problèmes, recours ultime, l’État n’en demeure pas moins stigmatisé en permanence par ceux qui refusent son intervention ou veulent la transformer. À la critique traditionnelle révolutionnaire ou antifi scale, s’est ajoutée celle, néo-libérale, des années 1980, qui pointait les dysfonctionnement des économies dirigées, ou encore celle du défi cit démocratique dans les choix politiques. Ces critiques ont d’autant plus pesé que l’État doit s’adapter depuis le milieu du XX° siècle aux muta- tions engendrées au niveau infranational par la multiplication des lois de décentralisation*, et sur le plan supranational*, par la construction euro- péenne. Le tournant du XXIe siècle est donc marqué par un questionnement sur la place de l’État en France, d’autant plus problématique qu’il se pose à des organisations politiques hésitant entre plusieurs modèles. Entre amour et désamour, comment ont évolué la place et le rôle de l’État en France et dans la vie des Français ? Problématique * les termes signalés par un astérisque renvoient au glossaire placé à la fin du chapitre p.187 158 Thème 4 – 1-6318-TE-PA-02-14 Plan du chapitre : traitement Plan du chapitre : traitement de la problématique de la problématique Notions clés Notions clés Repères Repères A- L’État et la Nation en France : un mariage plus que de raison 1- La longue durée de l’État : de la monarchie capétienne à la République démocratique 2- L’État moteur des « Trente Glorieuses » État/Nation Culture républicaine « État de Droit » Dirigisme Keynésianisme Plan ; économie mixte ; nationalisation Démocratie sociale État Providence Système redistributif Fonction publique Commenter une caricature ; Identifi er des symboles et des attributs B- L’État problème 1- Une crise de la représentativité. 2- Une tradition anti-étatique parfois ancienne renouvelée à l’aune de la modernité. 3- L’État en question 4- La révolution libérale Pantoufl age Haute fonction publique Tradition anti-étatique Poujadisme Responsabilité de l’État Contre-pouvoir Révolution libérale privatisation C- L’État dépassé 1- État de droite, État de gauche : un clivage toujours pertinent ? 2- L’État : une échelle de décision dépassée ? 3- L’État contre-attaque Étatisme/libéralisme Fonctionnaire Décentralisation/ déconcentration Mondialisation Supranational Subsidiarité Renationalisation FTN ; ONG Reconnaître les compétences État/UE et les classer dans un tableau 159 Thème 4 – 1-6318-TE-PA-02-14 L’État et la nation en France : un mariage plus que de raison 1. La longue durée de l’État : de la monarchie capétienne à la République démocratique La question de l’État en France est indissociable de celle de la construc- tion de la Nation*. La dynastie capétienne a su construire à son profi t un État avec qui elle fi nit par se confondre et qu’elle pare de la notion de bien commun. À partir du XIIIe siècle, elle a unifi é les mondes français par la conquête à son profi t, elle a marginalisé les féodaux, éliminé les dynasties concurrentes notamment lors de la Guerre de Cent ans, mono- polisé la violence, la justice et la guerre, centralisé les pouvoirs par la création d’une structure administrative moderne, véritable corset d’un monde conçu comme toujours prêt à se diviser. Elle a aussi gagné la légitimité par la fabrication d’un « roman des rois » étayant une véritable idéologie monarchique. Ainsi, à partir du XVe siècle, dans une évolution multiséculaire mais non linéaire, se dessine une communauté politique, liée à un État et à un territoire donné, qui fait naître l’idée d’une « nation France » (C. Beaune). Cependant, la nation fondée sur la conscience de caractéristiques com- munes et sur la volonté de vivre ensemble, prend son sens contemporain au XVIIIe siècle et lors de la Révolution française, avec l’affi rmation d’une opinion publique, la politisation* du peuple. Elle se concrétise dans l’exercice de la souveraineté nationale. La Révolution, malgré la mé- fi ance de tous ses acteurs (y compris les Jacobins*) pour un État identifi é à la royauté et à la tyrannie, fi nalise ce lien quasi consubstantiel entre la nation et l’État, en particulier parce que celui-ci doit assurer la guerre contre les agents de la contre-révolution et contre les monarchies euro- péennes. Ce lien est enfi n scellé par l’épisode napoléonien qui donne aux institutions leur caractère défi nitivement centralisé et opère la syn- thèse entre les héritages révolutionnaire et monarchique. C’est, enfi n la III° République qui fonde à la fi n du XIXe siècle les cinq caractéristiques de l’État contemporain, celles qui ont participé à forger une culture répu- blicaine partagée par la masse des citoyens :  La dimension sacrée du suffrage universel qui légitime le rôle de l’État comme gardien de l’intérêt général au-delà des luttes de partis.  La laïcité et le respect des consciences  Un État de droit* garantissant les libertés fondamentales et l’égalité en droit.  Le parlementarisme* qui contrôle l’État au point qu’il assimile tout ren- forcement de l’exécutif à une volonté d’établir un régime autoritaire. A 160 Thème 4 – 1-6318-TE-PA-02-14  Un État bien plus centralisé que durant l’Ancien Régime, et qui a tou- jours dû composer avec des intermédiaires et des pouvoirs locaux faute d’outils modernes pour contrôler le plus vaste royaume d’Europe occidentale. La crise des années 1930, la défaite de juin 1940, l’écroulement de la République sous les coups de ses adversaires de toujours et de « no- tables fâchés avec la démocratie » (J. P. Azéma), l’établissement par ces derniers d’un État « fort » débarrassé de son idéologie républicaine et de sa pratique démocratique ont dopé le questionnement sur la réforme de l’État et de sa place dans la société. Si la IVe République a hérité du parlementarisme absolu de la IIIe Ré- publique par idéal républicain et réaction à la dictature pétainiste, elle n’en initie pas moins un dirigisme économique et social qui aboutit à la démocratie sociale la plus avancée de l’histoire, qualifi ée – avec exa- gération – d’« Union soviétique réussie » (J.M. Domenach) qui fait de la France une originalité dans le monde des démocraties occidentales. La république gaullienne couronne cette tendance au renforcement de l’État en 1958, et la transforme au plan institutionnel cette fois-ci. Sans remettre en cause l’État de droit, elle réalise la synthèse entre monarchie ancienne et république, en initiant un exécutif fort, processus fi nalisé avec l’élection du président de la République au suffrage universel direct (1962) et un parlementarisme encadré et limité. Cependant cette créa- tion a connu un destin en partie contraire à l’esprit de son créateur. La prépondérance du Premier ministre en période de cohabitation a donné à la Ve République des accents de parlementarisme à l’anglaise. Le ré- gime, sous l’effet conjugué d’une élection présidentielle orpheline de la fi gure tutélaire de de Gaulle et de la bipolarisation de la vie politique droite/gauche, a remis en cause la neutralité de l’Administration et poli- tisé la haute fonction publique, qui fournit d’ailleurs l’essentiel du per- sonnel politique. Une lente construction historique a engendré un rapport complexe entre l’État et les Français. alors que les Anglo-saxons ont conquis en Angleterre puis aux États-Unis, leurs droits et leurs libertés, aux XVIIe et XVIIIe siècles, contre une monarchie jugée inique, d’où une défi ance face à un appareil d’État toujours soupçonné de vouloir empiéter sur les libertés individuelles. On a pu constater les résistances au projet de sécurité sociale voulu par B. Obama. L’État a généralement été cé- lébré comme « ayant fait la France » puis comme garant de l’équité, le défenseur des droits et libertés. Les serviteurs de l’État ont, par exemple, toujours bénéfi cié d’un prestige supérieur à celui des classes marchandes. 161 Thème 4 – 1-6318-TE-PA-02-14 « Charles de Gaulle regnante (régnant) (1958 – 1965) ». Caricature de Roland Moisant le Canard Enchaîné 1965. Source : Terminale Nathan 2004  uploads/Politique/ gouverner-la-france-depuis-1946-pdf.pdf

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