Interview avec Melina VÁZQUEZ (Traduit de l’espagnol par Maricel Rodriguez-Blan

Interview avec Melina VÁZQUEZ (Traduit de l’espagnol par Maricel Rodriguez-Blanco) Le Réseau thématique 34 “Sociologie politique” de l’Association française de sociologie consacre un espace à la présentation de travaux de chercheur.e.s étranger.e.s. Nous présentons aujourd’hui le parcours et les recherches de Melina Vázquez, Melina VÁZQUEZ est Professeure adjointe de sociologie à l’Université de Buenos Aires et chercheuse au Conseil national des recherches scientifiques et techniques (CONICET). Ses principaux sujets de recherche se trouvent à la croisée de la sociologie politique et de la sociologie de la jeunesse. Elle dirige deux projets : « Militantisme des jeunes en démocratie. Une étude comparative de l’activisme politique au retour de la démocratie (1982-1987) et dans le passé récent (2008-2015) », financé par le Ministère des sciences, technologies et innovations productives ; et « Jeunes militants et espaces des jeunes au sein d’organisations politico-partisanes : étude sur les formes d’engagement des jeunes après la crise de 2001 », financé par l’Université de Buenos Aires. Par ailleurs, elle coordonne le groupe de travail « Jeunes et enfances : pratiques politiques et culturelles, mémoires et inégalités » du Conseil latino-américain des sciences sociales (CLACSO). Enfin, elle est responsable académique de la « Spécialisation en enfances et jeunesses : tendances, perspectives et défis des sciences sociales » (CLACSO, CINDE, PUC-SP, COLE, FLACSO, UNLA, UBA, UNLP, CIPS). Mots-clés : Jeunes, enfances, mouvements sociaux, politiques publiques, sociologie de l’État Quel est votre parcours académique (depuis l’école secondaire ou le lycée) ? Avez-vu séjourné dans des institutions académiques à l’étranger ? Racontez brièvement votre expérience d’échange académique au sein de ces institutions. Avez-vous participé à de projets de coopération internationale, par exemple ? Avec quels financements ? 1 J’ai étudié à l’Université de Buenos Aires où j’ai obtenu un diplôme de sociologie en 2003. En 2001, j’ai eu l’opportunité d’intégrer le Groupe d’études sur l’action collective et la protestation sociale (GEPSAC) à l’Institut de recherches Gino Germani (Faculté des sciences sociales de l’UBA), dirigé par Federico Schuster. Dans un contexte de crise de la représentation politique, j’ai découvert la littérature sur l’action collective, tout en participant à une enquête sur les transformations de la protestation sociale dans les années 1990. Peu après, j’ai réalisé un échange académique à l’Université autonome de Madrid. J’y ai suivi le PRACTICUM professionnel de travail de terrain au sein du cursus d’anthropologie sociale et culturelle. Cela a été aussi ma première expérience d’enquête ethnographique sur la population migrante d’un quartier de la ville de Madrid. De retour à Buenos Aires, je me suis familiarisée avec le fonctionnement du système scientifique et ses modes de financement. J’ai d’abord obtenu une bourse pour m’inscrire en Master recherche en sciences sociales (2004-2008) puis en Doctorat en sciences sociales à l’UBA (2008-2011). Ma thèse a porté sur les formes d’engagement militant des jeunes au sein des mouvements de travailleurs au chômage dans le sud de la ville Buenos Aires. Auto- désignés autonomes, ces nouveaux mouvements sociaux étaient rarement étudiés sous l’angle de la jeunesse. Or, ces mouvements étaient composés de jeunes ayant des trajectoires sociales très diverses que l’on gagnait à analyser dans le cadre de la crise de 2001. Outre les trajectoires militantes de déclassement d‘étudiants en sciences humaines et sociales des universités publiques, j’ai rencontré des nombreux jeunes de classe moyenne frappés de plein fouet par la crise, et d’autres encore pour qui la participation à des mouvements sociaux s’inscrivait dans des stratégies d’obtention de ressources suivant la « logique du chasseur »i pour reprendre le terme de Denis Merklen. Bien sûr, il s’agissait de comprendre ces mouvements au-delà de leur présentation officielle, mais aussi des visions plus ou moins enchantées qui les considéraient comme le résultat du processus d’auto organisation des groupes populaires. Mes perspectives de recherche visaient à identifier la position sociale de ces jeunes et les ressorts de leur engagement dans ces mouvements, les modalités d’accès aux positions de porte-parole ainsi que les effets de cette participation sur leurs trajectoires. Les travaux sur la socialisation militante et la notion de capital militant de Frédérique Matonti et Franck Poupeauii ont été fort utiles dans ce sens. Parallèlement à ma thèse, en 2007, j’ai intégré le Groupe de travail sur les jeunesses et l’enfance du Conseil latino-américain des sciences sociales (CLACSO) dont je suis actuellement l’une des coordinatrices. Cet espace, qui regroupe 120 chercheurs et chercheuses de 12 pays de l’Amérique latine et les Caraïbes, est central pour mon travail en ce qu’il a apporté une dimension internationale à ma recherche. J’ai pu ainsi rencontrer d’autres collègues latino-américains intéressés par les mêmes thématiques. Ce réseau m’a également permis d’élargir mon champ d’études de la question du rapport à l’État et aux politiques publiques, à celle de la production des inégalités ou encore de l’enfance, dans une perspective comparée. Nous avons créé, par exemple, la Biennale latino-américaine et caribéenne sur les enfances et les jeunesses, le programme de recherche post-doctoral en sciences sociales de l’enfance et de la jeunesse, et la spécialisation en études sur les enfances et les jeunesses pour laquelle je suis la responsable académique. Enfin, avec un collègue du GEPSAC, nous avons créé en 2011 le Groupe d’études de politiques et de jeunesses 2 (GEPoJu) à l’Institut Gino Germani (UBA) qui travaille sur la mobilisation et l’engagement militant des jeunes à partir d’une perspective sociohistorique. Nous avons déjà réalisé plusieurs projets en coopération avec des collègues d’Espagne, d’Équateur et du Brésil. Quel est votre sujet (ou vos sujets) de recherche actuellement ? Comment êtes-vous arrivée à vous intéresser à ce(s) sujet(s) ? Actuellement, au sein du GEPOJU je mène une sociohistoire du militantisme des jeunes afin d’explorer ses reconfigurations depuis 1983, année qui marque la fin de la dernière dictature militaire. Nous voulons proposer une périodisation des cycles de mobilisation de la jeunesse, en identifiant ses répertoires d’action, ses revendications et ses rapports à certains domaines de l’État. Nous nous intéressons au rôle des activistes dans la mise en œuvre des politiques en faveur de la jeunesse et des formes de catégorisation des jeunes. En fait, après la soutenance de ma thèse en 2010 portant sur les carrières militantes des jeunes dirigeants des mouvements des chômeurs (ce qui a coïncidé avec la mort du président Kirchner), j’ai décidé d’approfondir la recherche sur la période kirchneriste (2003-2015) où il semblait se produire une résurgence de la cause des jeunes. De nouveaux groupes de jeunes activistes sont apparus agissant plutôt pour l’État et à partir de l’État (oficialistas) que contre l’État. Ils se définissaient à la fois comme jeunes et kirchneristes. L’existence de ces groupes permettait d’interroger les conditions de possibilité de leur émergence, leur façon de militer, ainsi que le rôle des politiques de jeunesse et les catégorisations officielles dont les jeunes sont l’objet. J’ai été alors amenée à modifier l’angle d’entrée sur le terrain : au lieu d’enquêter auprès des associations de jeunes, j’ai fait une ethnographie de la Direction nationale de la jeunesse, devenue en 2014 un secrétariat du Ministère de développement social en m’appuyant sur les travaux des anthropologues de l’État. J’ai analysé les interactions entre fonctionnaires et des organisations militantes, dans la mise en œuvre d’une série de politiques dites « participatives » destinées à la jeunesse. Celles-ci visaient à promouvoir et à soutenir les organisations chargées d’accompagner les jeunes concernant le droit de vote (Loi qui a abaissé l’âge de la maturité de 18 à 16 ans) et le droit de former des bureaux des étudiants (centros de estudiantes, NDLR) au sein des institutions scolaires. J’ai élargi par la suite mon terrain d’enquête aux jeunesses partisanes liées aux gouvernements locaux comme les jeunes socialistes de la province de Santa Fe et les jeunes de Propuesta republicana (PRO) (qui soutiennent l’actuel gouvernement de droite de Mauricio Macri) dans la province de Buenos Aires. Quelle est votre approche théorique et épistémologique ? Quels sont les auteurs avec qui vous dialoguez ? Existe-t-il des études relevant explicitement de la sociologie politique dans votre pays d’exercice? Avez-vous participé à l’importation d’auteurs étrangers (traductions, organisation de manifestations scientifiques, etc.) ? J’ai commencé à aborder les enjeux de l’action collective et des mouvements sociaux à partir d’auteurs s’inscrivant dans différentes traditions de la sociologie politique : Alain Touraine, Sidney Tarrow, Charles Tilly, Doug Mc.Adam, Alberto Melucci, parmi d’autres. Mais en 2007, lors des Journées internationales d’études sur le militantisme organisées à l’Institut de 3 sciences Alejandro Lipschutz au Chili, j’ai découvert les travaux de Bernard Pudal sur le militantisme et rencontré une chercheuse argentine, Virginia Vecchioli, qui travaillait sur l’ « engagement militant ». Elle a ensuite codirigé ma thèse. Ces auteurs, tout comme Daniel Gaxie, Eric Agrikoliansky, Olivier Fillieule et Frédéric Sawicki, ont représenté un tournant dans ma recherche à travers leur lecture de la notion de carrière militante. Malheureusement leurs travaux n’existent pas en langue espagnole. Avec d’autres chercheurs, nous avons donc dû réunir nos efforts pour pallier cette difficulté (cf. ci-dessous le dossier sur le militantisme « Militer pour une cause … »). C’est dans ce cadre que nous avons notamment traduit l’article uploads/Politique/ interview-avec-melina-vazquez-conicet-uba.pdf

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