Les institutions politiques de la Côte d’Ivoire 1 Chapitre 2- Les institutions

Les institutions politiques de la Côte d’Ivoire 1 Chapitre 2- Les institutions politiques de la Côte d’Ivoire En cinq décennies d’indépendance, la Côte d’Ivoire connaît trois régimes politiques. Comparé aux pays de tradition démocratique, on peut conclure à une instabilité politique, même si en faisant le rapprochement avec d’autres Etats africains, il s’agit là d’une relative stabilité (Burkina Faso, Niger, Congo Brazzaville, Togo). Ces changements de régime traduisent-ils des mutations dans les idées politiques, du moins dans la manière de concevoir le gouvernement ? Il est certain que des changements dans le fonctionnement des institutions politiques et de certaines mentalités sont observables, même si les lignes de passage ne sont pas toujours clairement identifiables. Il reste une permanence : le caractère présidentialiste des différents régimes politiques. Le présidentialisme n’est pas une exclusivité des systèmes de parti unique même si la plupart des auteurs font justement la distinction entre le régime présidentiel et le régime présidentialiste. Ce dernier régime se caractérise par le renvoi de l’essentiel du pouvoir au président de la république, par la primauté accordée au chef de l’Etat. Sous quelle catégorie classer chacun des trois régimes politiques ivoiriens qui se sont succédé ? Si pour le régime de transition, il s’agit, pour tout dire, d’une concentration du pouvoir, les deux autres sont des régimes présidentialistes. Les institutions politiques de la Côte d’Ivoire 2 L’analyse de l’histoire politique et constitutionnelle de la Côte d’Ivoire montre qu’il est difficile et délicat de dresser une typologie des régimes qui se sont succédé dans le pays. Pour des raisons de commodités pédagogiques, nous allons présenter successivement le régime de la I ère République (Section 1), celui de la transition militaire (Section 2) et enfin ce qui peut être regardé comme le régime de la II èm e République (Section 3). Section 1- Le régime de la Iére République : 1960-1999 A la vérité, ce régime a fonctionné, selon nous, sous la marque de deux Constitutions successives. D’abord la Constitution écrite associée à une forte pratique non écrite. Le système politique a pendant longtemps fonctionné sur cette base avec le monopole de fait du parti unique, le P.D.C.I – R.D. A (Parti Démocratique de Côte d’Ivoire – Rassemblement Démocratique Africain), entre 1960 et 1990. C’est la véritable Première République. Ensuite la Constitution écrite qui proclame le pluralisme et la démocratie à travers son article 7 mis en pratique à partir de 1990. Ceci correspond à notre sens à la Première République bis. Quoiqu'il en soit, le régime est caractérisé par un présidentialisme fort et absolu. A travers la Constitution (Sous-section 1) et les institutions (Sous-section 2), nous allons étudier le régime par lequel les Ivoiriens ont été dirigés pendant 40 ans. Les institutions politiques de la Côte d’Ivoire 3 Sous-section 1- La constitution Au premier abord, on peut dire que le régime repose sur une Constitution écrite et rigide. Sur cette base, elle a eu besoin d'être établie et révisée sans doute selon des formes spécifiques mettant en évidence la notion de pouvoir constituant (Paragraphe 1). Cette Constitution a également eu besoin d'être protégée contre les risques d'atteinte venant des normes infra constitutionnelles (Paragraphe 2). Paragraphe 1- L’opération constituante Il s'agit d'étudier l'élaboration de la Constitution de 1960 (A) ainsi que la révision de cette Constitution (B). A- L’élaboration de la Constitution On ne peut pas étudier et comprendre la Constitution du 3 novembre 1960 (2) sans avoir au préalable rendu compte de l'écriture de la Constitution du 26 mars 1959 applicable à la Côte d'Ivoire colonisée (1). 1- La Constitution du 26 mars 1959 : La Constitution de la Côte d'Ivoire colonisée Bibliographie : Corpus constitutionnel – Recueil universel des constitutions en vigueur. Tome III, chapitre 2 : Côte d’Ivoire. E . J . Brill, Leiden. 1982. Les institutions politiques de la Côte d’Ivoire 4 Un bref rappel historique est nécessaire pour bien situer le processus d’établissement de la Constitution. La colonie de Côte d’Ivoire a été constituée par un décret du 10 mars 1893 et administrée par un Gouverneur dépendant lui même du Gouverneur général de Dakar, le territoire ivoirien étant intégré au grand ensemble de l’Afrique Occidentale Française ( A. O. F ). La Constitution française de 1946 confère le statut de Territoire d’Outre mer (T. O. M) au territoire colonial ; ce qui permet la mise en place, à l’image des assemblées fonctionnant dans les départements français, d’une assemblée locale nommée Conseil général instituée par un décret d’Octobre 1946 .Cette assemblée dont les membres sont élus par deux collèges distincts (Collège des citoyens français et collège des indigènes) ne joue qu’un rôle consultatif au plan local. Une loi du 06 février 1952 transforme le Conseil général en Assemblée territoriale. La loi-cadre dite loi Defferre du 23 Juin 1956 introduit des reformes importantes dans le fonctionnement des colonies d’Afrique noire ; elle va en effet dans le sens d’une démocratisation des institutions locales. D’abord les conseillers territoriaux sont élus au suffrage universel indirect par un collège unique .Ensuite une démocratisation s’opère en faveur des territoires : Un conseil de gouvernement présidé par le Gouverneur et dont les membres sont choisis par l’assemblée, est responsable devant cette dernière ; en même temps, les Les institutions politiques de la Côte d’Ivoire 5 compétences de l’Assemblée sont renforcées, notamment en matière budgétaire et fiscale, au détriment de l’échelon fédéral (Dakar). Cette décentralisation ne pouvait qu’être favorable à la Côte d’Ivoire qui n’avait pas l’intention d’enrichir les autres territoires de la fédération. C’est dans ce contexte qu’intervient le referendum de 1958. Le '' OUI'' des territoires colonisés d'Afrique au référendum de Septembre 1958 et l'institution de la Ve République en France par l'adoption de la Constitution du 4 octobre 1958, donnent aux territoires colonisés un statut d'autonomie qui leur ouvre les voies d'une indépendance possible. La Côte d’Ivoire choisit cette voie sans lier son sort à l'exécutif fédéral de Dakar. En effet le 9 avril 1958, l'Assemblée territoriale, se prononce contre son intégration à l'exécutif fédéral de Dakar ; F. HOUPHOUET BOIGNY milite plutôt pour la liberté de chaque territoire d’entrer dans une fédération africaine. La Constitution française du 4 octobre 1958 offre à la Côte d'Ivoire la possibilité d'acquérir une autonomie dans le cadre de la Communauté française. Comme un Etat fédéré, le territoire de la Côte d'Ivoire pouvait donc se doter d'une Constitution d'autant plus qu'en raison de son passage du statut de Territoire d'Outre- Mer à celui de membre de la Communauté française, l'Assemblée territoriale proclame le 4 décembre 1958 la République de Côte d’Ivoire. Il y a là une ambiguïté qui traduit les contradictions de la politique française vis à vis de ses dépendances d'outre-mer. Les institutions politiques de la Côte d’Ivoire 6 Dès cet instant, l'Assemblée territoriale s'érige en Assemblée constituante. On rapporte que l’opération constituante a été entreprise par un gouvernement et une Assemblée dominés par un seul parti politique , le PDCI – RDA , la plupart des opposants ayant quitté le pays ou s’étant alliés à la coalition gouvernementale. Le premier projet élaboré par le gouvernement a été examiné par une commission consultative composée par de hauts dignitaires du PDCI auxquels avaient été adjoints quelques juristes. Il est ensuite discuté par le comité du RDA de manière à assurer l’harmonisation des institutions dans les pays dominés par ce parti, puis revu par une commission parlementaire. L’Assemblée territoriale adopte le 26 mars 1959 la Constitution de la République de Côte d’Ivoire sans débats (Corpus constitutionnel p. 8). Quel intérêt y a-t-il pour un territoire encore sous domination coloniale, comme c’est le cas pour la Côte d’Ivoire et les autres "Etat" du Conseil de l’Entente, de se doter d’une Constitution ? La réponse est donnée par Gérard CONAC ; l’éminent auteur fait en effet observer : « Dans les territoires soumis à la souveraineté ou à l’administration de la France et de l’Angleterre, les statuts législatifs et les constitutions ont fait surgir des structures parlementaires qui ont pu servir d’échafaudage à l’institution étatique et ont rendu possibles des transferts progressifs de compétence.» (Gérard CONAC, Les constitutions des Etats d’Afrique et leur effectivité, in Gérard CONAC (Sous la direction de), Dynamiques et Finalités des Droits africains. Paris, Economica, 1980, p. 385 et s.) Les institutions politiques de la Côte d’Ivoire 7 Un certain nombre de remarques, plutôt de critiques, peuvent être faites vis à vis de cette démarche. . D'abord et avant tout, la procédure d'adoption de la Constitution est peu démocratique ; le peuple de Côte d'Ivoire a été exclu de l'adoption de cette Constitution. . On note surtout que le régime établi à cette occasion par cette Constitution est une copie de la Constitution de la Ve République française. Il s'agit d'un régime parlementaire dont les pièces constitutives sont : un gouvernement à la tête duquel se trouve le Premier Ministre, ce dernier étant investi par l'Assemblée législative créée en remplacement de l'Assemblée territoriale. Le 27 avril 1959 sur proposition de Philippe Grégoire YACE, Président de l'Assemblée législative, Félix HOUPHOUET BOIGNY fut investi dans les fonctions de uploads/Politique/ l1-droit-const-2.pdf

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