L'évaluation des politiques partagées entre l'État et les collectivités territo
L'évaluation des politiques partagées entre l'État et les collectivités territoriales INSPECTION GENERALE DE L’ADMINISTRATION N° 20018-R - Juin 2020 - 1 INSPECTION GENERALE DE L’ADMINISTRATION N° 20018-R L'évaluation des politiques partagées entre l'État et les collectivités territoriales Établi par Bruno ACAR Inspecteur général de l’administration Xavier GIGUET Inspecteur de l’administration avec le concours de Nicolas YAHYAOUI, stagiaire auprès de l’inspection générale de l’administration - Juin 2020 - L'évaluation des politiques partagées entre l'État et les collectivités territoriales 5 SYNTHESE La mise en œuvre de beaucoup de politiques publiques associe aujourd'hui l’État et les collectivités territoriales selon des modalités de plus en plus imbriquées qui rendent difficile l'identification de compétences exclusives voire même de « blocs de compétences ». La multiplication des contrats de toute nature entre le niveau national et les échelons locaux caractérise cette complexification de l'action publique. Or, ces politiques partenariales, pourtant au cœur de l'action publique, apparaissent encore comme le parent pauvre de l'évaluation. L'État, historiquement, mobilise des moyens significatifs pour évaluer ses politiques, de même que bon nombre de grandes collectivités territoriales se sont attachées, plus récemment, à structurer l'évaluation des responsabilités qui leur ont été confiées par la loi. Mais si chaque acteur intervient dans son domaine de compétence propre, la pratique d’une évaluation partagée entre, d’une part, l’État et, d'autre part, les collectivités apparaît, en creux, comme un manque tant au niveau national que territorial. Nombre des interlocuteurs rencontrés par la mission considèrent même que la situation s'est dégradée au cours des dernières années pour des raisons que les réorganisations récentes tant des conseils régionaux, que des services déconcentrés de l’État ne suffisent pas à expliquer. Le développement de l'évaluation des politiques partagées renvoie à un triple enjeu : un enjeu d'efficience : l'évaluation des politiques initiées par l’État au niveau national et dont l'effectivité est liée à leur déclinaison territoriale a pour vocation première de s'assurer que les acteurs locaux sont en capacité d'accompagner des réformes dont la réussite dépend largement de leur mobilisation (par exemple, la semaine de 4,5 jours à l’école, le plan pauvreté, la lutte contre le chômage…). un enjeu de gouvernance : l’évaluation des politiques décentralisées sera d’autant plus légitime qu’elle ne résultera pas d'une initiative unilatérale de l'État mais associera étroitement les collectivités territoriales considérées comme acteur et pas seulement objet de la démarche, évolution incontournable dans un contexte marqué par une mise en œuvre de plus en plus différenciée de l'action publique sur les territoires. Construire ensemble les éléments qui permettront d'objectiver les données qui serviront de base à l'évaluation, c'est déjà créer les conditions d'un dialogue confiant entre l'État et les collectivités territoriales. un enjeu démocratique : évaluer ensemble une politique impliquant différents partenaires sur un territoire, c'est permettre aux citoyens qui ont du mal à identifier les responsabilités de chacun d'appréhender les effets de l'action publique locale de façon globale et concrète. Le présent rapport est organisé autour de trois questions qui en structurent le contenu. 1) Quels sont les facteurs qui sont de nature à favoriser le développement des évaluations de politiques partagées ? Un certain nombre d'obligations d'évaluation de politiques ou de dispositifs sont prévues par la loi soit ex ante (études d’impact des projets d'origine législative ou réglementaire), soit ex post (fonds européens, politique de la ville, expérimentations, bilan de certaines réformes...). La contrainte, si elle peut avoir des effets positifs comme l'acculturation aux logiques d'évaluation, n'est pas sans générer des ambiguïtés : le suivi de ces obligations est très inégal, les exercices menés peuvent apparaitre formels et relever davantage de la justification des actions financées que d'une véritable démarche d'évaluation, les collectivités territoriales ne sont pas systématiquement associées à l'évaluation des dispositifs qui les concernent. S'il L'évaluation des politiques partagées entre l'État et les collectivités territoriales 6 importe de créer les conditions d'une meilleure effectivité des obligations existantes, une multiplication de ces dernières ne constitue pas la meilleure façon de mieux structurer l'évaluation des politiques publiques. En revanche, une approche plus partenariale est privilégiée. Elle repose sur la définition de programmes d'évaluation des politiques publiques dans des instances associant l'État et les collectivités territoriales au niveau national (dans le cadre de la conférence nationale des territoires) ou local (via les conférences territoriales de l'action publique) et l'intégration, dès leur négociation, de dispositifs d'évaluation dans les contrats les plus structurants, les conventions territoriales d'exercice des compétences et les expérimentations. Il ne s'agit, toutefois, pas seulement d'évaluer davantage, mais aussi de mieux évaluer. 2) Comment garantir le caractère partenarial de l'évaluation des politiques partagées ? Mener des évaluations partagées implique de se doter d'outils communs pour observer le contexte et les résultats de l'action publique puis pour construire une vision collective des enjeux, des finalités et des modalités de mise en œuvre de la démarche. Il importe, d’abord, de restaurer des systèmes d’observation territoriale et de construire « un bien commun statistique » entre l'État et les collectivités territoriales. À cet égard, le confortement de l'observatoire des finances et de la gestion publique locale ainsi que la mise en place sur les territoires d'outils d'observation partagés constituent d’indispensables préalables. La création récente de l’ANCT et son organisation dans les territoires doit aussi pouvoir utilement y contribuer. La formalisation d'éléments de méthode communs est également indispensable à la mise en place d'une évaluation partagée. Les évaluations dont les référentiels ne sont pas co-construits et sont imposés de l'extérieur sont subies plus que portées par les intéressés. Il s'agira d'élaborer des références et une méthodologie communes (définition du périmètre des politiques qui seront évaluées, critères retenus, identification des acteurs à associer, principes méthodologiques…) qui permettront de prendre en compte les enjeux et contraintes de chaque acteur. Ce cadrage préalable ne peut résulter de la seule initiative de l’État. Il doit être élaboré conjointement avec l’ensemble des acteurs qui seront impliqués et fixer les principes qui vont garantir le caractère partagé de la démarche : recentrage sur les politiques publiques et les projets, approche quantitative et qualitative, définition concertée des périmètres pertinents, modalités d'association de l'État, des collectivités mais aussi le cas échéant des citoyens et des autres acteurs au suivi et à la mise en œuvre de chaque étape de l’évaluation. Pour évaluer plus et mieux, il importe, enfin, que les partenaires concernés aient à la fois la conviction que cette démarche est utile et disposent des moyens de la concrétiser. 3) Quelles sont les ressources disponibles tant au niveau national que territorial pour évaluer les politiques partagées ? La mise en place d'un dispositif d’évaluation partagée implique que soient mieux identifiées et sollicitées les expertises disponibles tant au niveau national, que sur les territoires. Or, sur ce point on constate un décalage important entre, d’une part, le niveau national, où les ressources de l’État pour évaluer les politiques publiques sont significatives (avec notamment ses inspections générales) tandis que celles mobilisables par les associations représentant les collectivités sont limitées, et d’autre part le niveau territorial, où le paysage est plus émietté entre des grandes collectivités qui ont souvent développé des ressources dans ce domaine, des collectivités plus petites souvent moins sensibilisées à ces problématiques et ne disposant pas des moyens nécessaires et des services déconcentrés de l’État de moins en moins outillés sur ce sujet. L'évaluation des politiques partagées entre l'État et les collectivités territoriales 7 Consolider l'évaluation des politiques partagées implique d'abord de convaincre les parties prenantes de l'intérêt de cette démarche et d'imaginer des solutions innovantes pour associer les représentants des collectivités à toutes les étapes du processus. Au niveau national, les lettres de mission pourraient être cosignées par les ministres et présidents des associations concernées, des comités de pilotage conjoints seraient mis en place, et des équipes opérationnelles seraient constituées intégrant, au-delà des inspections générales, des agents des services « évaluation » des collectivités. Sur les territoires, une équipe projet en charge de l'évaluation pourrait être constituée au sein des services déconcentrés de l'État tandis que le conseil régional se verrait confier un rôle d'ensemblier en matière d'évaluation favorisant l'identification de l'ensemble des ressources disponibles sur le territoire (dans les autres collectivités mais aussi les conseils économiques, sociaux et environnementaux régionaux, les universités ou les prestataires privés) et leur mutualisation au bénéfice de l'ensemble du territoire régional. Le recours aux chambres régionales des comptes pourrait être sollicité. Enfin, il appartiendra aux acteurs de promouvoir une approche partagée de la professionnalisation de la fonction d’évaluation. Des progrès peuvent être réalisés dans le champ de la formation, initiale comme continue, en organisant par exemple des sessions communes entre cadres de l’État et des collectivités. Les réseaux professionnels représentent, en outre, un cadre qui favorise l’échange des pratiques et les réflexions sur l’organisation du métier. Ils devront être soutenus en ce sens. L'évaluation des politiques partagées entre l'État et les collectivités territoriales 8 L'évaluation des politiques partagées entre l'État et les collectivités territoriales 9 Liste des recommandations par ordre d’apparition dans le rapport Recommandation n°1 : Bâtir le cadre méthodologique permettant la mise en œuvre d’évaluations partagées de politiques publiques en incitant uploads/Politique/ 20018r-evaluation-des-politques-partagees-web.pdf
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- Publié le Dec 07, 2022
- Catégorie Politics / Politiq...
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