Radicalités politiques Observatoire v r e bs O i l a c i d a R e r i o t a s ue

Radicalités politiques Observatoire v r e bs O i l a c i d a R e r i o t a s ue q i t i l o p s p é t i LE « NOUVEAU » FRONT NATIONAL EN QUESTION ALEXANDRE DÉZÉ AVERTISSEMENT La mission de la Fondation Jean-Jaurès est de faire vivre le débat public et de concourir ainsi à la rénovation de la pensée socialiste. Elle publie donc les analyses et les propositions dont l’intérêt du thème, l’originalité de la probléma- tique ou la qualité de l’argumentation contribuent à atteindre cet objectif, sans pour autant nécessairement reprendre à son compte chacune d’entre elles. LE « NOUVEAU » FRONT NATIONAL EN QUESTION ALEXANDRE DÉZÉ Le « nouveau » Front national en question 3 Remerciements Je tiens à remercier l’ensemble des membres de l’Observatoire des radicalités politiques pour leur soutien, et en particulier Nicolas Lebourg, sans qui cette étude n’aurait pas vu le jour et qui a pris le temps de relire l’intégralité de ce texte. Merci également à Cécile Alduy et à Delphine Espagno pour leurs précieux commentaires. Le « nouveau » Front national en question 5 SOMMAIRE Introduction .................................................................................................. 7 La place du Front national dans la vie politique française ................... 9 Le Front national n’est pas le « premier parti de France » ............................... 10 Le Front national n’est pas aux « portes du pouvoir » ....................................... 14 Le Front national n’a pas fondamentalement changé ............................ 21 La stratégie de « dédiabolisation » de Marine Le Pen n’est pas nouvelle ......... 21 Un programme qui repose toujours sur les fondamentaux du parti .................. 28 Un leadership différent ? ................................................................................. 37 Évolutions et invariants de l’organisation partisane frontiste ............................ 45 Un électorat relativement stable dans son implantation géographique et sa composition sociologique ......................................................................... 53 Les militants : un renouvellement dans la continuité ...................................... 64 La construction de la réalité politique du Front national ........................... 71 Le traitement médiatique et sondagier du FN ................................................. 71 La banalisation des idées frontistes par des agents exogènes au FN ................ 120 Les effets d’amnésie liés à l’effacement politique du FN dans les années 2000 ....................................................................................... 126 Conclusion .................................................................................................... 129 INTRODUCTION Cette étude a pour ambition de proposer un état des lieux de la réalité politique actuelle du Front national. Elle s’attache à déconstruire un certain nombre de croyances devenues dominantes sur le parti d’extrême droite français, notamment depuis que Marine Le Pen a été élue à sa présidence en janvier 2011. Sans sous-estimer l’importance politique croissante du FN, il s’agira ici de montrer qu’il n’est pas le « premier parti de France », qu’il ne se situe pas aux « portes du pouvoir » pas plus qu’il n’est devenu un « nouveau » parti. En effet, ce n’est pas tant le FN qui a changé que les perceptions de ce parti. Sa banalisation repose certes sur des facteurs endogènes – la stratégie de dédiabolisation de Marine Le Pen, le renouvellement du leadership frontiste –, mais elle s’explique également par des facteurs exogènes liés au traitement médiatique, sondagier et politique de l’organisation frontiste. Le « nouveau » Front national en question 7 LA PLACE DU FRONT NATIONAL DANS LA VIE POLITIQUE FRANÇAISE Commençons par revenir sur le poids et la place du Front national dans la vie politique française. Depuis les élections municipales et européennes de 2014, s’est imposée l’idée selon laquelle le FN serait devenu le «premier parti de France1 ». Ce statut n’est pas seulement revendiqué par les dirigeants du parti2 ; il se trouve également relayé et accrédité par certains médias3 et acteurs politiques4, et il a été au cœur des débats de la campagne pour les élections départementales de 20155. Mais qu’en est-il concrètement ? Le FN représente-il vraiment la première force politique en France, et se trouve-t-il par conséquent « aux portes du pouvoir6 » ? Le « nouveau » Front national en question 9 1. L’usage des guillemets s’impose ici puisque cette expression renvoie originellement à un slogan frontiste. 2. « C’est la première fois dans l’histoire de la Ve République que le Front national est le premier parti de France », déclare ainsi Florian Philippot au soir des résultats des élections européennes, le 25 mai 2014 (affirmation relayée par d’autres responsables du parti, mais aussi par certaines de ses affiches). Cité dans « Européennes : après la victoire du FN, 2017 dans le viseur de Marine Le Pen », nouvelobs.com, 25 mai 2014. 3. Par exemple : « Ces électeurs qui font du Front national le “premier parti de France” », lefigaro.fr, 26 mai 2014 ; « Le Front national devient le premier parti de France : les cinq explications », sudouest.fr, 26 mai 2014 ; « Le Front national, premier parti de France », parismatch.com, 1er juin 2014. 4. « Le FN, c’est le premier parti de France. On peut siffler, on a raison de le faire mais c’est le premier parti de France […] », discours de Benoît Hamon lors de la fête de Frangy-en-Bresse, 24 août 2014 ; « Le Front national est en passe de devenir le premier parti de France, pas cette fois à des élections européennes, comme au prin- temps dernier, mais là, à des élections départementales », discours de Manuel Valls à Limoges, 5 mars 2015, cité par lemonde.fr, 5 mars 2015. 5. Cf. sur ce point Alexandre Dézé, « Départementales 2015 : le FN et Marine Le Pen, un objet politique rentable pour les médias », leplus.nouvelobs.com, 28 mars 2015. 6. Selon les termes de Manuel Valls lors d’une conférence en Italie le 7 septembre 2014, repris ensuite par les médias (cf. par exemple le thème de l’émission Du grain à moudre de France Culture du 15 septembre 2015 : « Le Front national est-il aux portes du pouvoir ? »). Le « nouveau » Front national en question LE FRONT NATIONAL N’EST PAS LE « PREMIER PARTI DE FRANCE » Il ne fait aucun doute que le Front national a obtenu des scores inédits lors des scrutins de 2014. Aux élections municipales, les listes frontistes ont souvent dépassé les 30 % de suffrages, permettant ainsi au parti d’obtenir 11 mairies (plus que 10 aujourd’hui, avec l’annulation de l’élection du maire du Pontet) et d’installer 1 546 conseillers dans les municipalités de plus 1 000 habitants. Aux élections européennes, le FN a réussi pour la première fois à devancer l’UMP et le PS dans un scrutin national (24,9 % des suffrages exprimés), terminant en tête dans 5 des 8 circonscriptions hexagonales, 16 des 22 régions métropolitaines et 71 des 101 départements. En définitive, ce sont 23 eurodéputés FN qui siègent actuellement au parlement de Strasbourg. Ces résultats sont donc remarquables. Toutefois, il importe de ne pas les surévaluer. Concernant les élections municipales, il faut rappeler que le FN est demeuré absent du premier tour dans 35 400 communes de France (sur 36 700) ; que son score, rapporté au niveau national, n’a atteint que 4,7 % des suffrages (comme en 1995) ; que, dans les 415 villes de plus de 10 000 habitants où il présentait des listes, il a recueilli un résultat légèrement inférieur en voix à celui de Marine Le Pen à l’élection présidentielle de 20127 ; que ses élus ne représentent que 0,2% de l’ensemble des conseillers municipaux en France. Concernant les européennes, il faut préciser que ce ne sont pas 24,9 % des Français qui ont apporté leur soutien au FN – comme on a pu l’entendre dans nombre de commentaires médiatiques – mais 24,9 % des votants (soit 4,6 millions d’électeurs, c’est-à-dire 10% du corps électoral français). Si les résultats du FN ont pu être surévalués pour les élections municipales et européennes de 2014, ils ont été en revanche sous-estimés pour 10 7. Rapporté au total des inscrits, le résultat des municipales représente un recul de 4 points (de 12 % à 8 %) par rapport à la présidentielle de 2012. Cf. Céline Braconnier, Jean-Yves Dormagen, « Ce que s’abstenir veut dire », Le Monde diplomatique, n° 772, mai 2014. les élections départementales de 2015. Ainsi, on a pu lire dans la presse que le FN avait « raté le raz-de-marée des 30 %8 », que « la dynamique [s’était] enrayée pour la première fois depuis que Marine Le Pen a repris les rênes [du FN]9 », qu’il avait pour partie « manqué ses départementales10 », voire qu’il s’agissait d’un « échec11 ». On peut supposer que cette lecture des résultats tient à un double effet de décalage : – décalage entre les estimations des instituts de sondage concernant les intentions de vote en faveur des candidats du parti d’extrême droite au premier tour (estimations qui sont montées jusqu’à 33 %12) et les résultats finalement recueillis par le FN (25,2%) ; rappelons à ce titre que trois sondages sur quatre publiés entre le mois de décembre 2014 et le mois de mars 2015 ont placé le FN premier à l’issue du premier tour des élections départementales13 ; – décalage uploads/Politique/ le-quot-nouveau-quot-front-national-en-question.pdf

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